Question écrite n° 5904 :
Soutenir les betteraviers face à l'interdiction des néonicotinoïdes

16e Législature

Question de : M. Jean-Philippe Tanguy
Somme (4e circonscription) - Rassemblement National

M. Jean-Philippe Tanguy alerte M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la suppression des néonicotinoïdes impactant lourdement les betteraviers. Cet arrêt brutal découle de la décision prise le 19 janvier 2023 par la Cour de justice européenne rendant illégales les dérogations concernant l'usage des néonicotinoïdes. Malgré l'interdiction énoncée par l'Union européenne le 1er septembre 2018, certains pays ont accordé des dérogations aux agriculteurs, comme la France aux betteraviers. Illustration de l'écologie punitive, cette décision d'interdiction impacte financièrement les betteraviers. Ces derniers sont injustement touchés par l'interdiction de ce pesticide qui leur offrait une protection efficace, économiquement viable et respectueuse des pollinisateurs. Par ailleurs, à la suite de l'arrêt de l'utilisation des molécules de néonicotinoïdes, les producteurs de betteraves ont remarqué la présence de symptômes de la jaunisse virale sur leurs parcelles picardes entraînant une perte considérable des rendements estimée à plus de 30 % par les producteurs de betteraves. Ces derniers se retrouvent donc dans une impasse au regard des pertes financières liées aux risques de jaunisse transmise par les pucerons, aggravant ainsi les distorsions de concurrence au détriment des producteurs français. Moins efficaces, plus couteux et très polluants, les produits phytosanitaires ne peuvent se substituer aux molécules de néonicotinoïdes utilisés par les betteraviers. Ces derniers soulignent également la complexité de la mise en place de ces insecticides, impliquant un suivi d'un réseau de surveillance des pucerons, n'offrant aucune solution pérenne aux betteraviers. Les produits biologiques, quant à eux, ont une efficacité nettement moindre que les molécules de néonicotinoïde, rendant l'utilisation de ces produits de biocontrôle impossible pour les producteurs. Déjà durement impactés par la qualité des sols ainsi que la pluviométrie, ces agriculteurs responsables, sensibles à la préservation de l'environnement et pleinement engagés dans la lutte contre le dérèglement climatique, se retrouvent démunis face à cette décision européenne punitive. En ne soutenant pas les betteraviers, le Gouvernement priverait également la France d'importants débouchés tel que l'éthanol utilisé dans l'énergie verte des carburants. Cette interruption soudaine et définitive de l'usage de néonicotinoïdes se répercuterait sur les emplois, notamment dans la Somme et dans la région Hauts-de-France, mais pas seulement. Il demande donc au Gouvernement les mesures concrètes qu'il entend mettre en œuvre afin de soutenir la filière betteravière.

Réponse publiée le 23 mai 2023

La décision rendue le jeudi 19 janvier 2023 par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) exclut l'utilisation des néonicotinoïdes pour les semences. Par conséquent, aucune nouvelle dérogation autorisant l'utilisation des néonicotinoïdes pour les semences n'a été accordée. Dès 2020, le Gouvernement avait mis en place un plan national de recherche et d'innovation (PNRI) sans précédent de plus de 20 millions d'euros (M€) [dont 7 M€ venant de l'État, le reste étant financé par le secteur privé (filière, porteurs de projets…) et l'institut national de la recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement] face à la menace de la jaunisse. Ce plan a permis de coordonner un important effort de recherche autour de la filière afin d'apporter des solutions alternatives techniquement et économiquement viables pour sortir des néonicotinoïdes en 2024. La décision de la CJUE est venue percuter ce programme de travail établi pour 3 ans et provoque des inquiétudes légitimes chez les planteurs, sucriers et semenciers sur la campagne des semis de mars 2023. Elle oblige la France à s'adapter pour la troisième et dernière année, et le ministre chargé de l'agriculture l'a déjà indiqué, l'État sera en soutien de la filière pour y parvenir. Dès le 23 janvier 2023, conscients des impacts qu'emporte l'arrêt de la CJUE pour la campagne betteravière, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire a reçu les professionnels de la filière afin d'échanger avec eux sur la situation. Le 9 février 2023, il a annoncé avec la filière le déploiement d'un plan d'actions afin de garantir une production suffisante de betteraves en 2023 et l'approvisionnement de l'ensemble de la filière sucre française. Dans ce cadre, afin que les producteurs ne pâtissent pas d'une distorsion de concurrence, une action est menée à l'échelle européenne, afin de s'assurer que la décision de la CJUE soit uniformément appliquée par l'ensemble des pays de l'Union européenne. De plus, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire a demandé, lors du Conseil européen « agriculture et pêche » du 30 janvier 2023, le déclenchement d'une clause de sauvegarde permettant d'interdire l'importation de produits traités avec des néonicotinoïdes. En outre, ce plan d'actions vise à déployer rapidement des mesures de protection des cultures. À cette fin, de nouveaux itinéraires techniques ont été élaborés en liaison avec les professionnels et selon les recommandations du PNRI. Ils sont mis à disposition des producteurs via l'institut technique de la betterave et peuvent être utilisés en cas de jaunisse dès ce printemps 2023. En parallèle, toutes les solutions immédiatement disponibles, issues du PNRI, concernant notamment l'utilisation des plantes compagnes sont mises en œuvre par la profession. À des fins préventives, des mesures ambitieuses de gestion des réservoirs viraux sont à l'étude et un plan d'actions et de surveillance sur la gestion de ces réservoirs sera présenté prochainement. Les modèles de prévision des vols de pucerons issus des travaux du PNRI seront déployés prochainement. Enfin, une aide sera accessible aux planteurs en cas de pertes liées à un épisode de la jaunisse au cours de l'année 2023. Le Gouvernement a demandé l'activation d'une mesure de crise européenne et engagé le travail de construction du dispositif, en lien avec la Commission européenne.

Données clés

Auteur : M. Jean-Philippe Tanguy

Type de question : Question écrite

Rubrique : Agriculture

Ministère interrogé : Agriculture et souveraineté alimentaire

Ministère répondant : Agriculture et souveraineté alimentaire

Dates :
Question publiée le 28 février 2023
Réponse publiée le 23 mai 2023

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