16ème législature

Question N° 5838
de Mme Lisette Pollet (Rassemblement National - Drôme )
Question écrite
Ministère interrogé > Travail, plein emploi et insertion
Ministère attributaire > Santé et prévention

Rubrique > professions de santé

Titre > Pour une revalorisation du travail et du salaire des infirmiers libéraux

Question publiée au JO le : 21/02/2023 page : 1685
Réponse publiée au JO le : 11/07/2023 page : 6503
Date de changement d'attribution: 28/02/2023

Texte de la question

Mme Lisette Pollet alerte M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion sur la situation financière alarmante des infirmiers libéraux. Depuis 2012 les infirmières et infirmiers libéraux n'ont eu aucune revalorisation salariale. Ces années de travail à ne rien dire sont terminées et des manifestations explosent partout en France. Ce qui paraît étonnant c'est la sourde oreille du Gouvernement fasse à leurs revendications. Lors de la crise sanitaire, ils ont continué leur travail et se faisaient applaudir dans la rue mais concrètement rien a changé dans leur situation. Alors que les infirmières et infirmiers libéraux jouent un rôle majeur dans le maintien à domicile des personnes âgées en perte d'autonomie, dans un contexte de vieillissement de la population et d'explosion des maladies chroniques, rappelle la FNI et alors que leur rôle a été essentiel pendant la pandémie leurs revendications ne sont pas entendues. À cause des charges qui pèsent sur eux beaucoup décident de quitter la profession. Leur exaspération, très longtemps silencieuse, est devenue visible lors de l'approbation le 29 mars 2019 de l'avenant 6 à la convention nationale des infirmiers libéraux en application de l'article L. 162-15 du code de la sécurité sociale, texte uniquement signé par deux organisations représentatives. La mise en place de cet avenant contraint les infirmiers à éviter les prises en charge lourdes parce que ces dernières se retrouvent moins bien rémunérées. Leur forfait résulte d'un algorithme classant les patients en trois niveaux, du plus léger au plus lourd, le montant versé étant journalier. Cette situation entraîne une dégradation de la prise en charge des patients alors que la politique sanitaire tend au maintien à domicile le plus longtemps possible, les Ehpad étant saturés, onéreux et certains sujets à des scandales réguliers. Bien avant cet avenant, leur désarroi existait. La crise covid les avait envoyés en première ligne, toujours au plus proche de patients confinés, avec aucune fourniture d'équipements de protection (ils devaient ressortir les réserves de la grippe A de 2009/2010, solliciter des carrossiers, des bouchers, faire avec des équipements périmés). Tout au long de cette période, ils ont continué à dispenser les soins quotidiens tout en assumant une campagne de vaccination massive. En guise de remerciements, ils n'ont pu compter que sur les seuls applaudissements quotidiens de 20h. Ils sont considérés comme un générateur de dépenses publiques ; 60 professionnels sur 100 envisagent d'abandonner leur métier dans les 5 ans à venir, il faut stopper l'hémorragie. Ainsi, il serait bon de reconnaître leur rôle primordial dans le système de santé publique. Nicolas Billion, infirmier libéral dans la Drôme explique qu'il parcourt 200 km pour visiter en moyenne 90 patient par jour. Par trajet il touche 2,50 euros quelle que soit la distance. Cette compensation ne couvre pas les distances parcourues surtout avec la hausse des prix des carburants. Ne rien faire serait les obliger à choisir les patients à traiter ce qui paraît inconcevable. Certes, une hausse ridicule de 4 centimes par patient et de 1 centime par kilomètre avait été octroyée d'avril à décembre 2022 ; elle a cependant disparu avec la nouvelle année alors que les prix à la pompe ne cessent d'augmenter. Dans ce climat d'inflation Mme la députée demande au ministre qu'une réelle compensation pérenne de l'augmentation des prix du carburant soit mise en place. De la même manière elle demande une prise en compte de la pénibilité de leur profession pour l'âge de départ à la retraite. Attendre 67 ans pour des professionnels qui ont une espérance de vie de 78 ans, contre 85 ans pour le reste de la population, lui paraît injuste. L'activité quotidienne, 7j/7, 365j/an épuise les corps ; soigner en étant plus diminués que le soigné risque de dégrader une fois de plus la prise en charge des patients. Elle souhaite connaître sa position sur le sujet.

