Question orale n°588 : Opposition des Ardennais à une "forêt primaire" dans les Ardennes

16ème Législature

Question de : M. Pierre Cordier (Grand Est - Les Républicains)

M. Pierre Cordier appelle l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur le projet de sanctuarisation de 70 000 hectares de forêt dans les Ardennes. Cette « forêt primaire » empêcherait toute activité humaine pour 700 ou 800 ans ! Ainsi, les Ardennais riverains du parc naturel régional des Ardennes seraient privés de l'accès à la forêt pour toutes activités touristiques, économiques ou sportives : randonnée, cueillette, affouage, chasse, pêche, VTT, exploitation,etc. Cela irait à l'encontre du développement du Nord-Ardennes, dont la situation socio-économique se détériore d'année en année. Pour faire face à la désindustrialisation, les élus se mobilisent depuis plusieurs années pour développer le tourisme, en particulier le long de la Meuse. La mise sous cloche de la forêt anéantirait les efforts accomplis et les investissements. C'est pourquoi le conseil départemental des Ardennes, les 3 intercommunalités et plus de 80 % des communes du territoire du Nord-Ardennes auront pris d'ici fin février 2024 une délibération contre ce projet de forêt primaire. Plus de 10 000 Ardennais ont également signé une pétition citoyenne en ce sens. Il souhaite par conséquent avoir confirmation que le Gouvernement respectera la volonté des citoyens et des élus qui souhaitent protéger l'économie, les loisirs et le tourisme dans le nord des Ardennes.

Réponse en séance, et publiée le 28 février 2024

« FORÊT PRIMAIRE » DANS LES ARDENNES
M. le président . La parole est à M. Pierre Cordier, pour exposer sa question, no 588, relative à la « forêt primaire » dans les Ardennes.

M. Pierre Cordier . Depuis le printemps 2022, une association développe un projet visant à sanctuariser 70 000 hectares de forêt dans les Ardennes françaises et belges principalement. Ce projet de « forêt primaire » transfrontalière, qui toucherait le parc naturel régional (PNR) des Ardennes, empêcherait toute activité humaine pour des centaines d’années. Les Ardennais, et pas seulement, seraient privés de l’accès à la forêt pour des activités sportives et touristiques – randonnée, cueillette, chasse, pêche, vélo tout terrain (VTT) –, ainsi que pour l'affouage et l'exploitation forestière. Le réchauffement climatique nécessite des innovations ambitieuses – j'en suis tout à fait conscient –, mais ce projet de « forêt primaire » irait à l’encontre du développement économique et touristique du Nord-Ardennes, qui rencontre déjà tant de difficultés.

Le 11 septembre 2023, j'ai écrit à Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, pour lui faire part de l’opposition quasi unanime à ce projet des élus du Nord-Ardennes et de nombreuses associations. Le 8 décembre 2023, il m’a répondu que ce projet « ne pourrait évidemment se faire qu'en tenant compte des choix exprimés et portés par le territoire et en aucun cas dans un contexte d'opposition locale ».

Ces derniers mois, 92 % des communes de ma circonscription membres du PNR ont voté contre le projet de « forêt primaire », tout comme les intercommunalités, le conseil départemental des Ardennes et les membres du schéma de cohérence territoriale (Scot) Nord-Ardennes. Par ailleurs, une pétition citoyenne, dont je suis à l'initiative, a reçu le soutien de plus de 10 000 Ardennais, qui l'ont renvoyée signée à ma permanence.

L’opposition des Ardennais contre ce projet délirant est très claire. Monsieur le ministre, quand acterez-vous la fin de ce projet qui inquiète inutilement les citoyens, les élus et les associations ?

M. le président . La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé des transports . Permettez-moi, tout d'abord, de dire à Mme Anthoine que je suivrai avec attention, en lien avec la région, le dossier des nuisances sonores à Romans-Sur-Isère.

Mme Emmanuelle Anthoine. Très bien !

M. Patrice Vergriete, ministre délégué . Monsieur le député Cordier, les forêts françaises souffrent des effets du changement climatique. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement promeut une politique volontaire de renouvellement, pour la résilience des forêts, visant leur adaptation à une France à + 4 degrés Celsius d'ici à 2100. Les territoires forestiers doivent appliquer une gestion sylvicole adaptative active pour faire face au dépérissement des forêts et à leur vulnérabilité à l'aléa sécheresse. L'exploitation durable du bois dans les forêts ardennaises est indispensable aux trajectoires de transition bas-carbone et représente un potentiel d'avenir pour le développement de la bioéconomie de ce territoire.

Cependant, les solutions d'avenir pour nos forêts doivent être adaptées aux contextes locaux et assurer le maintien, dans le cadre d'une forêt diversifiée et de sylvicultures respectueuses de la biodiversité, des services liés aux fonctions économique, environnementale et sociétale de la forêt. Ces solutions sont à bâtir localement dans une démarche d'écoute et de dialogue entre les différents intérêts, et en aucun cas dans un contexte d'opposition locale.

La sanctuarisation d'un territoire forestier de plusieurs dizaines de milliers d'hectares, régulièrement exploité et fréquenté par les promeneurs, les chasseurs et les forestiers, ne constitue pas une perspective raisonnable. Si la stratégie nationale pour les aires protégées prévoit de couvrir 30 % du territoire en aires protégées, dont un tiers sous protection forte, sa territorialisation est primordiale. Les parcs naturels régionaux constituent ainsi des outils particulièrement adaptés pour trouver les équilibres entre développement local et conservation du patrimoine naturel.

Pour la France, je rappelle, par ailleurs, que la protection forte ne vise pas l'exclusion a priori des activités rurales traditionnelles, qu'elles soient agricoles ou forestières, mais la réduction des éventuelles pressions identifiées au regard des enjeux de conservation de la zone. Soyez donc assuré de la détermination du Gouvernement à accompagner le département des Ardennes dans l'adaptation de ses territoires forestiers et la valorisation de ses ressources naturelles au service du développement local.

M. le président . La parole est à M. Pierre Cordier.

M. Pierre Cordier . Je vous remercie pour cette réponse de haut fonctionnaire, monsieur le ministre, mais pourrais-je avoir une réponse claire à ma question ? Le Gouvernement soutiendra-t-il le projet de « forêt primaire » engagé par l'association Francis Hallé, qui vise à sanctuariser la forêt pour des centaines d'années ?

Les Ardennais vous regardent et attendent la réponse du Gouvernement. Dans notre territoire, nous avons besoin de cette forêt pour nous développer. Le parc naturel régional et l'Office national des forêts (ONF) procèdent à de nombreuses vérifications. Les Ardennais sont très attachés à cette forêt – mais, bien sûr, ils ne veulent pas y faire n'importe quoi. Il vous reste quarante-cinq secondes pour nous donner une réponse claire, monsieur le ministre.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué . Je vous ai répondu !

Données clés

Auteur : M. Pierre Cordier (Grand Est - Les Républicains)

Type de question : Question orale

Rubrique : Bois et forêts

Ministère interrogé : Transition écologique et cohésion des territoires

Ministère répondant : Transition écologique et cohésion des territoires

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 20 février 2024

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