Question orale n° 613 :
Situation des écoles et fermetures de classes

16e Législature

Question de : Mme Manon Meunier
Haute-Vienne (3e circonscription) - La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale

Mme Manon Meunier attire l'attention de Mme la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur la situation des écoles en Haute-Vienne et plus largement sur les fermetures de classes à travers toute la France. En Haute-Vienne, 31 classes sont menacées de fermeture à la rentrée 2024, avec pour conséquences une augmentation des effectifs par classes, un moins bon encadrement des élèves et parfois même la fermeture complète de certaines écoles, posant de nombreuses difficultés logistiques, matérielles et scolaires. Les financements existent pourtant et ces postes d'enseignants et donc ces classes, pourraient être maintenus. Les corps enseignants réclament d'ailleurs expressément que ces classes restent ouvertes, pour ne pas dégrader les conditions d'éducation. Enfermé dans une logique comptable et d'économies, le Gouvernement laisse l'école publique mourir à petit feu. La situation des écoles rurales est particulièrement préoccupante, mais aucun soutien spécifique ne leur est apporté, alors même que des solutions existent et sont proposées par les professionnels sur le terrain. Aussi, elle souhaite l'interroger sur sa politique éducative et sur son ambition réelle pour l'école publique.

Réponse en séance, et publiée le 6 mars 2024

FERMETURE DE CLASSES EN HAUTE-VIENNE
Mme la présidente. La parole est à Mme Manon Meunier, pour exposer sa question, n°  613, relative à la fermeture de classes en Haute-Vienne.

Mme Manon Meunier. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse mais puisqu'elle est absente, c'est à vous, monsieur le ministre, que je proposerai un petit exercice, comme à l'école.

Je commence en vous lisant cette phrase extraite de notre Constitution : « La nation garantit l'égal accès de l'enfant […] à l'instruction […]. L'organisation de l'enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l'État. »

Pour continuer l'exercice, dites-moi à présent si les situations réelles – observées dans ma circonscription en Haute-Vienne – que je vais vous décrire correspondent aux exigences contenues dans la première phrase.

Au Val de l'Aurence, quartier parmi les plus pauvres de Nouvelle-Aquitaine, vous fermez deux classes.

À Châteauponsac, vous fermez une classe, avec pour conséquences une moyenne par classe portée à vingt-quatre élèves et des mélanges de niveaux non concertés avec les équipes pédagogiques.

À Bellac, vous fermez encore une classe, ce qui pourrait entraîner une fermeture d'école. Cette commune avait déjà perdu une école il y a deux ans, ce qui avait abouti à une situation catastrophique : les CM2 avaient subi cinq semaines de cours sans enseignant à cause du manque de remplaçants dans le département. Avec cette nouvelle fermeture, une classe de maternelle ne compterait pas moins de vingt-sept enfants. Vous persistez dans les mesures désastreuses.

À Saint-Gence, vous fermez une classe, avec pour résultat une classe de maternelle qui compte vingt-huit enfants. En effet, vous ne tenez pas compte de l'existence des toutes petites sections qui nécessitent pourtant la présence d'enseignants, d'Atsem, les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles, et d'AESH, les accompagnants d’élèves en situation de handicap.

À Saint-Sulpice-les-Feuilles, vous fermez une classe si bien que, désormais, une classe comptera vingt-sept élèves.

Considérez-vous que de telles situations permettent l'égal accès des enfants à une éducation digne ? Considérez-vous que vous répondez correctement aux principes de la Constitution ? La mission des services publics – a fortiori peut-être l'école – est de contribuer à réduire les inégalités dans notre société et de permettre à chacun d'avoir accès aux savoirs fondamentaux.

La casse de l'école publique à laquelle vous vous livrez réduit ce principe à néant. Pour s'y opposer, un collectif de parents d'élèves de la Haute-Vienne s'est créé. Il vous demande, pour nos enfants, de mettre fin à la politique du chiffre.

