Question orale n° 611 :
Lutte contre les nuisances aériennes

16e Législature

Question de : Mme Naïma Moutchou
Val-d'Oise (4e circonscription) - Horizons et apparentés

Mme Naïma Moutchou alerte M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports, sur la question des nuisances aériennes et de leurs effets sur la santé publique et l'environnement. Les enjeux sont désormais largement documentés et montrent combien les dégâts sont considérables sur le cadre de vie et l'environnement, mais également sur l'état physique et psychique de ceux qui vivent au quotidien, jour et nuit, avec les nuisances aériennes (trouble du sommeil, stress, anxiété, problèmes de tension, surmortalité liée aux problèmes cardiovasculaires...). Pour le seul aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle, certaines habitations sont survolées par 450 avions chaque jour. Les habitants de la région Île-de-France exposés à ces nuisances aériennes peuvent perdre jusqu'à trois années d'espérance de vie en bonne santé. Le rapport d'Émile Quinet de septembre 2013 portant sur l'évaluation socioéconomique des investissements publics estime que le coût social des seules nuisances sonores liées au trafic aérien s'élèverait à 283 euros par personne et par an, pour un niveau d'exposition journalier moyen de 65 décibels. Or à l'échelle nationale, ce sont désormais plusieurs millions de Français, riverains des aéroports, qui sont concernés. Mme la députée propose d'agir et d'agir efficacement, notamment par la discussion et la mise en œuvre de la proposition de loi n° 1956 qu'elle a déposée. Ce texte veut favoriser l'essor d'une aviation plus durable mieux contrôlée. Il ne s'agit en rien de bannir les avions des vies. L'aéronautique française est un fleuron de l'industrie, une fierté pour le pays et un puissant moteur de développement pour les territoires. Mais cela n'empêche pas de poser les conditions d'un nouvel équilibre entre sécurité sanitaire, développement durable et prospérité économique, pour une nouvelle approche du transport aérien. Ce texte est le fruit de deux années de travail et de concertation avec les acteurs du secteur. Il a été qualifié par l'ACNUSA (autorité indépendante de contrôle des nuisances aéroportuaires) de « base solide pour un travail transpartisan du Parlement qui devrait être encouragée par le Gouvernement ». Il prévoit notamment d'instaurer un couvre-feu à l'aéroport Paris-Charles-de-Gaulle entre 23 heures et 6 heures et de plafonner le nombre de mouvements annuels à 440 000, de contraindre les compagnies aériennes et les contrôleurs aériens à respecter les procédures de vol et les trajectoires permettant de limiter les nuisances aériennes, de donner davantage de compétences et de pouvoirs à l'ACNUSA, de promouvoir la décarbonation du secteur de l'aviation et, enfin, d'inciter les compagnies aériennes à renouveler leurs flottes au profit d'avions moins bruyants et moins polluants. Elle souhaiterait savoir si le Gouvernement est prêt à travailler avec elle et d'autres députés engagés sur la base de ce texte pour des mesures efficaces de réduction des nuisances aériennes.

Réponse en séance, et publiée le 6 mars 2024

NUISANCES AÉRIENNES
Mme la présidente. La parole est à Mme Naïma Moutchou, pour exposer sa question, n°  611, relative aux nuisances aériennes.

Mme Naïma Moutchou. Je souhaite vous interroger sur la question majeure des nuisances aériennes et de leurs effets en matière de pollution de l'air et de bruit, à la fois sur l'environnement et la santé publique.

Les enjeux sont désormais largement documentés et montrent combien les dégâts sont considérables sur le cadre de vie et le climat, mais également sur l'état physique et psychique de ceux qui sont, au quotidien, jour et nuit, confrontés aux nuisances aériennes. Elles créent du stress, de l'anxiété, et entraînent des troubles du sommeil, des problèmes de tension, des maladies cardiovasculaires, etc.

Certaines habitations aux alentours de l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle, situé dans ma circonscription, sont survolées chaque jour par 450 avions. Les habitants du Val-d'Oise et de la région Île-de-France exposés à ces nuisances peuvent perdre jusqu'à trois années d'espérance de vie en bonne santé. À l'échelle nationale, ce sont désormais plusieurs millions de Français, riverains des aéroports, qui subissent ces préjudices.

Je propose d'agir efficacement, notamment en examinant la proposition de loi visant à protéger la santé des populations et l’environnement contre les nuisances aériennes, que j'ai déposée. Ce texte vise à favoriser l'essor d'une aviation plus durable et mieux contrôlée. Je ne fais pas partie de ceux qui voudraient bannir les avions de nos vies : l'aéronautique française est un fleuron de notre industrie, un puissant moteur de développement pour les territoires, notamment dans ma circonscription, ce dont je me réjouis.

