Question écrite n° 6135 :
Conditions de révision des prix des marchés publics de service

16e Législature

Question de : M. Bertrand Sorre
Manche (2e circonscription) - Renaissance

M. Bertrand Sorre attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur les conditions de révision des prix des marchés publics de services à forte intensité de main-d'œuvre. Généralement, un marché public comporte des formules de révision des prix basés sur des indices pour faire face aux aléas économiques. Toutefois, ces indices sont décalés de par leur parution tardive et de par le rythme de révision des prix généralement d'une année entière à date anniversaire ; les acheteurs publics insèrent des clauses butoirs, en limitant la prise en compte de la révision à un pourcentage d'évolution donné ; des marchés publics comportent régulièrement des clauses de sauvegarde avec une résiliation possible du contrat par l'acheteur public au-delà d'un certain seuil de révision ; et les formules de révision de prix intègrent régulièrement des parties fixes dans la formule avec un terme fixe qui neutralise une partie du montant révisable. Ces clauses de révision apparaissent comme particulièrement inadaptées aux secteurs d'activité à forte intensité de main-d'œuvre dans lesquels la masse salariale constitue la charge principale des entreprises. Cette inadaptation des clauses de révision des prix est d'autant plus préjudiciable dans cette période d'inflation et de réévaluations importantes du Smic et du salaire minimum conventionnel dans plusieurs secteurs. Pour les marchés déjà en cours, si la possibilité est bien offerte de modifier les contrats, elle reste optionnelle, très complexe à mettre en œuvre et ne comporte aucune mention explicite des modifications de prix liées à l'évolution des salaires. Pour les nouveaux marchés, la circulaire du 29 septembre 2022 apporte bien des éléments concernant le contenu de la formule et le rythme de révision des prix mais également sur la partie fixe et les clauses butoirs. Néanmoins, à l'exception des acheteurs directs de l'État, qui exclut les collectivités et qui ne représentent qu'une part minoritaire des achats publics, il ne s'agit que de simples recommandations. Aussi, il souhaiterait savoir ce que le Gouvernement entend faire pour soutenir la révision des prix sur l'ensemble des marchés publics liés aux secteurs à forte intensité de main-d'œuvre et si, compte tenu de cette période d'inflation, il entend limiter les clauses butoir pour les nouveaux marchés et marchés en cours, au-delà des marchés directs de l'État, et faire prendre en compte, notamment dans les collectivités territoriales, centrales d'achats et bailleurs sociaux, la réévaluation des salaires pour les marchés en cours. Sur ce second point, si le code monétaire et financier interdit, du fait de son caractère généraliste, la révision des prix basée sur l'évolution du Smic, en revanche la révision basée a minima sur le salaire minimum conventionnel du secteur d'activité concerné apparaît particulièrement appropriée et opérante, dès lors qu'il s'agit d'un secteur à forte intensité de main-d'œuvre. Ces deux solutions opérationnelles permettraient de lever à très court terme toutes les inadaptations constatées, que ce soit sur les nouveaux marchés ou les modifications des marchés en cours. Il souhaite connaître sa position sur le sujet.

Réponse publiée le 6 juin 2023

Le code de la commande publique (CCP) prévoit plusieurs mécanismes permettant de faire face aux difficultés d'exécution des contrats de la commande publique liées aux variations économiques. La circulaire de la Première ministre du 29 septembre 2022, publiée dans le contexte de hausse des prix de certaines matières premières, a pour objet de rappeler les solutions pouvant être mises en œuvre pour adapter les conditions d'exécution des contrats, y compris pour les marchés publics de services, dont l'équilibre économique est étroitement corrélé au coût de la main d'œuvre (marchés de gardiennage, de propreté, de sécurité…). Afin que les clauses de révision de prix reflètent fidèlement les variations des coûts réellement subis, il est ainsi demandé, pour les contrats conclus par les services centraux et déconcentrés de l'État et les opérateurs placés sous tutelle des ministères, de ne pas prévoir de terme fixe au sein de la formule de révision et de ne pas insérer de clause « butoir », sauf exception. Si cette prescription ne saurait s'imposer aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics, en vertu du respect des principes de libre administration et de liberté contractuelle, ces collectivités sont néanmoins sensibilisées sur l'importance des règles et principes énoncés dans cette circulaire. Afin d'éviter un effet inflationniste, les clauses de révision des prix insérés dans les contrats de la commande publique ne peuvent pas faire référence aux variations du salaire minimum de croissance (SMIC) ou du niveau général des salaires, conformément à l'interdiction énoncée à l'article L. 112-2 du code monétaire et financier. Les acheteurs publics ont toutefois la possibilité d'intégrer, au sein de ces clauses, des références à des indices ou index tenant compte de la variation moyenne du coût de production ou de la main d'œuvre par secteur économique. En effet, l'INSEE a créé et met régulièrement à jour un certain nombre d'indices et d'index spécifiques aux différents secteurs économiques et types de production. Ces clauses d'indexation sont regardées par le juge comme régulières dès lors que l'indexation est en relation directe avec l'objet de la convention ou l'activité de l'une des parties. Les marchés publics de services à forte intensité de main d'œuvre peuvent donc contenir des clauses de révision des prix faisant référence à des indices ou des index portant sur le salaire moyen de certaines catégories professionnelles, le coût moyen de la main d'œuvre par secteur ou le salaire minimum conventionnel de branche, à condition que ces indices ou index ne contiennent aucune référence au SMIC ou au niveau général des salaires. Par ailleurs, dans l'hypothèse où aucune clause de ce type n'aurait été initialement prévue au sein du contrat, et comme l'a rappelé le Conseil d'État dans son avis du 15 septembre 2022, une modification du contrat en cas de circonstances imprévues peut être admise dans les limites et conditions posées par l'article R. 2194-5 du code de la commande publique. Il reviendra notamment aux parties de démontrer une hausse des coûts salariaux dans le domaine et pour les prestations considérés, qui dans son principe comme dans son ampleur, résulte d'un événement extérieur aux parties et imprévisible lors de la conclusion du contrat. A défaut, une modification de faible montant sur le fondement de l'article R. 2194-8 pourra être envisagée, mais devra être nécessaire et proportionnée dans son principe, dans son montant comme dans sa durée pour faire face aux difficultés rencontrées par le titulaire. En tout état de cause, et comme l'a rappelé le Conseil d'État dans l'avis précédemment cité, une modification du prix, qu'elle soit envisagée sur le fondement de l'article R. 2194-5 ou de l'article R. 2194-8, devra nécessairement s'inscrire dans le respect des principes généraux d'égalité devant les charges publiques, de bon usage des deniers publics et d'interdiction des libéralités.

Données clés

Auteur : M. Bertrand Sorre

Type de question : Question écrite

Rubrique : Marchés publics

Ministère interrogé : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Ministère répondant : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Dates :
Question publiée le 7 mars 2023
Réponse publiée le 6 juin 2023

partager