16ème législature

Question N° 612
de M. Idir Boumertit (La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale - Rhône )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Transition écologique et cohésion des territoires
Ministère attributaire > Transition écologique et cohésion des territoires

Rubrique > pollution

Titre > Quelles mesures pour enrayer l'exposition excessive aux PFAS ?

Question publiée au JO le : 27/02/2024
Réponse publiée au JO le : 06/03/2024 page : 1479

Texte de la question

M. Idir Boumertit interroge M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur les actions que le Gouvernement compte mettre en œuvre pour protéger la population d'une exposition excessive aux substances per et polyfluoroalkylées (ci-après dénommées « PFAS« ). Comme M. le ministre le sait, les PFAS, ou polluants éternels, sont des molécules chimiques qui ne se dégradent pas dans l'environnement. Très utilisées depuis les années 50, elles sont présentes dans de nombreux produits d'utilisation quotidienne comme les emballages alimentaires, les poêles ou le textile. Par conséquent, on les retrouve notamment dans l'eau potable ou dans les aliments que l'on consomme et dans des quantités largement supérieures aux normes européennes. De plus, le taux de concentration dans l'environnement ne fait que croître du fait de leur résistance extrême. Ces substances chimiques sont donc omniprésentes et en quantité évidemment plus élevées dans les zones où se trouvent les bassins industriels, ce qui est le cas du Rhône et particulièrement de la vallée de la chimie. Ces polluants sont tellement imprégnés dans l'environnement que des études confirment leur trace dans le sang humain et le lait maternel. L'autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a indiqué en 2020 que l'exposition aux polluants éternels avait un lien direct avec des taux élevés de cholestérol, une diminution du poids à la naissance, des perturbations du fonctionnement du foie et une moins bonne réponse aux vaccins pour les enfants. L'agence européenne pour l'environnement, elle, affirme que les polluants éternels peuvent entraîner « des problèmes de santé tels que des lésions hépatiques, des maladies thyroïdiennes, de l'obésité, des problèmes de fertilité et des cancers ». Les conséquences sont encore plus élevées pour les travailleurs au contact direct de ces polluants. Ces impacts ont ainsi conduit les experts à qualifier les PFAS de « plus graves pollutions auxquelles le monde est exposé », représentant donc un réel problème de santé publique, dont l'impact économique est estimé à près de 84 millions d'euros en Europe. Le 13 janvier 2023, le Danemark, l'Allemagne, les Pays-Bas, la Norvège et la Suède ont déposé une proposition de restriction ciblant la fabrication, la mise sur le marché et l'utilisation des PFAS (substances per et polyfluoroalkylées) auprès de l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA). Si cette initiative européenne, qui envisage l'interdiction globale de tous les PFAS, est la bienvenue, elle n'aboutira pour autant pas avant 2028 et risque fortement d'être dévoyée et amoindrie d'ici à son adoption. En janvier 2024, l'autorité régionale de santé (ARS) publiait les résultats d'une analyse par laquelle elle révélait la présence de PFAS en quantité supérieure au seuil de référence européen dans les eaux destinées à la consommation de 166 000 habitants dans 50 communes. Tel est le cas de la ville de Rumilly, en Haute-Savoie, où se situe l'usine Tefal, ainsi que les villes de la circonscription de M. le député et de nombreuses autres villes situées dans la vallée de la chimie. L'ARS exhortait ainsi les communes concernées à mettre en place des mesures pour diminuer les contaminations. Pourtant, M. le député rappelle à M. le ministre que le principe de pollueur-payeur selon lequel les frais résultant des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci doivent être supportés par le pollueur, devrait empêcher que la charge et les frais de telles mesures reposent sur les collectivités territoriales concernées. Regrettant que le plan d'action ministériel « PFAS 2023-2027 » ne prévoit pas de mesures à même de limiter l'exposition des population et de l'environnement aux PFAS dès aujourd'hui, il l'interroge sur les mesures que le Gouvernement compte prendre afin de protéger la population d'une exposition excessive aux PFAS et de mettre à la charge des pollueurs les mesures permettant de prévenir les contaminations et l'exposition des populations à ces substances.