Aujourd'hui, vous décidez au niveau national d'un certain nombre de suppressions de poste afin de faire des économies. Les territoires doivent alors se débrouiller avec les effectifs d'enseignants qu'on leur attribue. Ce n'est pas humain. Arrêtez de mener une politique des moyens et appliquez une politique des besoins. Cela suppose, premièrement, que vous vous rendiez sur le terrain pour constater que, non, la fermeture d'une classe du RPI – le regroupement pédagogique intercommunal – Compreignac-Thouron n'est pas justifiée et qu'une fermeture de classe à l'école Aigueperse créerait des inégalités d'accès à une éducation digne pour nos enfants, deuxièmement, qu'en conséquence vous attribuiez un nombre de postes suffisants afin de permettre à tous les enfants d'avoir accès à une éducation de qualité.

Hier encore, les Haut-Viennois – élus, paysans, habitants des ruralités ou encore mamans des quartiers – se sont mobilisés partout dans le département. Tous martelaient ces mots : « Nos enfants ne sont pas des moutons, arrêtez de les compter. »

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention. Avant de vous transmettre les éléments de réponse que m'a fournis la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, je veux vous remercier de la teneur de votre question. Moi-même élu, il y a quelques semaines encore, d'un département rural, je sais à quel point ces questions sont délicates.

D'ailleurs, l'ensemble du Gouvernement sait que, face aux modifications de la carte scolaire, la sensibilité de nos concitoyens est grande, en particulier dans les territoires ruraux, par exemple en Haute-Vienne, votre département – vous l'avez rappelé avec force. C'est pourquoi il veille particulièrement à ce que les élus soient associés, le plus en amont possible, aux évolutions de la carte scolaire. Vous le comprendrez très bien, celle-ci ne saurait être figée. Il faut cependant veiller à maintenir un équilibre qui prenne en considération le ressenti et les besoins exprimés dans un territoire.

L'instance de concertation mise en place dans les territoires ruraux doit justement donner une visibilité à trois ans sur la carte scolaire dans le premier degré. Cette possibilité d'anticiper les évolutions, à un rythme pluriannuel, constitue une nouveauté. Nous suivons de très près le déploiement de cette instance dans chaque département afin que cette promesse soit effective dans les meilleurs délais. C'est au sein de cette instance, au plus près du terrain, que doit être mené le dialogue, selon les besoins, très différents d'un département rural à un autre.

Des réponses adaptées aux territoires ruraux ont en outre été élaborées au cours des dernières années. Je pense notamment à l'allocation progressive des moyens qui tient compte de l'indice d'éloignement ou encore au dispositif des territoires éducatifs ruraux (TER), au bénéfice des écoliers et des collégiens.

La carte scolaire est avant tout un instrument de politique publique que l'éducation nationale mobilise pour s'adapter à la réalité de territoires en constante évolution. Nous devons mener un travail continu, en lien étroit avec les forces vives de ces territoires, pour que chaque élève dispose des meilleures conditions d'enseignement possible.

Or, dans un contexte de baisse démographique dans la Haute-Vienne avec, vous le savez, 2 525 élèves en moins, soit une baisse de 8,5 %, dans les écoles publiques du premier degré entre les rentrées 2017 et 2023, et malgré les évolutions récentes de la carte, nous pouvons noter avec satisfaction que le taux d'encadrement du département va légèrement s'accroître.

Permettez-moi d'être précis – les chiffres sont importants. Le taux d'encadrement dans votre département, mesuré par le ratio donnant le nombre d'équivalents temps plein – les ETP –  pour 100 élèves, est passé de 5,24 à la rentrée 2017 à 5,80 à la rentrée 2023 et devrait encore progresser pour atteindre 5,82 à la prochaine rentrée. Le nombre d'élèves par classe – 21,7 à la rentrée 2023 contre 23,4 en 2017 – permet un suivi de qualité par les enseignants, et c’est bien là le plus important.

Nous veillons à ce que tous les élèves, quel que soit leur territoire, bénéficient toujours du meilleur accompagnement possible, en nous adaptant aux situations locales, au plus près du terrain.

Données clés

Auteur : Mme Manon Meunier

Type de question : Question orale

Rubrique : Enseignement

Ministère interrogé : Éducation et jeunesse

Ministère répondant : Éducation et jeunesse

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 27 février 2024

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