Question orale n°604 : Hébergement d'urgence dans le Calvados

16ème Législature

Question de : M. Arthur Delaporte (Normandie - Socialistes et apparentés)

M. Arthur Delaporte alerte M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement, sur la gravité de la situation de l'hébergement d'urgence en France et en particulier dans le Calvados. 10 000 créations de places et une enveloppe supplémentaire de 120 millions d'euros ont été annoncées au début de l'année par le Gouvernement. Pour le département du Calvados, quelle typologie et combien de créations de places sont-elles envisagées ? M. le député alerte en outre sur la différence de traitement qui est faite, notamment dans le département, entre des étrangers qui ne peuvent signer des contrats au-delà de deux mois, qui ont donc un traitement différencié de celui réservé aux personnes dans le droit commun, qui peuvent renouveler leur contrat deux mois plus tard. La Fédération des acteurs de la solidarité a exprimé son inquiétude sur cette disposition qui pourrait être contraire au code de l'action sociale et des familles. Enfin, M. le député souhaite alerter le Gouvernement sur la situation spécifique des personnes victimes de violences conjugales. Il arrive régulièrement que le 115 réponde négativement à des demandes de mise à l'abri faute de places d'hébergement d'urgence disponibles ou lorsque le plafond des nuitées d'hôtel (275 à date dans le Calvados) est atteint. Quand elles ont une place d'hébergement d'urgence, elles ne sont également parfois pas en mesure d'être accompagnées par leurs enfants qui restent avec le conjoint violent, c'est une situation inadmissible. Aussi, il lui demande comment le Gouvernement entend mettre les moyens nécessaires pour assurer la protection des victimes de violences conjugales en ce qui concerne l'hébergement d'urgence.

Réponse en séance, et publiée le 28 février 2024

HÉBERGEMENT D'URGENCE DANS LE CALVADOS
M. le président . La parole est à M. Arthur Delaporte, pour exposer sa question, no 604, relative à l'hébergement d'urgence dans le Calvados.

M. Arthur Delaporte . « Désolé madame, nous n'avons plus de place d'hébergement disponible. » Chaque soir, à Caen comme partout en France, c'est la même réponse du 115. Dans le Calvados, des centaines de familles dorment à la rue ou, au mieux, dans des squats.

J'ai partagé moi-même ce constat d'impuissance lors de maraudes avec le Samu social ou avec le service intégré d'accueil et d'orientation (Siao) de Caen, qui gère les appels du 115. « Ce que la société nous demande, c'est de choisir », disait une écoutante. « Je me sens hyper coupable », disait un autre. Chaque jour, je reçois des alertes de la part d'enseignants qui voient leurs élèves dormir à la rue, de la part d'associations et de citoyens. J'ai déjà posé une question sur ce sujet il y a un an. Depuis, rien n'a changé, ou trop peu, et « la bombe sociale du logement » a explosé, selon l'expression de la Fondation Abbé Pierre.

Le Gouvernement a certes annoncé le 8 janvier 10 000 créations de places d'hébergement et une enveloppe supplémentaire de 120 millions d'euros. Dont acte, mais pour quand et combien ? Plus précisément, quels types de places et combien de créations sont envisagées pour le département du Calvados ?

Je vous alerte en outre sur la différence de traitement qui existe, notamment dans mon département, entre les étrangers qui ne peuvent pas signer des contrats d'hébergement au-delà de deux mois et les personnes soumises au droit commun qui peuvent les renouveler. La Fédération nationale des associations d'accueil et de réadaptation sociale (FAS) a exprimé son inquiétude quant à cette disposition qui pourrait être contraire au code de l'action sociale et des familles. Qu'en pense le Gouvernement ?

Enfin, je souhaiterais vous alerter sur la situation spécifique des victimes de violences conjugales. Régulièrement, le 115 répond négativement à des demandes de mise à l'abri faute de places, notamment lorsque le plafond des nuitées d'hôtel – fixé à 275 nuitées dans le Calvados – est atteint. Même quand ces femmes obtiennent une place d'hébergement d'urgence, il leur est parfois impossible d'emmener leurs enfants – dans le cas, par exemple, où elles doivent partager une chambre –, qui restent avec le conjoint violent. Comment réagissez-vous à cette situation intolérable ?

M. le président . La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé des transports . Pour répondre aux situations d'urgence que vous évoquez, plus de 200 000 places d'hébergement ont été pérennisées par le Gouvernement, ce qui représente 70 % d'augmentation par rapport à 2017. J'ai eu l'occasion de le dire ici lorsque j'étais ministre délégué chargé du logement.

