Question au Gouvernement n° 609 :
DROITS DE LA DÉFENSE

16e Législature

Question de : Mme Christelle D'Intorni
Alpes-Maritimes (5e circonscription) - Les Républicains

Question posée en séance, et publiée le 1er mars 2023


DROITS DE LA DÉFENSE

Mme la présidente. La parole est à Mme Christelle D'Intorni.

Mme Christelle D'Intorni. Monsieur le garde des sceaux, au début du mois s’est tenu le procès de deux avocats poursuivis pour avoir communiqué, lors d’un procès, des pièces jugées ultérieurement comme des faux confectionnés par leur client. Bien qu’ils n’aient pas eu conscience du caractère frauduleux de ces pièces, ce que leur reconnaît d’ailleurs l’accusation, il leur est reproché d’avoir prêté leur concours à la manipulation en « ne voulant pas voir ». Ces accusations sont extrêmement graves et les peines requises contre ces deux avocats aussi : de l’emprisonnement ferme et une interdiction d’exercer pendant cinq années.

Monsieur le ministre, je ne doute pas une seconde que si cette affaire avait eu lieu il y a quelques années, lorsque vous portiez encore la robe, vous vous seriez insurgé et offusqué de cette atteinte inadmissible aux droits de la défense et à notre profession.

Nous vous aurions entendu vociférer dans les médias que les avocats n’ont pas à leur disposition les moyens d’un juge d’instruction pour contrôler la véracité des pièces fournies par leur client. Nous vous aurions entendu tonner que ces deux confrères n’ont violé aucune règle déontologique, ni aucune règle légale. Nous vous aurions entendu interpeller le ministre de la justice en l'alertant sur la mise à mort programmée des droits de la défense, puisque désormais les avocats ne pourront plus défendre que des innocents – et encore, seulement si ces derniers démontrent au préalable la véracité de leurs pièces. Nous vous aurions entendu conclure qu’un avocat dans un procès, c’est comme un cuisinier dans un repas : il fait avec les aliments qu’on lui apporte.

Serez-vous le ministre de la justice qui aura scellé le destin des droits de la défense ou êtes-vous encore cet ardent défenseur des libertés fondamentales ? Aurez-vous le courage de réformer enfin le droit positif en créant l'immunité de la robe pour ceux de vos anciens confrères qui font ce que vous avez fait durant des décennies : défendre des coupables innocents et d’innocents coupables ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

M. Fabrice Brun. Belle plaidoirie !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe LR.)

M. Fabrice Brun. Enfilez la robe !

M. Olivier Véran, ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Vous interrogez le Gouvernement sur l'affaire judiciaire qui met en cause deux pénalistes de renom, Joseph Cohen-Sabban et Xavier Nogueras, auxquels il est reproché d'avoir violé le secret professionnel et de s'être rendus complices d'une tentative d'escroquerie au jugement. Dans cette procédure, le garde des sceaux est soumis au déport. C'est la raison pour laquelle, madame la députée, c'est moi qui vous réponds.

M. Fabrice Brun. Quel dommage !

M. Patrick Hetzel. On perd en qualité, c'est sûr ! (Sourires.) 

M. Olivier Véran, ministre délégué . Vous le savez sans doute, l'audience devant le tribunal correctionnel de Paris s'est tenue du 23 janvier au 7 février dernier. Huit avocats se sont succédé à la barre pour la défense. Le délibéré sera rendu le 18 avril prochain. La séparation des pouvoirs m'interdit – comme d'ailleurs au garde des sceaux – de commenter une affaire judiciaire en cours. Je ne m'étendrai donc pas davantage sur cette situation particulière,…

M. Jean-Yves Bony. Il ne vaut mieux pas !

M. Olivier Véran, ministre délégué . …d'autant que la justice a besoin de travailler dans la sérénité pour pouvoir rendre son jugement, lequel pourra, le cas échéant, faire l'objet d'un recours.

Votre question me donne toutefois l'occasion d'évoquer quelques-unes des nombreuses mesures prises en faveur des avocats, notamment par la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire, défendue par mon éminent collègue et ami Éric Dupond-Moretti. (Exclamations et sourires sur les bancs du groupe LR.)

M. Éric Ciotti. Ça ne fait pas très sincère !

M. Patrick Hetzel. La corrida n'est pas loin !

M. Olivier Véran, ministre délégué . Cette loi a permis de reconnaître le secret professionnel de l'avocat, dans son activité de défense comme dans son activité de conseil, dans l'article préliminaire du code de procédure pénale. Elle instaure, par ailleurs, de nouvelles garanties pour le secret professionnel de l'avocat en cas de perquisition et de saisie effectuées dans son cabinet ou à son domicile. Enfin, ce texte a réformé la discipline des avocats, car l'efficacité de l'autorégulation de la profession est, nous le croyons, un gage de son indépendance et donc un enjeu sociétal majeur.

Je veux, pour conclure, insister sur notre attachement viscéral à la présomption d'innocence. Laissons donc la justice suivre son cours !

M. Éric Ciotti. Ce n'était pas la question !

Mme la présidente. La parole est à Mme Christelle D'Intorni.

Mme Christelle D'Intorni. Si vous aviez écouté attentivement ma question, vous auriez compris que je ne vous demandais absolument pas de commenter le procès en cours, ni même d'intervenir de quelque manière que ce soit, mais simplement d'envisager un projet de réforme pour protéger l'avenir des droits de la défense. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

M. Patrick Hetzel. Excellent !

M. Fabrice Brun. Bravo !

Données clés

Auteur : Mme Christelle D'Intorni

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Justice

Ministère interrogé : Renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement

Ministère répondant : Renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 1er mars 2023

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