Suppression de postes d'enseignants à la rentrée 2024 dans le Cantal
Question de :
M. Vincent Descoeur
Cantal (1re circonscription) - Les Républicains
M. Vincent Descoeur attire l'attention de Mme la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, sur l'inquiétude et la colère que suscite le projet de l'éducation nationale de supprimer 13 postes d'enseignants à la rentrée 2024 dans les écoles du Cantal après en avoir retiré 10 en 2023. Dans un département de montagne qui a retrouvé un solde migratoire positif, ces nouvelles diminutions de moyens sont insupportables : elles mettent en péril le maillage des écoles rurales, la qualité de la prise en charge des élèves en provoquant une explosion du nombre de classes à plusieurs niveaux, augmentent les temps de transport et viennent anéantir tous les efforts entrepris par les communes et collectivités locales pour renforcer leur attractivité. Il n'est pas acceptable que des postes soient supprimés dans des écoles ou regroupements pédagogiques dont les effectifs sont stables ou en légère baisse parfois même avec des perspectives de progression à l'avenir, que des classes puissent être fermées dans les petites écoles à deux ou trois classes, que ces retraits aient pour effet d'empêcher l'accueil des enfants en très petites sections, que des postes d'enseignants soient supprimés dans des communes qui ont fortement investi dans leurs locaux scolaires ou ont engagé des réflexions en vue de regroupements. Les services de l'éducation nationale justifient ce projet en faisant valoir que le taux d'encadrement par élève reste favorable, mais ce ratio n'est pas pertinent et ignore les réalités des territoires ruraux. Conjuguées à celles opérées en 2023, ces suppressions de postes viennent annuler totalement le bénéfice des conventions pour l'aménagement du territoire scolaire dont le département du Cantal profitait depuis 2014. Ces conventions avaient permis de limiter le nombre de suppressions de postes d'enseignants au regard des exigences du maillage territorial et des limites du regroupement en réseaux des écoles rurales dans lequel les maires se sont engagés. Cela constitue un changement radical de politique qui contraste singulièrement avec le discours de M. le Premier ministre selon lequel l'éducation serait la priorité du Gouvernement. Ces diminutions de moyens sont en effet d'autant plus mal vécues et difficilement comprises que le budget de l'éducation nationale est en hausse et que, par la voix de M. le Premier ministre, le Gouvernement a élevé l'école au rang de « priorité absolue ». C'est pourquoi il lui demande de reconsidérer le projet de carte scolaire pour la rentrée 2024 dans le département du Cantal et demande un moratoire sur les fermetures de classes en zones rurales et de montagne.
Réponse en séance, et publiée le 6 mars 2024
FERMETURE DE CLASSES DANS LE CANTAL
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Descoeur, pour exposer sa question, n° 619, relative à la fermeture de classes dans le Cantal.
M. Vincent Descoeur. Je souhaite appeler l'attention de Mme la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur l'incompréhension et la colère que suscite le projet de son ministère de supprimer treize postes d'enseignants à la rentrée 2024 dans les écoles du Cantal, ce qui se traduira par la fermeture de seize classes.
M. Pierre Cordier. Scandaleux !
M. Vincent Descoeur. Ces nouvelles diminutions de moyens dans un département de montagne sont insupportables parce qu'elles mettent en péril le maillage des écoles rurales et la qualité de la prise en charge des élèves. En outre, elles entraînent une augmentation du temps de transport de ces élèves et viennent anéantir tous les efforts entrepris par les communes et collectivités locales pour renforcer leur attractivité.
M. Pierre Cordier. Eh oui ! Dans les Ardennes aussi !
M. Vincent Descoeur. Il n'est pas acceptable que des postes soient supprimés dans des écoles marquées seulement par une légère baisse des effectifs et qui connaissent même parfois des perspectives de progression, ni que ces mesures aient pour effet d'empêcher l'accueil des enfants en très petite section, ni, enfin, que des postes d'enseignant soient supprimés dans des communes qui ont investi dans leurs locaux scolaires.
M. Pierre Cordier. Pourtant, c'est de l'argent public.
M. Vincent Descoeur. Les services de l'éducation nationale justifient ce projet en faisant valoir que le taux d'encadrement par élève reste confortable si on le rapporte à la moyenne nationale. Cependant ce ratio n'est pas pertinent car il ignore les réalités des territoires ruraux.
Conjuguées aux mesures prises l'an dernier – dix postes déjà supprimés à la rentrée 2023 –, celles prévues cette année viennent annuler les bénéfices des conventions pour un aménagement du territoire scolaire signées en 2014 avec le ministère. Celles-ci avaient permis de limiter le nombre de suppressions de postes d'enseignants au vu des exigences du maillage territorial et des limites du regroupement en réseaux des écoles rurales.