Depuis 2017, le parc d'hébergement total du Calvados a augmenté de plus de 21 %, atteignant fin 2023 près de 3 200 places, auxquelles s'ajoutent les places d'hébergement dédiées à l'asile. L'État n'a cessé de renforcer sa capacité et son budget pour répondre aux besoins exprimés. Comme vous l'avez rappelé, j'ai moi-même annoncé début janvier 120 millions d'euros supplémentaires pour l'hébergement d'urgence. À ce stade, je ne sais pas combien seront alloués au Calvados.

M. Arthur Delaporte . C'était pourtant ma question !

M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Vous m'en excuserez ; je ne pensais pas avoir à répondre à cette question ce matin.

Soyez assuré, en tout cas, que la procédure de prise en charge des demandes auprès du 115 est la même pour tous les publics en situation de vulnérabilité et en demande d'hébergement, quelle que soit leur situation administrative. Je suis assez sensible à la question que vous évoquez ; je vous confirme que le Gouvernement ne souhaite introduire aucune discrimination ni aucune différenciation dans cette procédure, comme l'a rappelé le Président de la République à la fin de l'année 2023 et comme je l'ai rappelé moi-même au début de l'année 2024. Les propositions d'orientation vers des dispositifs d'hébergement ou de logement sont adaptées selon les besoins.

Le Gouvernement met également tout en œuvre pour protéger les victimes et leurs enfants contre le fléau des violences conjugales. La priorité donnée à la mise en sécurité des femmes victimes de violences s'est traduite par un effort particulier en faveur de la création de places d'hébergement dédiées et par la création d'une aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales. Le parc spécialisé a doublé en cinq ans et comptera plus de 11 000 places en juin 2024. Le budget consacré à ces places d'hébergement a également été revalorisé et des places sont attribuées à ces publics vulnérables – j'y ai porté une attention toute particulière lorsque j'étais chargé du logement.

Au-delà de la mise en sécurité en hébergement d'urgence, l'accès au logement est un préalable à la reconstruction des victimes et à la stabilisation de la cellule familiale. À cet égard, je rappelle que la part des attributions de logements sociaux aux personnes victimes de violences conjugales a connu une progression constante depuis 2018 et que le premier plan « logement d'abord » a permis à 440 000 personnes hébergées d'accéder à un logement. Fort de ces résultats, le Gouvernement a décidé de reconduire le plan et d'en augmenter l'ampleur budgétaire en portant son financement à 500 millions d'euros de crédits au total, soit 160 millions de plus que le premier plan. Les plans « logement d'abord » et « logement d'abord 2 » sont reconnus par l'ensemble des associations comme un pas en avant substantiel.

M. le président . La parole est à M. Arthur Delaporte.

M. Arthur Delaporte . Je vous remercie de votre réponse, mais je reste sur ma faim. En effet, la première partie de cette question transmise au Gouvernement plusieurs semaines à l'avance concernait précisément la répartition des nouvelles places d'hébergement d'urgence et des nouveaux crédits annoncés. C'était écrit noir sur blanc. Vous dites que vous ne saviez pas que j'allais vous poser cette question, mais je l'avais écrite et transmise.

Deuxièmement, vous affirmez que le parc d'hébergement du Calvados a grandi de 21 % depuis 2017, mais le Calvados a connu l'arrivée de nombreuses personnes pendant cette période. Je pense, par exemple, aux exilés présents dans le port de Caen – afghans, notamment – et à Ouistreham, qui accueille plus d'une centaine de Soudanais. Cette situation est intolérable. Au-delà de ces cas extrêmes, des femmes et des enfants dorment dans les rues de Caen, ce qui est tout aussi intolérable.

Vous dites que le Gouvernement a sorti 440 000 personnes de la rue depuis 2018. M'étant penché sur ces chiffres que vous avancez en permanence, je constate qu'ils sont faiblement étayés et peu détaillés ; je doute fort qu'ils correspondent strictement à des personnes sorties de la rue. C'est un effet de langage, monsieur le ministre,…

M. Patrice Vergriete, ministre délégué . Non !

M. Arthur Delaporte . …et je me permets de vous le signaler comme tel.

Données clés

Auteur : M. Arthur Delaporte (Normandie - Socialistes et apparentés)

Type de question : Question orale

Rubrique : Logement

Ministère interrogé : Logement

Ministère répondant : Logement

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 20 février 2024

partager