Néanmoins, je suis convaincue que cela n'empêche pas de poser les conditions d'un nouvel équilibre entre le développement durable, la sécurité sanitaire et la prospérité économique. Je crois profondément à cette nouvelle approche du transport aérien que je propose.

L'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires (Acnusa), qui est une autorité indépendante, a qualifié la proposition de loi de « base solide pour un travail transpartisan du Parlement qui devrait être encouragée par le Gouvernement ». Le texte prévoit notamment d'instaurer un couvre-feu à l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle entre vingt-trois heures et six heures ; de plafonner le nombre de mouvements annuels à 440 000 ; de contraindre les compagnies aériennes et les contrôleurs aériens à respecter les procédures de vol et les trajectoires permettant de limiter les nuisances aériennes – ce qui n'est pas le cas aujourd'hui ; de donner davantage de pouvoirs de contrôle et de compétences à l'Acnusa ; de promouvoir la décarbonation du secteur de l'aviation ; enfin, d'inciter les compagnies à renouveler leurs flottes au profit d'avions moins bruyants et moins polluants.

Le Gouvernement est-il prêt à travailler avec moi et tous les députés engagés sur cette question afin de prendre, sur le fondement de ce texte, des mesures efficaces de réduction des nuisances aériennes ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la ville et de la citoyenneté.

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la ville et de la citoyenneté. Dans mon ancienne vie, j'étais membre du conseil d'administration de l'aéroport Marseille Provence. Je connais donc parfaitement ce sujet, qui concerne tout le territoire, voire le monde entier. Je vais m'efforcer de vous apporter une réponse très précise.

Je vous remercie d'appeler mon attention sur la protection des habitants exposés aux nuisances aériennes et les effets de celles-ci sur la santé publique.

Je suis d'accord avec vous, il est important de définir des mesures concrètes permettant de protéger les riverains des aéroports tout en favorisant l’essor d'un transport aérien durable. Au regard du droit européen, instaurer un plafonnement ou un couvre-feu à l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle revient à établir de nouvelles restrictions d'exploitation liées au bruit.

Or l'instauration de toute mesure de restriction du bruit doit être précédée d'une étude d'impact relative à l'aéroport concerné, dans le cadre d'une approche équilibrée. Celle-ci consiste à définir et à évaluer de nouvelles mesures permettant de réduire les nuisances sonores de manière proportionnée à leurs effets socio-économiques. Peuvent ainsi être étudiées des mesures relatives aux performances acoustiques exigées pour pouvoir opérer sur l'aéroport concerné, ou incitant les compagnies aériennes desservant l'aéroport à renouveler leurs flottes avec des avions moins bruyants, ainsi que des mesures de limitation du nombre de mouvements ou de couvre-feu. À l'issue de cette étude, le ministre chargé de l'aviation civile et le ministre chargé de l'environnement peuvent imposer des restrictions d'exploitation s'appliquant à l'aéroport concerné. Je tiens à vous confirmer qu'une telle étude d'impact est en cours à Paris-Charles de Gaulle, sous l'autorité du préfet du Val-d'Oise.

Le Gouvernement étudie par ailleurs des mesures de modernisation de la procédure de sanction mise en œuvre par l'Acnusa, comme toute initiative parlementaire visant à rendre plus efficaces les politiques publiques de maîtrise des nuisances aériennes. Attaché aux politiques publiques de lutte contre les nuisances sonores et de décarbonation du secteur aérien, il est prêt à travailler avec l'ensemble des parlementaires engagés en faveur de la réduction des nuisances environnementales.

Mme la présidente. La parole est à Mme Naïma Moutchou.

Mme Naïma Moutchou. Je vous remercie de votre réponse. Néanmoins, je ne suis pas satisfaite. Bien que je défende cette nécessité depuis 2017, je ne constate aucune amélioration significative de la situation pour nos concitoyens.

La transition écologique concerne tous les secteurs, y compris le secteur aérien. Des solutions existent ; elles ne sont pas appliquées. Je le redis, je suis persuadée que la sécurité sanitaire et la protection de l'environnement ne sont pas incompatibles avec la prospérité économique et l'emploi dans les territoires concernés.

Nous devons absolument nous saisir de cette question et débattre du texte transpartisan que j'ai déposé, afin de déterminer, avec l'ensemble des députés, la manière dont nous pourrions avancer. Il faut que nous soyons à la hauteur des défis pour nos concitoyens.

Données clés

Auteur : Mme Naïma Moutchou

Type de question : Question orale

Rubrique : Transports aériens

Ministère interrogé : Transports

Ministère répondant : Transports

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 27 février 2024

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