Complication post-pose des bandelettes périanales
Question de : M. Olivier Falorni (Nouvelle-Aquitaine - Démocrate (MoDem et Indépendants))
M. Olivier Falorni attire l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur les complications dues aux implants permanents transvaginaux ou « bandelettes périnéales ». Dans les années 90, ces prothèses vaginales et bandelettes sous-urétrales, dispositif interne en polypropylène, ont été développées pour le traitement de l'incontinence urinaire et des prolapsus (descente) des organes pelviens, en s'incorporant aux tissus. La Haute Autorité de santé (HAS) décrit ces symptômes comme « généralement pas dangereux » et sans « risque d'aggravation rapide ». Cependant, à la suite de la pose de ces implants, certaine femmes souffrent d'effets secondaires : douleurs pelviennes et musculo-squelettiques chroniques, difficulté à rester debout ou assise, infections régulières, érosion des tissus ou organes avoisinants, lésions musculaires et nerveuses, etc. En réponse à une question déjà posée sur ce sujet, la réponse du ministère précise que « l'arrêté du 23 octobre 2020 et l'arrêté du 22 septembre 2021 encadrent la pratique des actes respectivement associés à la pose de bandelettes sous-urétrales pour le traitement chirurgical de l'incontinence urinaire d'effort et d'implants de suspension destinés au traitement du prolapsus des organes pelviens par voie chirurgicale haute. Cet encadrement de la pose prévoit notamment que la décision de pratiquer un acte de pose est faite en accord avec la patiente dûment informée et ayant bénéficié d'un délai de réflexion suffisant. La décision de pratiquer un acte de pose de ces dispositifs chez les patientes est prise en concertation par une équipe pluridisciplinaire de pelvi-périnéologie après avoir envisagé toutes les solutions de prise en charge ». Pourtant, les plaignantes soutiennent que les laboratoires ont sciemment minimisé, voire dissimulé les risques que présentaient leurs dispositifs, notamment les difficultés - même l'impossibilité - de les enlever. Depuis plusieurs années, en France comme à l'étranger, de nombreux témoignages convergent et aboutissent à des plaintes collectives, qui se multiplient. Plusieurs femmes ayant rejoint un collectif dédié ont indiqué ne pas avoir obtenu d'informations de manière exhaustive et notamment la complexité, voire l'impossibilité, de retirer en totalité leur implant en cas de problème. Le Royaume-Uni et l'Écosse, qui estiment les complications à 25 % du nombre de poses, ont interdit cette pratique depuis 2014. Les femmes ayant eu recours à ces dispositifs subissent de lourds effets indésirables, sur lesquels elles assurent n'avoir jamais été informées. Il n'existe aucune prise en charge spécifique en France pour ces femmes, dont les douleurs sont souvent incomprises ou assimilées à une dépression par les médecins et professeurs rencontrés. Pour toutes ces raisons, il lui demande ce que le Gouvernement compte mettre en œuvre (suspension de ce dispositif par exemple) pour apporter des réponses aux femmes victimes mais aussi pour prévenir les risques de faire des victimes supplémentaires.
Réponse publiée le 23 mai 2023
Sous l'égide du ministère de la santé et de la prévention, les dispositifs médicaux utilisés dans le traitement du prolapsus des organes pelviens et de l'incontinence urinaire font l'objet d'un plan d'action qui repose notamment sur : la mise en place d'une surveillance renforcée par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), l'évaluation individuelle de ces dispositifs par la Haute autorité de santé (HAS), l'établissement de recommandations de bonnes pratiques de prise en charge des femmes, un encadrement des pratiques de poses et une amélioration du parcours de soins par le renforcement de l'information des patientes. Depuis 2014, l'ANSM a mis en place un dispositif de surveillance renforcée des dispositifs utilisés dans le traitement du prolapsus des organes pelviens et de l'incontinence urinaire. Celui-ci repose sur des enquêtes de matériovigilance, le contrôle du marché et des inspections des fabricants. Les différents rapports sont disponibles sur son site (https://ansm.sante.fr/dossiers-thematiques/surveillance-des-bandelettes-sous-uretrales-et-implants-de-renfort-pelvien/quelques-dates-cles-en-france-et-a-linternational) Par ailleurs, l'étude VIGIMESH, coordonnée par le centre hospitalier universitaire de Poitiers a pour objectif de recenser dans plusieurs centres hospitaliers les complications à court et long-terme après chirurgie de renfort pelvien avec ou sans pose d'implants. L'observatoire VIGIMESH permet depuis 2017 un recueil prospectif de l'utilisation de ces dispositifs et de leurs complications (exposition, complications fonctionnelles [douleur, obstruction, conséquences sexuelles] ). Les