Question orale n° 614 :
Les alternatives à l'A31bis existent : il faut les étudier !

16e Législature

Question de : Mme Charlotte Leduc
Moselle (3e circonscription) - La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale

Mme Charlotte Leduc alerte M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports, sur l'obstination hypocrite de l'État sur le « Grand projet inutile et imposé » qu'est l'A31bis et sur son manque de considération à tous les échelons vis-à-vis des acteurs du territoire qui proposent des alternatives. Comme M. le ministre le sait, le lancement de l'A31bis a été confirmé par son prédécesseur, M. Clément Beaune, le 15 décembre 2023. Ce projet est inutile, anachronique et injuste : inutile puisqu'il ne répond en rien aux problèmes de congestion des axes de transport sur le sillon lorrain ; anachronique car imaginé dans les années 90 et allant dans le sens inverse de ce qu'impose la lutte contre le dérèglement climatique ; injuste puisqu'il organise le racket des usagers (frontaliers ou non) qui devront s'acquitter d'un péage sur le tronçon neuf à l'ouest de Thionville, mais aussi sur l'autoroute existante entre Elange et la frontière, déjà payée il y a 40 ans par leurs impôts, bref : un beau cadeau au futur concessionnaire. Malgré tout cela, le Gouvernement s'obstine à maintenir ce projet dans une hypocrisie totale. D'un côté, M. le ministre se targue d'avoir arrêté les projets autoroutiers pour des raisons environnementales, de l'autre il maintient des projets comme l'A69 ou l'A31bis particulièrement destructeurs pour l'environnement sans jamais en prouver la nécessité. En effet, lors de la concertation publique qui s'est tenue entre novembre 2022 et février 2023, aucun projet alternatif n'a été étudié de manière à mettre au débat un scénario avec des mobilités douces renforcées au-delà de ce qui est déjà programmé. Les seuls choix soumis ont été des variantes de tracés, les alternatives fondées sur les mobilités douces ont été dès le départ rejetées et l'autoroute a été considérée - sans aucune preuve - comme absolument nécessaire. Pourtant les alternatives existent et l'État les connaît. Mme la députée prend l'exemple des propositions des usagers du train express régional (TER) Metz-Luxembourg : le collectif Alternatives 31 les a adressées à M. le ministre une première fois dans son dossier que Mme la députée lui a également transmis par voie de courrier, puis en main propre lors de la visite de M. le ministre à Metz le 15 décembre 2023. Dans le cadre du groupe de travail « Mobilités » du Comité consultatif du codéveloppement France-Luxembourg piloté par le préfet de la Moselle, Mme la députée a également transmis les propositions des usagers. Réponse lapidaire de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) dans ce cadre : « beaucoup de propositions de l'Association sont déjà prévues (redécoupage du bloc, cantonnement, sas FRET). Pour les autres sujets relevant de l'opérateur ferroviaire, l'Association a rencontré les équipes de la région Grand Est ». Pourtant les propositions des usagers ont été sérieusement travaillées et méritent pour chacune d'entre elles une réponse détaillée. De la préfecture de la Moselle au ministre des transports, que de mépris pour des propositions qui permettraient a minima d'améliorer le quotidien des usagers du TER et de servir de base à un scénario sans autoroute nouvelle et de renforcement des mobilités douces. L'État a-t-il peur que l'on découvre qu'un tel scénario est possible ou n'accorde-t-il seulement aucun intérêt aux solutions qui n'engraissent pas les sociétés autoroutières ? M. le ministre va-t-il oui ou non expertiser et chiffrer les mesures des usagers du TER Metz-Luxembourg, notamment la proposition de doublement de la capacité entre Thionville et Bettembourg ? Enfin, elle lui demande s'il s'appuiera sur ces propositions chiffrées pour établir un scénario alternatif sans autoroute comme l'ont recommandé les garants de la Commission nationale du débat public (CNDP).

Réponse en séance, et publiée le 6 mars 2024

AUTOROUTE A31 BIS
Mme la présidente. La parole est à Mme Charlotte Leduc, pour exposer sa question, n°  614, relative à l'autoroute A31 bis.

Mme Charlotte Leduc. Ma question s'adresse au ministre des transports, dont je regrette l'absence. Elle porte sur l'obstination de l'État à soutenir le grand projet inutile et imposé qu'est l'A31 bis, qui vise à relier, dans son tronçon nord, la ville de Metz à la frontière luxembourgeoise. Elle porte également sur le manque de considération auquel se heurtent, à tous les échelons, les acteurs du territoire qui proposent des solutions alternatives.

Comme vous le savez, le lancement de la construction de l'autoroute A31 bis a été confirmé le 15 décembre à Metz par le précédent ministre des transports, Clément Beaune. Ce projet est pourtant inutile, anachronique et injuste. Inutile, car il ne répond pas aux problèmes de congestion des axes de transport du Sillon lorrain ; anachronique, car imaginé dans les années 1990, il va dans le sens inverse de celui que nous impose la lutte contre le réchauffement climatique ; injuste, car il organise le racket des usagers – frontaliers ou non –, qui devront s'acquitter d'un péage pour emprunter le tronçon passant à l'ouest de Thionville et l'autoroute existante, pourtant déjà payée par le contribuable, qui relie Elange et la frontière avec le Luxembourg : un beau cadeau de votre part au futur concessionnaire ! Le montant annoncé de ce péage est un véritable scandale : 4 euros pour un trajet complet entre Metz et Thionville, soit 8 euros l'aller-retour et 160 euros par mois pour les travailleurs frontaliers !