Texte de la réponse

Les infirmiers jouent effectivement un rôle essentiel dans notre système de soins notamment auprès des populations fragiles comme les personnes âgées ou les personnes en situation de handicap. Afin de valoriser ce rôle, l'avenant n° 6 signé en 2019 prévoit de nombreuses mesures de revalorisation des missions des infirmiers, dont la création du bilan de soins infirmiers (BSI). Le bilan de soins infirmiers permet une prise en charge forfaitaire des patients dépendants dans l'objectif d'améliorer la qualité des soins. Trois montants forfaitaires sont prévus en fonction de l'état de dépendance du patient (13 euros, 18,2 euros et 28,7 euros). Cet outil a rapidement été intégré dans la pratique des infirmiers et a connu un engouement important. De fait, un nouvel accord financier a été conclu avec l'Assurance maladie : l'avenant n° 8 signé en novembre 2021 a permis un doublement de l'investissement sur le BSI sur la période 2020 à 2024 avec un montant de 217 millions d'euros contre 122 millions prévus dans l'avenant n° 6. Concernant les indemnités kilométriques, l'Assurance maladie a mené des travaux sur les indemnités kilométriques afin d'adapter les modalités de facturation en fonction des spécificités locales notamment en termes d'accès aux soins. Ces travaux ont abouti au protocole d'accord national du 6 mai 2021, annexé à l'avenant n° 8 signé le 9 novembre 2021, prévoyant la possibilité pour les partenaires conventionnels de conclure des accords locaux portant sur les modalités de facturation des indemnités kilométriques. Le ministère de la santé et de la prévention a demandé fin mai 2023 à l'Assurance maladie d'ouvrir des négociations rapides et ciblées avec les infirmiers accompagnant des revalorisations portant sur des actes du quotidien. Celles-ci ont abouti le 16 juin 2023 à la signature d'un accord qui revalorise la prise en charge des patients à domicile. Ce texte acte des revalorisations importantes concernant l'activité des infirmières et infirmiers libéraux intervenant au domicile des patients : augmentation de 10 % de l'indemnité forfaitaire de déplacement ; généralisation, à partir d'octobre 2023, du déploiement du bilan de soins infirmiers (BSI) pour les patients dépendants de moins de 85 ans et suivis par l'infirmier à domicile. Il s'agit ainsi de la dernière étape du déploiement du BSI, qui constitue une réforme majeure en matière de prise en charge des patients dépendants à domicile et reconnaît le rôle essentiel des infirmiers libéraux dans la prise en charge des personnes âgées en perte d'autonomie. Par ailleurs, en tant qu'acteurs majeurs de l'organisation des soins sur le territoire en raison de leur effectif et de leur polyvalence d'exercice, les infirmiers représentent un groupe professionnel sur lequel le ministère chargé de la santé souhaite s'appuyer pour poursuivre les transformations du système de santé en profondeur. La question de l'exercice et des compétences est ainsi centrale dans l'attractivité et la reconnaissance du métier. Si l'évolution de la profession infirmière a fait l'objet d'un parcours long et progressif de reconnaissance, c'est bien la pratique infirmière et sa construction juridique qui sont à reconsidérer pour lui apporter l'agilité indispensable au contexte sanitaire mouvant et exigeant actuel. C'est dans cette perspective que le ministre de la santé et de la prévention a lancé le 26 mai 2023 la refonte du métier infirmier en 3 axes :  les compétences : les activités réalisées par les infirmiers et les infirmières étant de plus en plus techniques et diversifiées et les prises en charge de plus en plus complexes, il est désormais nécessaire de passer d'un encadrement strict des actes autorisés à une approche plus agile par grandes missions ; la formation : pour répondre aux besoins de santé de la population, renforcer des disciplines peu enseignées alors qu'essentielles (comme la pédiatrie, la psychiatrie ou la gériatrie) et aux aspirations légitimes de la communauté étudiante, il est nécessaire de repenser les cursus de formation pour les adapter aux besoins locaux, attirer toujours plus de jeunes et renforcer leur accompagnement jusqu'au diplôme ; les carrières : parce que le métier d'infirmier est un métier d'avenir, il nous faut rénover et renforcer les collectifs de travail au sein desquels ils exerceront des compétences élargies, en équipe, et verront leurs expertises reconnues dans une perspective de progression et d'évolution professionnelle.