Vous en conviendrez, ces nouvelles mesures constituent un changement radical de politique qui contraste singulièrement avec le discours du Premier ministre selon lequel l'éducation serait la priorité du Gouvernement.
Enfin, ces diminutions de moyens sont d'autant plus mal vécues et difficilement comprises que le budget de l'éducation nationale s'affiche à la hausse.
Pour toutes ces raisons, je demande à Mme la ministre – vous lui transmettrez mon message – de reconsidérer ce projet de carte scolaire s'agissant du Cantal. J'aimerais également savoir quelle suite le Gouvernement envisage de donner à la proposition de résolution, déposée avec mon collègue Fabrice Brun, député de l'Ardèche, et cosignée par de nombreux collègues, l'invitant à mettre en œuvre un moratoire sur les fermetures de classes en zone rurale.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention. Je vous remercie pour cette question importante qui rejoint celle de votre collègue Meunier, à propos de la politique du ministère de l'éducation nationale en direction des territoires ruraux.
Voici les éléments de réponse que m'a transmis Mme Belloubet. Vous le savez – je l'expliquais à l'oratrice précédente –, la carte scolaire est le résultat d'un travail continu mené afin de s'adapter au mieux aux évolutions des effectifs scolaires, dans une logique d'équité entre les territoires.
Or, dans un contexte de baisse démographique dans le Cantal, avec 890 élèves de moins – près de 9,5 % – dans les écoles publiques du premier degré entre les rentrées 2017 et 2023, et malgré les évolutions récentes de la carte, nous pouvons tout de même nous réjouir du fait que le taux d'encadrement de votre département, qui est déjà l'un des meilleurs du pays, devrait rester stable – il est passé de 7,44 à la rentrée 2017 à 7,88 à la rentrée 2023. Ces chiffres, qui vous paraissent sans doute abstraits, témoignent d'une consolidation, voire d'un léger renforcement du taux d'encadrement, lequel se situe à un niveau plus favorable, de manière significative, que la moyenne nationale, qui s'élève à 6.
M. Pierre Cordier. Toujours les mêmes réponses…
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué . D'autre part, le nombre d'élèves par classe – 16,95 à la rentrée 2023 contre 17,46 en 2017 – est le plus bas de France après celui de la Lozère, se situant très au-dessous de la moyenne nationale, qui est de 21,47.
Toutefois, nous ne saurions nous satisfaire de cette situation, et c'est pourquoi des réponses adaptées aux territoires ruraux ont été élaborées au cours des dernières années – je les ai déjà évoquées mais je tiens à les citer de nouveau. Je pense notamment à l’allocation progressive des moyens, qui tient compte de l’indice d’éloignement, ou encore au dispositif des territoires éducatifs ruraux, au bénéfice des écoliers et des collégiens. Je me félicite d'ailleurs que le TER de votre département fonctionne extrêmement bien et qu'un nouveau TER soit même en projet, signe de la vitalité de votre département ainsi que de la mobilisation des acteurs.
Enfin, le ministère va labelliser, au bénéfice de la ruralité, 3 000 places supplémentaires en internat d'excellence. Ces places offriront une solution de proximité aux élèves et à leurs familles éloignés des centres urbains. Cinq établissements du Cantal se sont portés candidats dans le cadre de l'appel d'offres. Le Gouvernement a pleinement conscience que les modifications de la carte scolaire sont un sujet sensible, en particulier dans les territoires ruraux, et met tout en œuvre pour garantir à chaque élève les meilleures conditions d'enseignement possible, quel que soit le territoire où il réside.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Descoeur.
M. Vincent Descoeur. Monsieur le ministre, je suis au regret de vous dire qu'une telle réponse n'est pas de nature à rassurer ni à satisfaire les parents d'élèves et les élus de mon département.
M. Pierre Cordier. Certainement pas !
M. Vincent Descoeur. Je ne peux que déplorer qu'il y ait un fossé entre les directives du ministère appliquées sur le terrain et le discours du Premier ministre.
M. Pierre Cordier. C'est clair !
M. Vincent Descoeur. Je constate que, dans les territoires urbains, on dédouble les classes pour faciliter les apprentissages essentiels, ce qui est une excellente chose, alors même que dans les territoires ruraux, l'on réinvente les classes à deux niveaux,…
M. Pierre Cordier. Voire à trois niveaux !
M. Vincent Descoeur. …ce qui n'est pas synonyme de confort pour les élèves ni pour les enseignants. Voilà qui s'apparente, à s'y méprendre, à une école à deux vitesses !
M. Pierre Cordier. Très juste !
Auteur : M. Vincent Descoeur
Type de question : Question orale
Rubrique : Enseignement
Ministère interrogé : Éducation et jeunesse
Ministère répondant : Éducation et jeunesse
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 27 février 2024