Pour une campagne d'inscription sur les listes électorales !
Question de :
M. Antoine Léaument
Essonne (10e circonscription) - La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale
M. Antoine Léaument alerte M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur la non-inscription et la mal-inscription sur les listes électorales. Le 9 juin 2024 auront lieu les élections européennes, élections traditionnellement marquées par une forte abstention. Ainsi, lors de la précédente élection en 2019, près de la moitié des citoyens ne s'étaient pas déplacés. Bien sûr, l'intérêt pour cette élection n'est pas aussi prononcé que celui qui existe pour l'élection présidentielle, mais ce n'est pas la seule raison. Selon les derniers chiffres disponibles, il y a 2,5 millions de non-inscrits sur les listes électorales. Eux, bien-sûr, ne comptent pas dans le chiffre de l'abstention. Mais ils manquent à l'expression de la souveraineté nationale ! Il faut donc faire tout ce qui est en notre pouvoir pour encourager l'inscription de toutes celles et ceux qui sont en âge et en droit de voter. L'autre problème, plus massif encore, c'est la mal-inscription sur les listes électorales, c'est-à-dire, pour le résumer simplement, une inscription dans un lieu qui n'est pas celui où on se trouve le jour de l'élection. Les travaux des chercheurs Céline Braconnier et Jean-Yves Dormaient évaluaient en 2017 à 7,6 millions de personnes le nombre de mal-inscrits. C'est 15 % du corps électoral ! Elle touche plus durement les milieux populaires et les jeunes. Ainsi, la part des mal-inscrits chez les 25-29 ans est estimée à pas moins de 51 % ! Or les jeunes et les classes populaires sont aussi ceux qui s'abstiennent le plus aux élections. Ces mêmes chercheurs estiment qu'à paramètres constants, pourtant, il n'y a pas d'écart de participation en fonction du critère d'âge. La mal-inscription serait donc responsable de l'essentiel de la non-participation des jeunes aux élections ! Et on le comprend : les jeunes sont souvent précaires, qu'ils soient étudiants, jeunes travailleurs ou sans emploi. Se payer un aller-retour dans son lieu d'inscription sur les listes électorales est souvent un luxe ! Surtout pour une élection qui mobilise moins. Q'entend faire M. le ministre pour lutter contre ces fléaux de la non-inscription et de la mal-inscription ? Envisage-t-il une campagne nationale d'inscription sur les listes électorales ? Si oui, quelles en sont les formes ? Si non, peut-il donner à la représentation nationale les raisons pour lesquelles il considère que ce n'est pas un problème démocratique majeur à régler ? M. le député n'ose croire que M. le ministre trouve cette forme nouvelle du suffrage censitaire digne de la démocratie française. Enfin, M. le ministre est-il prêt à faire deux changements simples sur le site national permettant de s'inscrire sur les listes électorales ? Le premier serait d'en autoriser l'accès sans connexion préalable avec France Connect. En effet, beaucoup de gens ne disposent pas nécessairement de ce code ou bien l'ont oublié et cela complexifie inutilement la démarche d'inscription. Le second serait de permettre le téléchargement de documents d'une taille supérieure à 2Mo, car cela bloque parfois l'inscription pour les citoyens qui ne maîtrisent pas la technique de la compression de fichiers. Il souhaite connaître sa position sur le sujet.
Réponse en séance, et publiée le 6 mars 2024
INSCRIPTION SUR LES LISTES ÉLECTORALES
Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Léaument, pour exposer sa question, n° 615, relative à l'inscription sur les listes électorales.
M. Antoine Léaument. Comme vous le savez sans doute, La France insoumise a lancé une campagne d'inscription sur les listes électorales avec le site onvoteinsoumis.fr, qui permet de vérifier que l'on est bien inscrit. Je vous invite à venir avec moi à la Grande Borne à Grigny, à Saint-Hubert à Sainte-Geneviève-des-Bois ou au Bois des Roches à Saint-Michel-sur-Orge pour promouvoir avec moi cette campagne d'inscription sur les listes électorales et constater combien celle-ci est compliquée.
En effet, il faut utiliser le site FranceConnect, qui est extrêmement difficile d'accès. En outre, pour avoir tenté d'inscrire quelqu'un en lui disant : « Ne vous inquiétez pas, cela prend cinq minutes », je vous assure que c'est loin d'être aussi rapide. Pourquoi ? Parce que le site n'accepte pas les photos d'une taille supérieure à 2 mégaoctets. Quand on prend la photo avec son téléphone, il faut donc la compresser avant de s'inscrire. Vous imaginez le niveau de complexité quand on est non inscrit, ce qui est le cas de 4 millions de personnes, ou mal inscrit, ce qui est le cas d'à peu près 8 millions de personnes… Au total, 12 millions de personnes sont potentiellement exclues de la participation au vote.
