Crise énergétique pour les entreprises
Question de :
M. Damien Abad
Ain (5e circonscription) - Renaissance
M. Damien Abad alerte M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur les conséquences de la hausse du coût de l'énergie pour les entreprises, l'artisanat, le commerce et les professionnels du tourisme. La France est frappée par une forte inflation des prix de l'électricité, notamment en raison du contexte géopolitique. Or cette crise impacte de nombreux pans de son activité industrielle, particulièrement ceux qui sont les plus énergivores, comme la filière de la plasturgie ou des scieries et ce malgré la mise en place d'un « plan de résilience » pour compenser la hausse des prix de l'énergie. En effet, ces entreprises voient leur facture d'électricité exploser, parfois multipliée par sept, avec un montant total qui peut dépasser le million d'euros ; le poste des dépenses en électricité serait même sur le point de dépasser celui des charges de personnel. La situation est devenue tellement critique pour ces entreprises que la question de leur propre survie économique se pose désormais, avec le risque imminent d'une vague de fermetures et de licenciements. Certaines d'entre elles ont déjà recours au chômage partiel. Du boulanger à la PME, en passant par le gérant d'un bar ou d'un hôtel-restaurant, tous sont impactés par les hausses du coût de l'énergie et des matériaux. Conscient de cette réalité, le Gouvernement a proposé de simplifier et d'élargir le dispositif d'aides prévues à cet effet. Malheureusement la situation sur le terrain reste fragile et le système d'aides prévu n'est pas aujourd'hui suffisamment accessible pour bon nombre de ces acteurs économiques. Dans son département de l'Ain, qui est l'un des départements les plus industriels de France, l'inquiétude est grande et le risque de défaillances d'entreprises de plus en plus important. À titre d'exemple, bon nombre d'entreprises de la « Plastics Vallée » situées à Oyonnax dans le Haut-Bugey doivent supporter une explosion du coût de leur renouvellement de contrat proposé par les énergéticiens, avec des factures passant parfois de 300 000 euros à 3 millions d'euros. Face à ces hausses vertigineuses et parfois spéculatives du prix de l'énergie, seules une réforme du marché européen de l'électricité (notamment de son mécanisme de fixation des prix) ou la mise en place d'un bouclier tarifaire leur semblent être une réponse à la hauteur de leurs difficultés. Ainsi, la mise en place d'un tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché (TRTAM) est réclamée par de nombreux chefs d'entreprise. Ce serait une solution à la fois efficace et opérationnelle, puisque déjà appliquée lors de la précédente envolée du marché en 2007. Si une telle mesure aurait bien évidemment un coût pour les finances publiques, le prix à payer serait néanmoins à mettre en balance avec le risque accru de désindustrialisation et de chômage pour nombre de salariés de l'industrie, du commerce et de l'artisanat. Aussi, il lui demande de faire un état des lieux précis et actualisé de l'avancée des négociations au niveau européen, notamment sur la question du découplage du prix du gaz et de l'électricité s'il peut lui dire si la piste d'un bouclier tarifaire pour les acteurs du monde économique est envisageable. Enfin, il souhaiterait savoir si sont envisagées des mesures spécifiques pour soutenir les secteurs de l'hôtellerie-restauration et du tourisme face à la hausse du coût de l'énergie, notamment en adaptant les seuils et critères des dispositifs déjà existants aux spécificités de ce secteur. Il en va de l'avenir des entreprises, des salariés, de la souveraineté industrielle et la prospérité économique de la France.
Réponse en séance, et publiée le 7 décembre 2022
CRISE ÉNERGÉTIQUE POUR LES ENTREPRISES
Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad, pour exposer sa question, n° 59, relative à la crise énergétique pour les entreprises.
M. Damien Abad. La France et la plupart des pays européens traversent une crise de l'énergie qui pourrait entraîner des coupures d'électricité. Les Français sont inquiets de ce risque de délestage. Le ralentissement des flux de gaz venant de Russie, conjugué à l'arrêt de la moitié du parc nucléaire, rend possibles des coupures ciblées, programmées et temporaires, pour faire face aux pics de consommation les jours de grand froid. De telles coupures créeraient beaucoup d'incertitudes pour les entreprises, les artisans, les commerçants, mais aussi pour les écoles et les personnes hospitalisées à domicile. La principale crainte qui remonte du terrain concerne l'information tardive, prévue la veille au soir, à dix-sept heures.
Ma première question est simple : est-il possible d'anticiper cette annonce de quelques heures, en prévenant tous les habitants concernés dès midi par exemple ? Cela laisserait à chacune et à chacun l'après-midi pour s'organiser en conséquence. En outre, quel sera le rôle des maires, notamment dans les territoires ruraux ?
