16ème législature

Question N° 6045
de M. Jean-Philippe Tanguy (Rassemblement National - Somme )
Question écrite
Ministère interrogé > Enseignement supérieur et recherche
Ministère attributaire > Enseignement supérieur et recherche

Rubrique > animaux

Titre > Accentuer le recours aux méthodes substitutives dans la recherche

Question publiée au JO le : 07/03/2023 page : 2107
Réponse publiée au JO le : 18/04/2023 page : 3653

Texte de la question

M. Jean-Philippe Tanguy appelle l'attention de Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur le faible recours aux méthodes substitutives, c'est-à-dire ne confondant pas animaux et cobayes, dans la recherche scientifique. Ainsi, environ 2 millions d'animaux seraient utilisés chaque année (chiffres du ministère), principalement dans le cadre de la recherche fondamentale, la recherche biomédicale et la toxicologie. Il convient de noter qu'aucune de ces applications ne peut être réalisée sans souffrance animale. La société accorde une importance particulière au bien-être animal et souhaite, à juste titre, améliorer leurs conditions de vie et d'existence. Une série de mesures ont d'ailleurs été adoptées ces dernières années dans le domaine agroalimentaire telles que l'interdiction du broyage des poussins, l'expérimentation de la vidéo-surveillance dans les abattoirs, l'interdiction de toute nouvelle installation de poules en cages, etc. Le principe des 3R constitue le fondement de la démarche éthique appliquée à l'expérimentation animale, il est reconnu aussi bien dans le droit français (décret n° 2013-118) que dans celui de l'Union européenne (directive n° 2010/63/UE). Cette règle est simple : réduire les expérimentations sur les animaux en diminuant leur nombre mis à disposition pour ces expériences, raffiner la méthodologie utilisée (c'est-à-dire aller vers une amélioration des conditions d'élevage, d'hébergement et de soins) et remplacer les modèles animaux. Bien que la recherche sur les animaux puisse être nécessaire, la technologie permet aujourd'hui d'avoir recours à des méthodes substitutives qui ont fait leur preuve, mais qui sont largement délaissées aujourd'hui. Trop souvent, la validation des méthodes alternatives est coûteuse et lente du fait de l'intervention de différents organes de validation. L'expérimentation animale montre également des limites : 90 % d'échec entre les phases précliniques et l'autorisation de mise sur le marché des molécules candidates. De même, il apparaît que les résultats des expérimentations sur les animaux sont très limités en ce qui concerne la sclérose en plaques ou encore les maladies de Parkinson et d'Alzheimer. Le recours à des méthodes d'expérimentation sans l'utilisation d'animaux répond à la fois à des questions sociétales et constitue également une opportunité pour la recherche. À ce titre, M. le député souhaite connaître le nombre d'autorisations délivrés dans le cadre de méthodes d'expérimentation sans animaux et les crédits alloués. Il souhaite connaître les moyens mis en place afin d'accentuer le recours aux méthodes substitutives, à la fois dans l'information mais aussi dans l'application concrète pour les chercheurs.

Texte de la réponse

La protection du bien-être animal est une préoccupation constante du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. Les laboratoires français ont utilisé environ 1,9 millions d'animaux en 2016 et en 2021. Sur ces mêmes années, l'effort de recherche de la France, mesuré par le nombre de publications scientifiques en biologie, est passé de 7 000 à 9 000 articles (Source : Pubmed, extraction avec les mots clés « France » et « Biology »). Ces chiffres suggèrent que, sans utiliser plus d'animaux, les laboratoires font plus de recherches en s'appuyant donc plus sur les méthodes alternatives. Dans la mesure où les méthodes sans animaux ne nécessitent pas d'autorisation, il n'est pas possible de les quantifier précisément ou d'évaluer de manière probante le budget qui leur est alloué. Les exigences de protection des animaux en recherche sont très fortes et l'Europe s'est dotée depuis plus de 10 ans de la réglementation la plus protectrice au niveau mondial. Tous les projets sont évalués par un comité d'éthique avant d'être autorisés par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche puis réalisés dans des établissements agréés par le ministère de la souveraineté alimentaire et de l'alimentation. Le principe des 3R (remplacer, réduire, raffiner) est inscrit dans la réglementation et l'évaluation par les comités d'éthique permet de limiter la souffrance au minimum acceptable. De nouvelles méthodes alternatives deviennent disponibles, mais leur validation doit rester rigoureuse pour s'assurer qu'elles permettent de maintenir le niveau de sécurité et de protection des consommateurs et des patients. Ces validations sont nécessaires au niveau international afin qu'elles soient reconnues par tous les États et que les industries de santé ne soient pas bloquées dans leurs exportations. Ces processus rigoureux nécessitent du temps. Par ailleurs, le développement de nouveaux médicaments et l'élargissement de l'offre de soin sont inégaux en fonction des grandes aires thérapeutiques. Mais, même pour une affection complexe comme la maladie de Parkinson, les études cliniques de thérapie génique du projet Prosavin réalisées à l'hôpital Henri Mondor en 2014 montrent l'intérêt d'une association entre expérimentation animale et recherche clinique pour le développement de nouvelles thérapies. À cet égard, les échecs constatés lors du passage de candidats médicaments du laboratoire au patient semblent être imputables conjointement à l'ensemble des méthodes mobilisées, y compris toute la palette des méthodes alternatives, et pas seulement à l'expérimentation animale. Enfin, s'agissant des moyens dédiés au développement des méthodes substitutives, une place particulière peut être faite au FC3R, centre français dédié exclusivement aux 3R, opérationnel depuis une année et doté d'un budget d'un million d'euros. Dans les prochains jours, seront connus les lauréats d'un appel d'offre sur les alternatives aux modèles animaux qui a suscité plus de 160 candidatures pour des projets de recherche sur le remplacement. Le succès de cet appel d'offre montre l'engagement de la communauté scientifique vers le remplacement.