C'est une forme de rétablissement du suffrage censitaire. En effet, les plus touchés par la mal-inscription et la non-inscription sont les jeunes et les habitants des quartiers populaires. Pourquoi ? Parce qu'il y a une très forte mobilité dans les quartiers populaires pour des raisons liées au logement, au travail, à la vie de famille. Dans les quartiers populaires, on change souvent de ville ; on a donc souvent besoin de se réinscrire sur les listes électorales.
Ma première question est la suivante : comptez-vous supprimer l'usage obligatoire de FranceConnect pour s'inscrire sur les listes électorales ? La deuxième : comptez-vous supprimer la limite de 2 mégaoctets, qui est complètement ridicule ?
Enfin, dernière question, centrale : comptez-vous lancer une campagne nationale d'inscription sur les listes électorales avant les élections européennes du 9 juin ? Il y en a sacrément besoin. Douze millions de personnes mal inscrites ou non inscrites sur les listes électorales, cela représente à peu près un quart du corps électoral. C'est énorme, pour des élections où l'abstention est de 50 %, en partie du fait de la mal-inscription ; cela signifie qu'une part non négligeable de nos concitoyens est exclue du vote. Que comptez-vous faire à ce sujet ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la ville et de la citoyenneté.
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la ville et de la citoyenneté. Avant de vous apporter la réponse factuelle du ministre de l'intérieur, je tiens à vous dire qu'étant chargée des quartiers prioritaires, je partage votre constat. Ce que je vois dans la réalité est même au-delà de ce que vous décrivez. Puisque nous ne nous connaissons pas si mal, je vous invite à travailler avec nous à cette campagne d'inscription sur les listes électorales ; je l'avais faite, il y a vingt-cinq ans, et nous pouvons la refaire.
M. Antoine Léaument. Très bien !
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État. Le Gouvernement se mobilise depuis plusieurs années pour réduire le taux de non-inscription et lutter contre la mal-inscription : en 2022, plus de 95 % des Français en âge de voter – et 99 % des adultes de moins de 30 ans – étaient inscrits sur une liste électorale, contre, respectivement, 88 % et 85 % en 2018.
Ces chiffres montrent les progrès considérables réalisés depuis 2019 grâce au déploiement du répertoire électoral unique. L'inscription automatique des jeunes majeurs leur permet de voter dès le lendemain de leur dix-huitième anniversaire. Les électeurs peuvent s'inscrire en ligne, en quelques minutes, et changer ainsi très facilement de commune de vote lorsqu'ils déménagent.
L'utilisation de FranceConnect, qui permet de se connecter par l'intermédiaire de sites de démarches essentielles, tels que ameli.fr ou impots.gouv.fr, n'est pas obligatoire lors de cette téléprocédure, mais elle la rend plus sûre.
Nous poursuivons nos efforts : en amont des élections européennes, des actions de communication seront organisées pour faire connaître les démarches d'inscription et sensibiliser les électeurs à la mal-inscription.
Des travaux de plus long terme sont également menés par les services du ministère de l'intérieur et des outre-mer afin de lutter contre la mal-inscription, particulièrement à la suite d'un déménagement, et de simplifier les procédures pour que chacun puisse procéder à son inscription dans sa nouvelle commune en un clic.
Enfin, si le jour du scrutin, un électeur ne se trouve pas dans la commune où il est inscrit, il peut voter par procuration. Cette démarche a été considérablement simplifiée depuis 2021 grâce à la téléprocédure Maprocuration. Les détenteurs d'une identité numérique certifiée pourront faire établir leur procuration pour les élections européennes de 2024 de manière complètement dématérialisée, sans avoir à se déplacer au commissariat ou dans une brigade de gendarmerie.
Pour combattre l'abstention, lutter contre la non-inscription et la mal-inscription est en effet la priorité.
Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Léaument.
M. Antoine Léaument. Je vous remercie pour votre réponse et prends acte de votre invitation à participer à une campagne d'inscription sur les listes électorales. Soyez sûre que j'y réponds favorablement !
Vous dites qu'il n'est pas obligatoire de passer par FranceConnect pour s'inscrire sur les listes électorales, mais ce n'est pas vrai !
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État. C'est pour sécuriser la démarche !
M. Antoine Léaument. Il y a certes le formulaire Cerfa, mais il n'est pas dématérialisé, ce qui complique aussi les choses. Il faut changer ce système !
S'agissant des procurations, nous vous souhaitons bonne chance, mais nous jugerons sur pièces.
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État. Et vous avez raison !
Auteur : M. Antoine Léaument
Type de question : Question orale
Rubrique : Élections et référendums
Ministère interrogé : Intérieur et outre-mer
Ministère répondant : Intérieur et outre-mer
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 27 février 2024