Dispositif du zéro artificialisation nette (ZAN)
Question de :
M. Stéphane Travert
Manche (3e circonscription) - Renaissance
M. Stéphane Travert appelle l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur concernant le dispositif du « zéro artificialisation nette » (ZAN), inscrit dans la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, lequel impacte directement les collectivités territoriales. Partageant les objectifs de préservation de la biodiversité, de lutte contre le dérèglement climatique ou encore de reconquête d'espaces naturels, force est de constater que la mise en œuvre de ce dispositif est source de difficultés importantes pour les élus locaux et notamment dans le département de la Manche et sur la presqu'ile du Cotentin. Ainsi, dans le département de la Manche, après de nombreux échanges avec des maires ou des présidents d'intercommunalités, les points suivants ont été soulevés : l'articulation complexe, voire impossible, entre l'impératif de ZAN et les engagements d'une commune dotée d'un programme de l'agence nationale de rénovation urbaine (ANRU) nécessitant de bâtir avant de détruire ; le desserrement du calendrier d'intégration dans le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) des objectifs de réduction de la consommation des espaces naturels, porté à février 2024, alors que dans le même temps celui d'intégration des objectifs régionaux dans les schémas de cohérence territoriale (SCOT) et donc les plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUi), a été maintenu à août 2026 ; la problématique des communes rurales confrontées à des difficultés réelles pour obtenir des friches à reconquérir pourtant nécessaires à leur renouvellement urbain ; la nécessaire prise en compte du phénomène de recul du trait de côte dans les calculs du ZAN afin de ne pas pénaliser davantage les communes du littoral. Il semble donc nécessaire d'avoir une application du ZAN différenciée et adaptée aux différents territoires et à leurs spécificités et en particulier de tenir compte des efforts déjà consentis dans la réduction des consommations foncières comme dans le traitement des friches industrielles ou militaires et d'exclure du décompte d'artificialisation les projets d'intérêt national, voire supra-national. À défaut, cela priverait les collectivités concernées de toute perspective de développement au regard des consommations foncières considérables mobilisées par ces projets. Il semble également nécessaire de mettre en place des mécanismes correcteurs et de solidarité, à l'échelle nationale ou régionale, pour permettre et accompagner la réalisation de projets structurants, en particulier dans les zones rurales ou littorales. Il souhaite donc connaître quelles mesures le Gouvernement, dans le cadre de sa volonté affichée d'agir en concertation avec les acteurs locaux et les territoires, entend mettre en œuvre pour corriger ces impacts et concilier les impératifs du développement durable et ceux du renouvellement urbain.
Réponse en séance, et publiée le 7 décembre 2022
DISPOSITIF ZÉRO ARTIFICIALISATION NETTE
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Travert, pour exposer sa question, n° 58, relative au dispositif zéro artificialisation nette.
M. Stéphane Travert. Ma question est relative à l'objectif zéro artificialisation nette (ZAN), inscrit dans la loi du 22 août 2021, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, lequel affecte directement les collectivités territoriales.
Nous partageons, bien entendu, les objectifs de préservation de la biodiversité, de lutte contre le dérèglement climatique ou encore de reconquête d'espaces naturels, mais force est de constater que l'atteinte de cet objectif est source de difficultés importantes pour les élus locaux, notamment dans le département de la Manche et la presqu'île du Cotentin.
Ainsi, dans le département de la Manche, après de nombreux échanges avec des maires ou des présidents d'intercommunalité, les points suivants ont été soulevés : l'articulation complexe, voire impossible, entre l'impératif de ZAN et les engagements d'une commune dotée d'un programme de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) nécessitant de bâtir avant de détruire ; le report au mois de février 2024 de l'échéance à l'issue de laquelle des objectifs de réduction de la consommation d'espaces naturels devront être intégrés dans le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet), alors que les objectifs régionaux devront toujours être intégrés d'ici au mois d'août 2026 dans les schémas de cohérence territoriale (Scot), et donc, dans les plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUI) ; les difficultés réelles auxquelles sont confrontées les communes rurales pour obtenir des friches à reconquérir, pourtant nécessaires à leur renouvellement urbain ; la nécessaire prise en considération du phénomène de recul du trait de côte dans les calculs du ZAN, afin de ne pas pénaliser davantage les communes du littoral.