Malgré tout cela, le Gouvernement s'obstine, dans la plus grande hypocrisie, à maintenir ce projet : d'un côté, il se targue d'avoir mis fin à des projets autoroutiers pour des raisons environnementales, mais de l'autre, il maintient des projets tels que ceux de l'A69 ou de l'A31 bis, particulièrement destructeurs pour l'environnement, sans jamais en avoir démontré la nécessité.

En effet, dans le cadre de la concertation publique organisée entre novembre 2022 et février 2023, aucun projet alternatif n'a été étudié et aucun scénario faisant l'hypothèse d'un développement des mobilités douces plus ambitieux que celui déjà programmé n'a été présenté. Seuls des choix concernant les variantes du tracé étaient encore possibles, tous les autres ayant d'emblée été rejetés.

L'autoroute a été considérée, sans aucune preuve, comme absolument nécessaire, mais d'autres solutions existent et l'État les connaît. Le ministère ne peut d'ailleurs pas nier avoir été destinataire des propositions très étayées des usagers du TER – train express régional – Metz-Luxembourg et du collectif Alternatives 31, puisque je les lui ai moi-même envoyées, avant de les remettre en main propre à M. Beaune, puis de les transmettre au préfet de la Moselle dans le cadre du groupe de travail « mobilités » du comité consultatif du codéveloppement France-Luxembourg.

Madame la ministre, pouvez-vous me dire si le ministre délégué chargé des transports expertisera et chiffrera les mesures présentées par les usagers du TER Metz-Luxembourg, notamment leur proposition d'un doublement de la capacité entre Thionville et Bettembourg ? S'appuiera-t-il sur leurs propositions chiffrées pour préparer un scénario alternatif sans autoroute, comme l'ont recommandé les garants de la Commission nationale du débat public ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la ville et de la citoyenneté.

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la ville et de la citoyenneté. Permettez-moi de vous transmettre la réponse de mon collègue Patrice Vergriete, ministre délégué chargé des transports. L'aménagement de l'autoroute A31 et l'amélioration de l'offre de transports ferroviaires ne sont pas exclusifs l'un de l'autre. Seule une politique de transports multimodale, associant amélioration des conditions de circulation sur l'autoroute A31 et développement de l'offre de transport ferroviaire et fluvial – notamment pour le fret – est à même de répondre aux enjeux des mobilités dans le Sillon lorrain. À titre d'exemple, les places assises en période de pointe passeront de 8 000 aujourd'hui à 22 000 d'ici à 2030 dans les TER reliant Metz et le Luxembourg. Ce saut d'offre, qui se traduira dès cette année par la mise en circulation de trains de plus grande capacité, est rendu possible par les investissements conjoints de la France et du Luxembourg. Au total, ce sont 460 millions d'euros qui soutiendront les mobilités alternatives à la voiture individuelle, dont 440 millions d'euros dédiés au transport ferroviaire.

Présentées lors de la dernière concertation portant sur l'autoroute A31 bis, des études de trafic confirment que même des objectifs très ambitieux de développement de l'offre ferroviaire ne permettraient pas un report modal suffisant pour décongestionner l'autoroute A31. Pendant cette concertation, ses usagers ont d'ailleurs été nombreux à signaler la saturation de l'axe reliant Thionville et la frontière luxembourgeoise. L'aménagement d'une autoroute A31 bis devrait améliorer les conditions de circulation, grâce à l'élargissement d'infrastructures existantes. La section en tracé neuf, contournant Thionville, sera en partie réalisée en tunnel, ce qui limitera les nuisances pour les riverains. En outre, la mise en concession est une condition nécessaire pour garantir le financement et accélérer le lancement des travaux. Enfin, le projet offre la possibilité de développer les transports en commun, grâce à une voie de circulation dédiée, et le covoiturage, mais également de mettre aux dernières normes environnementales les structures existantes.

Ces mesures sont détaillées dans la décision ministérielle du 5 janvier 2024, prise à l'issue de la concertation que j'évoquais.

Mme la présidente. La parole est à Mme Charlotte Leduc.

Mme Charlotte Leduc. Vous me refaites la même réponse.

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État. Ah non, moi je ne fais rien !

Mme Charlotte Leduc. Je vous dis que des propositions très détaillées, formulées notamment par l'Association des voyageurs du TER Metz-Luxembourg, n'ont été ni chiffrées ni expertisées. Ainsi, aucune étude ne plaide en faveur d'un projet qui ne reposerait pas sur l'aménagement d'une nouvelle autoroute, puisqu'aucune solution alternative à une autoroute nouvelle n'a été véritablement étudiée. La réponse de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) à l'Association des voyageurs est plus que lapidaire et c'est une preuve de mépris vis-à-vis de son travail de documentation.

Des solutions alternatives doivent être étudiées et le financement du transport ferroviaire doit progresser ; d'autres enjeux, comme le fret ferroviaire, le covoiturage, le transport collectif, le télétravail et la relocalisation de l'emploi doivent être pris en compte. L'État craint-il qu'on découvre que ces scénarios alternatifs sont crédibles ou ne prête-t-il aucun intérêt aux solutions qui n'engraissent pas les sociétés autoroutières ?

Données clés

Auteur : Mme Charlotte Leduc

Type de question : Question orale

Rubrique : Transports routiers

Ministère interrogé : Transports

Ministère répondant : Transports

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 27 février 2024

partager