Sans-abrisme - hébergements d'urgence - protection de l'enfance
Question de :
Mme Marie-Charlotte Garin
Rhône (3e circonscription) - Écologiste - NUPES
Mme Marie-Charlotte Garin alerte M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur la hausse dramatique de personnes vivant à la rue et en particulier d'enfants. Lors d'un décompte effectué le 19 septembre 2022, les services du Samu social ont comptabilisé plus de 6 300 personnes sans solution d'hébergement. Plus de 2 000 enfants ont dû dormir à la rue, soit 30 % de plus qu'au moment de la rentrée scolaire, 20 jours plus tôt. Il y a 189 enfants à la rue dans la seule métropole de Lyon, dont 23 enfants de moins de 3 ans. Les parents d'élèves, écoles et collectivités locales se mobilisent pour trouver des solutions : paiement de nuits d'hôtels, mise à disposition des établissements scolaires pour accueillir les familles. Dans un État aussi riche que la France, c'est indécent. Ce n'est pas aux citoyens d'organiser des goûters solidaires pour payer des nuitées et éviter que des enfants passent leurs nuits dehors. Des enfants épuisés à l'école car ils dorment dans la rue, d'autres privés de scolarité du fait de leurs conditions de vie précaires ; les conséquences sur ces enfants sont évidemment immenses : anxiété, troubles du comportement, troubles alimentaires, troubles du sommeil, dépression. Face à cette précarité multifacette, les conséquences sur la santé mentale sont immédiates et graves. L'absence de logement a également des répercussions significatives sur les relations et le fonctionnement familial, dont la qualité est essentielle au bon développement psychique de l'enfant. Peut-être est-il temps de s'interroger sur le rapport aux sans-abris. En plus d'être privés d'un logement, les hommes et les femmes sans-abris sont confrontés à des discriminations, à des difficultés d'accès aux services publics de base mais aussi à l'isolement, à des problèmes de santé et à une espérance de vie réduite. Elle l'interroge sur les mesures qu'il compte mettre en œuvre pour tenir la promesse du candidat Emmanuel Macron, qui avait dit en juillet 2017 : « D'ici la fin de l'année, je ne veux plus avoir des femmes et des hommes dans les rues » .
Réponse en séance, et publiée le 23 novembre 2022
HÉBERGEMENT D'URGENCE
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Charlotte Garin, pour exposer sa question, n° 5, relative à l'hébergement d'urgence.
Mme Marie-Charlotte Garin. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement.
« Ma maison est en carton » : ce n'est pas le refrain d'une célèbre comptine pour enfant, mais la réalité vécue par Lilia, qui, âgée de 8 ans, va tous les matins à l'école mais qui, le soir, ne rentre pas chez elle comme les autres enfants ; en effet, Lilia dort dans l'école, grâce à des professeurs, des parents d'élèves, des bénévoles qui se mobilisent. À défaut, elle dormirait tout simplement dehors, comme tant d'autres enfants dans notre pays. En effet, 230 enfants sont à la rue dans la seule métropole de Lyon, dont 30 ont moins de 3 ans.
Les parents d'élèves, les écoles et les collectivités locales se mobilisent pour trouver des solutions : paiement de nuits d'hôtel, mise à disposition des établissements scolaires pour accueillir les familles. Mais, franchement, dans un État aussi riche que la France, une telle situation est indécente. Il ne revient pas aux citoyens d'organiser des goûters solidaires pour financer des nuitées et éviter que des enfants ne passent leurs nuits dehors ; des enfants qui sont épuisés à l'école car ils dorment dans la rue ou qui, pour d'autres, sont privés de scolarité du fait de leurs conditions de vie précaires. Les conséquences sont évidemment considérables : anxiété, troubles du comportement, troubles alimentaires, troubles du sommeil ou encore dépression. Mais ai-je vraiment besoin de les énumérer, alors que nous parlons d'enfants à la rue ?
Cette précarité multifacettes a des conséquences immédiates et graves sur la santé mentale. L’absence de logement a également des répercussions significatives sur les relations au sein de famille et sur le fonctionnement de celle-ci, dont la qualité est essentielle au bon développement psychique de l'enfant.