premiers résultats publiés en 2019 font état d'un taux de complication grave de 2,3 % pour le traitement du prolapsus et d'environ 4 à 5 % pour le traitement de l'incontinence urinaire d'effort en fonction de la voie d'abord. Le recueil prospectif de données dans le registre VIGIMESH se poursuit. L'ANSM a organisé le 22 janvier 2019 une réunion de concertation sur le traitement des prolapsus pelviens et de l'incontinence urinaire entre les patientes, les associations de patientes, les professionnels de santé (urologues, gynécologues, médecins généralistes, sages-femmes, kinésithérapeutes) et les autorités de santé. A l'issue de cette journée, des pistes d'actions ont été partagées afin de mieux encadrer l'utilisation de ces dispositifs médicaux implantables et plus globalement la prise en charge des prolapsus pelviens et de l'incontinence urinaire, et garantir ainsi la sécurité des patients à chaque étape du parcours de soin. Le dispositif « intra GHS », introduit à l'article L. 165-11 du code de la sécurité sociale par la loi du 29 décembre 2011 de renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé conditionne l'achat, la fourniture et l'utilisation de certains dispositifs médicaux par les établissements de santé, et leur prise en charge au titre des prestations d'hospitalisation, à l'inscription sur une liste positive, dite « intra-GHS ». Afin d'être inscrits par arrêté sur la liste « intra-GHS », les dispositifs médicaux appartenant à ces catégories doivent faire l'objet au préalable d'une évaluation par la Commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé (CNEDiMTS) de la HAS. Cette évaluation permet, dans des domaines où les risques et les enjeux pour les patients sont majeurs, de renforcer l'obligation de production de données cliniques, au-delà de celles fournies à l'appui de la demande de marquage de conformité CE, dans le but d'étayer la pertinence de leur utilisation et de sécuriser leur prise en charge. Sur la base de l'avis rendu par la CNEDiMTS à l'issue de son évaluation, les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale prennent la décision d'inscrire (par arrêté) ou de ne pas inscrire les dispositifs médicaux sur la liste « intra-GHS ». Seuls les dispositifs médicaux, dans une catégorie homogène donnée, qui sont inscrits sur cette liste peuvent continuer à être achetés et utilisés par les établissements de santé. L'arrêté du 22 février 2019 (1) a défini 5 catégories homogènes de dispositifs médicaux nécessitant une évaluation, parmi lesquelles : - les dispositifs implantables destinés au traitement par voie vaginale du prolapsus des organes pelviens ; - les dispositifs implantables destinés au traitement par voie vaginale de l'incontinence urinaire ; - les dispositifs destinés au traitement par voie haute du prolapsus des organes pelviens. Concernant les dispositifs implantables destinés au traitement par voie vaginale du prolapsus des organes pelviens, la CNEDiMTS a estimé que le service attendu de ces dispositifs était insuffisant pour leur inscription sur la liste « intra-GHS ». En conséquence, aucun de ces dispositifs n'est inscrit sur la liste intra-GHS. Ils ne peuvent donc plus être utilisés par les établissements de santé sauf dans le cadre d'investigations cliniques (2). Concernant les dispositifs implantables destinés au traitement par voie vaginale de l'incontinence urinaire, 21 bandelettes sous-urétrales implantées par voie rétropubienne et/ou transobturatrice, sont actuellement inscrites sur la liste intra GHS dans le traitement de l'incontinence urinaire féminine d'effort, suite aux avis favorables rendus par la CNEDIMTS. Ces avis conditionnent le renouvellement d'inscription sur la liste intra-GHS de ces bandelettes sous-urétrales à la réalisation d'une étude post-inscription pour documenter, dans le contexte de soins français, le taux et le type de ré-interventions réalisées après implantation et pour fournir des données sur la qualité de vie et les douleurs rapportées par les patientes implantées. L'évaluation de ces nouvelles données pourra aboutir à la recommandation par la CNEDIMTS du maintien ou à la suppression de l'inscription sur la liste intra-GHS. En revanche, aucune mini-bandelette sous-urétrale à incision unique n'a fait l'objet d'une évaluation positive par la CNEDIMTS et n'est donc inscrite sur la liste intra-GHS. Concernant les dispositifs destinés au traitement par voie haute du prolapsus des organes pelviens, 9 dispositifs sont actuellement inscrits sur la liste intra-GHS dans le traitement par voie haute du prolapsus des organes pelviens. La HAS a élaboré des bonnes pratiques de prise en charge du prolapsus génital de la femme. Ces recommandations ont pour finalité d'aider les professionnels de santé (spécialistes et professionnels de premier recours) à proposer des