Il est donc nécessaire que cet objectif soit différencié et adapté aux différents territoires, en fonction de leurs spécificités. Il conviendrait de tenir compte, en particulier, des efforts déjà consentis dans la réduction des consommations foncières comme dans le traitement des friches industrielles ou militaires, et d'exclure du décompte d'artificialisation les projets d'intérêt national voire supranational. À défaut, les collectivités concernées seraient privées de toute perspective de développement, eu égard aux consommations foncières considérables mobilisées par ces projets.
Il est également nécessaire d’instaurer des mécanismes correcteurs et de solidarité, à l'échelle nationale ou régionale, afin de permettre et d'accompagner la réalisation de projets structurants, en particulier dans les zones rurales ou littorales. Je souhaite donc connaître quelles mesures le Gouvernement, dans le cadre de sa volonté affichée d'agir en concertation avec les acteurs locaux et les territoires, entend mettre en œuvre pour corriger ces impacts et pour concilier les impératifs du développement durable avec ceux du renouvellement urbain.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l’écologie.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l’écologie. Vous avez interrogé M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Ne pouvant être présent, il m'a chargée de vous répondre.
Chaque année, 20 000 hectares d'espaces agricoles naturels et forestiers sont consommés en moyenne en France, soit près de cinq terrains de football par heure. Les conséquences sont écologiques, mais aussi socio-économiques. La France s'est donc fixé l'objectif d'atteindre le zéro artificialisation nette des sols en 2050, avec un objectif intermédiaire de réduction de moitié de la consommation d'espaces naturels agricoles et forestiers dans les dix prochaines années. Cette trajectoire progressive devra être déclinée dans les schémas régionaux avant le 22 février 2024, puis dans les documents d'urbanisme. De nouveaux modèles d'aménagement durable sont à réinventer en conjuguant sobriété et qualité urbaine. La priorité est de transformer la ville existante, notamment en revitalisant les cœurs de ville et en recyclant les 150 000 hectares de friches en France.
Lorsqu'elle a clos le congrès des maires et des présidents d'intercommunalité de France, le 24 novembre 2022, la Première ministre a annoncé plusieurs mesures, à l'issue du travail de concertation qui a été mené sous l'égide du ministre Christophe Béchu avec les collectivités et les parlementaires. Elle s'est notamment engagée à trouver des solutions pour ne pas décompter « les projets d'envergure nationale, comme les lignes à grande vitesse et les grands projets d'infrastructures […] à l'échelle de chaque région mais bien à l'échelle nationale » ; pour permettre la contractualisation entre l'État et le bloc communal en cas de blocage à l'échelle d'un territoire, afin de trouver des solutions et de « permettre un équilibre entre développement de projets d'intérêt majeur et sobriété foncière » ; et enfin pour « garantir que toutes les communes rurales puissent bénéficier d'une possibilité de construction, en particulier lorsqu'elles ont peu construit par le passé ».
En 2023, le fonds vert, doté de 2 milliards d'euros, permettra de pérenniser les crédits du fonds friches et de financer la renaturation des villes. La Caisse des dépôts et consignations a par ailleurs annoncé une nouvelle offre de prêt ainsi qu'un soutien renforcé en ingénierie, à hauteur de 200 millions d'euros. La Première ministre est également prête, si les associations de collectivités le demandent, à réfléchir sur l'évolution de la fiscalité locale pour mieux l'adapter aux exigences de sobriété foncière.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Travert.
M. Stéphane Travert. Merci, madame la secrétaire d'État, pour ces éléments de réponse, auxquels je souscris. Les territoires ruraux, particulièrement vertueux ces dernières décennies, demandent seulement qu'on tienne compte de leurs spécificités, notamment lorsqu'il s'agit de départements presqu'îliens, de bras de terre comme on en trouve dans la Manche. Il s'agit, en fonction de ce que nous savons de la situation de l'emploi, de continuer à construire, à valoriser notre territoire, à assurer son développement économique, tout en préservant bien évidemment nos objectifs relatifs à la protection de la biodiversité et de l'environnement.
Auteur : M. Stéphane Travert
Type de question : Question orale
Rubrique : Urbanisme
Ministère interrogé : Transition écologique et cohésion des territoires
Ministère répondant : Transition écologique et cohésion des territoires
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 novembre 2022