Texte de la réponse

EXPOSITION AUX SUBSTANCES PERFLUOROALKYLÉES ET POLYFLUOROALKYLÉES


Mme la présidente. La parole est à M. Idir Boumertit, pour exposer sa question, n°  612, relative à l'exposition aux substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées.

M. Idir Boumertit. Cette question s'adresse au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Le Rhône est un territoire particulièrement concerné par une exposition excessive de la population et de l'environnement aux polluants éternels, les Pfas – substances polyfluoroalkylées ou perfluoroalkylées –, comme en témoignent de récentes études et la publication d'analyses par l'agence régionale de santé (ARS) Auvergne Rhône-Alpes en janvier dernier.

La Vallée de la chimie, important bassin industriel, est ainsi confrontée à une concentration alarmante de Pfas, qui met incontestablement en péril la santé de ses habitants et l'environnement. Omniprésents dans notre environnement, ceux-ci représentent une grave menace pour la santé publique. Les récentes analyses de l'ARS Auvergne Rhône-Alpes ont montré que les habitants de ces zones sont exposés à des niveaux de Pfas nettement supérieurs aux normes européennes, ce qui accroît les risques pour leur santé et leur bien-être.

L'ARS a intimé aux collectivités locales de prendre des mesures pour que la population ne soit pas mise en danger par cette exposition. Ce ne sont pourtant pas les populations locales, ni les collectivités territoriales, qui décident de l'implantation de sites industriels polluants sur leur territoire. Le principe pollueur-payeur s'oppose, sur le fond, à ce que le coût des mesures de prévention et de réduction de la pollution soit mis à la charge de la personne publique.

Dans ce contexte, quelles mesures spécifiques le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour répondre à cette situation critique dans le département du Rhône et dans la Vallée de la chimie ? Comment comptez-vous intensifier les efforts de dépollution et de protection de la population dans ces zones particulièrement touchées ? Enfin, pouvez-vous nous garantir que le principe pollueur-payeur sera appliqué, sur le territoire national, à la lutte contre l'exposition excessive aux Pfas ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la ville et de la citoyenneté.

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la ville et de la citoyenneté. Je vous communique la réponse, très précise, du ministre de la transition écologique. Les Pfas sont une famille de plusieurs milliers de composés chimiques. Les propriétés de certaines molécules sont bien connues et les connaissances disponibles ont d'ores et déjà abouti à l'application de mesures visant à prévenir certains risques associés à leurs usages. Cependant, les connaissances relatives à l'immense majorité des autres Pfas demeurent parcellaires et incitent, vous avez raison, à accroître le niveau de la vigilance et les actions dans ce domaine.

En juillet 2023, la Première ministre Élisabeth Borne avait missionné le député Cyrille Isaac-Sibille pour établir un diagnostic de la situation des Pfas en France, accompagné de recommandations. Ce dernier a remis son rapport début février ; ses recommandations sont actuellement étudiées par l'ensemble des ministères concernés en vue de compléter, par des actions interministérielles, le plan élaboré en janvier 2023 par le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Afin de répondre à l'objectif de protéger au plus vite la population d'une exposition excessive aux Pfas, il s'agit d'abord de surveiller les émissions, les contaminations de l'environnement et des organismes vivants, ainsi que les impacts d'une telle exposition sur la santé humaine et sur l'environnement. Un arrêté du ministère de la transition écologique du 20 juin 2023 impose déjà la réalisation d'une campagne de mesures des Pfas dans les rejets de nombreux sites industriels dans les eaux. De septembre 2023 à juin 2024, environ 4 000 sites devront analyser leurs rejets, à trois reprises, pour évaluer leur concentration en Pfas.

Il convient ensuite de maîtriser les risques, pour agir à toutes les échelles sur l'ensemble des sources et des milieux. Enfin, il nous faut communiquer de façon transparente afin de donner aux populations concernées les moyens d'agir pour leur santé. La définition de ces actions s'accompagne de l'engagement de travaux interministériels pour identifier des modalités de financement, en mobilisant de façon proportionnée les différents contributeurs. En effet, les sources d'émission de Pfas sont nombreuses et relèvent de secteurs économiques très variés, au-delà de la seule industrie.