solutions thérapeutiques adaptées aux patientes souffrant d'un prolapsus génital pour en diminuer les symptômes tout en évitant la survenue d'effets indésirables ou de complications (3). Par ailleurs, les arrêtés du 23 octobre 2020 et 22 septembre 2021 encadrent la pratique des actes associés à la pose de ces dispositifs respectivement pour le traitement chirurgical de l'incontinence urinaire d'effort et du prolapsus des organes pelviens par voie haute chez la femme (4). Ces encadrements de la pose prévoient notamment que la décision de pratiquer un acte de pose d'un dispositif est faite en accord avec la patiente dûment informée et ayant bénéficié d'un délai de réflexion suffisant. Cette information comporte notamment les différents traitements conservateurs et chirurgicaux disponibles avec les avantages et risques de chacun. Si une pose d'implant est envisagée, les informations relatives au suivi post-opératoire et à la conduite à tenir en cas de complications doivent être précisées aux patientes. Des fiches d'information standardisée élaborée en lien avec les associations de patientes et les professionnels concernés sont disponibles sur le site du ministère et de la HAS (5). La décision de pratiquer un acte de pose chez les patientes est prise en concertation par une équipe pluridisciplinaire de pelvi-périnéologie après avoir envisagé toutes les solutions de prise en charge. Le chirurgien réalisant la pose doit être formé aux techniques d'implantation. A l'issue de l'intervention, à des fins d'information de la patiente et de traçabilité du dispositif médical, un document doit systématiquement lui être remis permettant notamment l'identification de l'implant, le lieu et la date d'implantation, le nom du chirurgien ayant réalisé la pose. Une consultation de contrôle doit être réalisée dans le mois suivant l'implantation. Lors de cette consultation les retours des patientes sur leur qualité de vie et les évènements indésirables doivent être pris en compte afin de détecter et prendre en charge précocement les éventuelles complications. Au minimum une consultation doit être réalisée un an après l'intervention afin d'assurer une gestion active des éventuelles complications tardives. La gestion de complications graves post-implantation fait l'objet d'une concertation pluridisciplinaire et d'une décision partagée avec la patiente après qu'elle ait été dument informée de toutes les options et qu'elle ait bénéficié d'un délai de réflexion suffisant. Si une explantation est nécessaire, celle-ci doit être réalisée dans un centre ayant un plateau technique de chirurgie multidisciplinaire et doit être réservée aux chirurgiens formés à l'explantation. Dans la mesure où la prise en charge de ces complications est complexe, à la demande du Ministère, la HAS en partenariat avec les sociétés savantes concernées d'urologie et de gynécologie a travaillé à l'élaboration de bonnes pratiques de prise en charge des complications de la chirurgie avec prothèse de l'incontinence urinaire d'effort et du prolapsus génital de la femme. Ces recommandations établies avec l'ensemble des sociétés savantes d'urologie et de gynécologie devraient être publiées prochainement sur le site de la HAS. Elles participeront à la formation des praticiens et serviront de guide pour préciser l'information à délivrer aux patientes ainsi que les modalités de suivi et de prise en charge de ces complications. S'agissant de la prise en charge par l'Assurance maladie des pessaires, une fiche d'information destinée aux femmes a été établie par la HAS (6). Ces travaux vont être poursuivis afin de préciser les conditions de prise en charge par l'Assurance maladie des pessaires sur la liste des produits et prestations remboursables. (1) https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000038168748 (2) https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/liste_intra-ghs_-_novembre_2020.pdf (3) (https://www.has-sante.fr/jcms/p_3270984/fr/prolapsus-genital-de-la-femme-prise-en-charge-therapeutique (4) https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000042464843, https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000044087701 (5) https://solidaritessante.gouv.fr/IMG/pdf/ficheinfopatiente_incontinence_urinaire_d_effort.pdf, https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2022-04/reco443_fiche_patient_principale_prolapsus__cd_2022_04_28_v0.pdf (6) (https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2022-04/reco443_fiche_patient_pessaire_prolapsus__cd_2022_04_28_v0.pdf)
Auteur : M. Olivier Falorni (Nouvelle-Aquitaine - Démocrate (MoDem et Indépendants))
Type de question : Question écrite
Rubrique : Femmes
Ministère interrogé : Santé et prévention
Ministère répondant : Santé et prévention
Dates :
Question publiée le 7 mars 2023
Réponse publiée le 23 mai 2023