Au-delà de la question des délestages se pose celle de la facture énergétique des acteurs économiques. Du boucher au boulanger, en passant par la PME et le gérant d'un bar ou d'un hôtel-restaurant, la situation sur le terrain reste fragile ; tous n'ont pas accès au système d'aide mis en place. Dans mon département de l'Ain, l'un des plus industriels, l'inquiétude est grande, et le risque de défaillance des entreprises de plus en plus important. Ainsi, de nombreuses entreprises de la Plastics Vallée et des scieries situées à Oyonnax et dans le Haut-Bugey doivent faire face à une explosion de leurs factures d'électricité, qui ont été multipliées par sept ou huit, voire par dix. J'ai même l'exemple d'un chef d'entreprise dont la facture d'électricité est passée de 300 000 euros à 3 millions.
Monsieur le ministre délégué, face à ces hausses vertigineuses et parfois spéculatives du prix de l'énergie, pouvez-vous nous présenter un état des lieux précis et actualisé de l'avancée des négociations au niveau européen, notamment sur la question centrale du découplage des prix du gaz et de l'électricité ? En cas d'échec de ces négociations, la piste d'un bouclier tarifaire pour les acteurs économiques est-elle envisageable ? Il y va de l'avenir des entreprises et des salariés, ainsi que de la souveraineté industrielle et de la prospérité économique.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’industrie.
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’industrie. Monsieur Abad, vous représentez un territoire industriel qui m'est cher – comme à vous. Il est hors de question que la crise énergétique non seulement mette en danger les industries, mais menace en outre leur développement. Je souhaite contribuer à la réindustrialisation de la France – je sais que vous y êtes sensible ; nous ne céderons rien.
Concernant les délestages, les avertissements finaux, qui conduiront éventuellement à informer nos concitoyens, seront rendus publics la veille aux alentours de dix-sept heures. Je rappelle l'existence de l'application Écowatt, que j'engage tous nos concitoyens à télécharger – en premier lieu ceux de votre circonscription. C'est d'ailleurs l'application la plus téléchargée récemment dans les magasins digitaux. Grâce à un système très bien fait de signaux verts, orange et rouges, elle prévient du risque de dégradation de la situation, jusqu'à trois jours à l'avance. Nos concitoyens pourront ainsi voir, dans le cadre de la détérioration de l'équilibre entre l'offre et la demande, un signal orange ou un signal rouge, qui leur permettront de se préparer à des délestages potentiels. Ces indicateurs avancés pourront aussi les inciter à faire des efforts pour limiter leur consommation et réduire ainsi le risque de délestage. Le dispositif que nous avons instauré permet à la fois de prévenir au maximum ces délestages et, au cas où ils auraient lieu – très rarement je l'espère –, de s'organiser en conséquence.
Concernant l'évolution du marché de l'électricité, vous l'avez dit : les factures sont en très forte hausse. Le Gouvernement y est évidemment très sensible. Nous avons adapté, renforcé, amplifié et prolongé le dispositif d'aide, qui est désormais bien connu des entreprises de votre territoire – je l'espère. Le site internet a été simplifié ; il est opérationnel en ligne depuis une quinzaine de jours. En deux semaines, nous avons d'ores et déjà octroyé autant d'aides qu'en six mois avec le dispositif précédent. Cela montre bien que le nouveau système est plus efficace et plus lisible. J'engage les entreprises à se connecter sur le site impots.gouv.fr, où elles trouveront un dispositif de simulation. L'enjeu consiste à aider autant que possible les entreprises, dont celles que vous avez mentionnées, à passer cet hiver difficile.
Au-delà, vous l'avez bien dit dans votre question, il faut réformer en profondeur le marché de l'énergie en Europe, en découplant les prix du gaz et de l'électricité. Les négociations avancent bien ; elles sont européennes, donc un peu complexes, mais je suis confiant. D'ici au sommet européen du 17 décembre, nous aurons convergé sur de grands principes, qui permettront à la fois de procéder à ce découplage et de renforcer l'avantage compétitif de la France, en d'autres termes de fournir aux entreprises une électricité décarbonée, en volume important et à des prix compétitifs.
Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad.
M. Damien Abad. Merci monsieur le ministre délégué pour ces précisions relatives au dispositif d'aide, qui a été simplifié et élargi ; c'est une bonne nouvelle pour les entreprises. Il faudrait sans doute l'élargir davantage pour les filières énergivores telles que la plasturgie, les scieries ou d'autres encore. Actuellement, les factures d'électricité sont compensées à hauteur de 10 à 20 % du montant total, ce qui laisse un reste à charge de 80 % environ aux entreprises. C'est d'autant plus important qu'à cette hausse des prix de l'électricité s'ajoute, comme vous le savez, la hausse du prix des matériaux.
En tout état de cause, nous nous réjouissons de l'engagement du Gouvernement, mais il faut aller plus loin pour aider les acteurs économiques, sans oublier les professionnels du tourisme, touchés par la crise énergétique.
Auteur : M. Damien Abad
Type de question : Question orale
Rubrique : Entreprises
Ministère interrogé : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Ministère répondant : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 novembre 2022