Nous avons découvert avec stupeur, dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2023, que les moyens destinés à la mise à l'abri de ces personnes étaient en baisse. Grâce à la mobilisation citoyenne et à celle des députés – y compris de la majorité –, le projet de loi a été revu à la hausse ; toutefois, il reste nettement insuffisant. Peut-être est-il temps de s'interroger sur notre rapport aux personnes sans abri, qui, en plus d'être privées d'un logement, sont confrontées à des discriminations et à des difficultés d'accès aux services publics de base, souffrent d'isolement et de problèmes de santé, et ont une espérance de vie réduite. En juillet 2017, M. Macron a affirmé : « Je ne veux plus, d'ici la fin de l'année, avoir des femmes et des hommes dans les rues. » Vous avez déjà cinq ans de retard sur cette promesse. Que faites-vous ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville et du logement.
M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement. Il est important de le réaffirmer : il est insupportable que des enfants n'aient pas de domicile. Le Gouvernement ne peut accepter une telle situation dans un pays comme le nôtre ; c'est pourquoi nous agissons. Mme la secrétaire d'État chargée de l'enfance, Charlotte Caubel, et moi-même avons réuni les associations concernées dès le 19 octobre dernier. J'ai ensuite créé une cellule nationale de suivi de ces situations, au sein de laquelle les associations et l'État sont chargés d'identifier et de résoudre les cas les plus problématiques, ainsi que d'assurer un suivi global. Cette cellule s'est réunie le 10 novembre ; elle se réunira à nouveau dans les tout prochains jours, et poursuivra ses travaux tout au long de l'hiver. J'ai également demandé aux préfets de département de mettre en place une cellule similaire dans chaque territoire, adaptée aux réalités locales. Je leur ai encore écrit hier soir pour les appeler à la plus grande vigilance à l'égard des familles avec enfants vivant dans la rue. Enfin, j'ai rappelé aux associations et aux préfets que la recherche de solutions ne devait pas se limiter à Paris ou aux grandes métropoles, mais s'étendre dans l'ensemble du territoire.
L'État a pris ses responsabilités, et continuera à les prendre avec tous ceux qui peuvent lui apporter leur aide. Juste avant la trêve hivernale, nous avons confirmé, avec Mme la Première ministre, le maintien du parc d'hébergement à son niveau actuel de 198 000 places, soit 40 % de plus que les places ouvertes en 2017. C'est le fruit de l'engagement du Président de la République dans ce sujet majeur. Ce niveau sera maintenu non seulement en cette fin d'année, mais aussi l'année prochaine – 40 millions d'euros supplémentaires ont été inscrits à cette fin dans le PLF pour 2023. En parallèle, nous poursuivons notre action pour prévenir toutes les situations qui pourraient accroître le nombre de familles et d'enfants vivant dans la rue.
Au-delà de l'hébergement d'urgence, la priorité du Gouvernement est d'assurer un logement pérenne à chacun de nos concitoyens : c'est l'objectif du deuxième plan quinquennal Logement d'abord, qui consacrera un volet à l'hébergement et à l'accompagnement des enfants.
Je veux le redire clairement, madame la députée : mon objectif est qu'aucun enfant ne dorme dans la rue. Pour l'atteindre, tous les dossiers seront traités, et l'État se mobilisera pour trouver une solution à chacune des situations.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Charlotte Garin.
Mme Marie-Charlotte Garin. Vous vous êtes rendu dans ma circonscription, monsieur le ministre délégué, et je crois votre engagement sincère. Vous devez néanmoins être conscient qu'en l'état actuel, tout le poids repose sur les collectivités. Les uns et les autres se renvoient les responsabilités, ce qui n'est plus tenable ni pour les personnes concernées, ni pour les collectivités. Nous devons repenser le système de prise en charge de manière globale – pour l'heure, nous nous contentons de poser des pansements sans traiter le mal à la racine. Nous n'y parviendrons pas sans des moyens financiers importants. Il arrive encore que des familles avec enfants se voient proposer des solutions de mise à l'abri inadaptées dans le parc d'hébergement actuel – en cela aussi, le système doit être repensé. Au-delà de la mise à l'abri temporaire, nous parlons ici du droit au logement pérenne. Nous serons à vos côtés pour faire avancer ce dossier et mobiliser les acteurs sur le terrain.
Auteur : Mme Marie-Charlotte Garin
Type de question : Question orale
Rubrique : Politique sociale
Ministère interrogé : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Ministère répondant : Ville et logement
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 15 novembre 2022