16ème législature

Question N° 5816
de M. Elie Califer (Socialistes et apparentés (membre de l’intergroupe NUPES) - Guadeloupe )
Question écrite
Ministère interrogé > Première ministre
Ministère attributaire > Outre-mer

Rubrique > outre-mer

Titre > Scandale du chlordécone - Suites à donner au non-lieu

Question publiée au JO le : 21/02/2023 page : 1596
Réponse publiée au JO le : 02/05/2023 page : 4035
Date de changement d'attribution: 14/03/2023

Texte de la question

M. Elie Califer attire l'attention de Mme la Première ministre sur les suites politiques à donner au jugement rendu le 2 janvier 2023 par lequel le tribunal de grande instance de Paris a rendu une décision de non-lieu dans le scandale de l'empoisonnement au chlordécone. Bien que réputé irresponsable en vertu de l'article L. 121-2 du code pénal, l'État, responsable de cette pollution et de cette contamination, reste comptable et responsable du fléau. Scandaleux pour certains, offensant pour d'autres, ce non-lieu doit appeler, au-delà des suites judiciaires qui seront intentées par les parties, une réponse politique forte. Ainsi, en complément du plan Chlordécone 4, M. le député souhaiterait connaître les moyens engagés en faveur de la recherche fondamentale et la dépollution des eaux et des sols. Il demande ainsi à Mme la Première ministre si le Gouvernement est prêt à déclarer « d'intérêt national » les recherches en matière de dépollution des sols afin que tout soit mis en œuvre pour dégrader cette molécule qui contamine les sols, les eaux et les corps. Il souhaite également connaître les études médicales en cours financées par l'État pour établir un lien entre exposition au chlordécone et développement d'une pathologie. Enfin, sur le modèle de ce qui a été fait en faveur des victimes de l'amiante, il souhaite connaître la position du Gouvernement sur l'opportunité et la faisabilité de la création d'un fonds d'indemnisation de toutes les victimes de l'exposition au chlordécone permettant d'engager une véritable réparation.

Texte de la réponse

La pollution à la chlordécone, par son ampleur et sa persistance constitue un enjeu sanitaire, environnemental, agricole, économique et social pour les Antilles. Face à ce scandale environnemental, lors de son déplacement en Martinique en septembre 2018, le Président de la République a reconnu solennellement et pour la première fois, la part de responsabilité de l'Etat dans le scandale environnemental du Chlordécone, fruit d'un choix collectif (État, élus, acteurs économiques) face aux menaces qui pesaient sur une partie des exploitations et des emplois aux Antilles en l'absence de ce produit. Il a appelé l'Etat à avancer dans le chemin de la réparation et des projets. L'État est donc engagé avec détermination sur la voie de la réparation des impacts de cette pollution, au niveau individuel et au niveau collectif. Des actions sont engagées pour protéger la santé des populations, tendre vers le « zéro chlordécone dans l'alimentation », et prendre en charge les impacts de cette pollution. Ces mesures ont été adoptées après une large consultation des parties prenantes et des citoyens et tiennent compte de la majorité des 49 recommandations du rapport de la commission d'enquête parlementaire de 2019. Aujourd'hui, même s'il reste encore beaucoup à faire et à comprendre grâce aux travaux scientifiques, des avancées importantes ont été réalisées. Le fonds d'indemnisation des victimes de pesticides est opérationnel, de manière pérenne, pour les personnes ayant déclaré une maladie liée à une exposition professionnelle aux pesticides, dont la chlordécone. Il concerne également les enfants exposés aux pesticides avant leur naissance, en raison de l'exposition professionnelle de l'un des deux parents. En s'appuyant sur les connaissances scientifiques, le cancer de la prostate est désormais reconnu comme maladie professionnelle en lien avec une exposition des pesticides (dont la chlordécone), au même titre que la maladie de Parkinson et les lymphomes non Hodgkiniens. A ce jour, une soixantaine de dossiers ont été déposés, une trentaine a déjà reçu un avis favorable et une dizaine de personnes ont été indemnisées. L'Etat mobilise environ 27M€ sur le volet recherche sur la chlordécone sur la période 2021-2027, soit environ 30% du budget total prévu. L'agence nationale pour la recherche (ANR) a inscrit la recherche chlordécone dans ses priorités de travail. Plus particulièrement, elle finance conjointement avec la Région Guadeloupe et la Collectivité Territoriale de Martinique, 6 projets de recherche sur la chlordécone, dont la majorité porte sur la dépollution des sols. L'enveloppe mobilisée par l'ANR couvre 4,5 M€ sur une enveloppe totale de 5.5 M€. A cela s'ajoute des travaux scientifiques sur l'impact de la chlordécone sur la santé, l'environnement, les aliments, ainsi que des travaux dans le domaine des sciences humaines et sociales. Le budget de l'Etat sur le volet représente est d'environ 30 M€ sur la période 2021-2027. La communauté scientifique est fortement mobilisée, comme illustré lors des « rencontres chlordécone 2022 » qui ont eu lieu du 12 au 16 décembre, avec un colloque scientifique de 3 jours en Guadeloupe et des rencontres avec les différents publics en Guadeloupe et en Martinique pour « connaître pour agir ». La synthèse des connaissances scientifiques établie par le comité de pilotage scientifique est disponible sur le site www.chlordecone-infos.fr. Les premiers résultats concrets ont été présentés en novembre dernier aux élus des Antilles par Monsieur Jean-François CARENCO, ministre délégué chargé des Outre-mer et Madame Agnès FIRMIN LE BODO, ministre déléguée chargée de l'Organisation territoriale et des professions de santé. La pollution environnementale par le chlordécone est un sujet grave. La réparation passe par l'action et les services de l'Etat sont pleinement mobilisés, aux côtés des collectivités territoriales, des organismes de recherche et des professionnels de santé pour protéger nos concitoyens des conséquences sanitaires de cette situation, dans la durée. C'est par la mobilisation des citoyens, des élus, des scientifiques, des professionnels de santé, des associations que l'on parviendra ensemble, à lutter contre les conséquences de ce fardeau. C'est ensemble que nous dépasserons la situation créée par le chlordécone. La décision de non-lieu et les réactions qu'elle suscite engage et oblige à progresser encore. Le gouvernement y travaille.