Question orale n° 620 :
Carte scolaire pour la rentrée 2024

16e Législature

Question de : Mme Isabelle Valentin
Haute-Loire (1re circonscription) - Les Républicains

Mme Isabelle Valentin interroge Mme la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur les conséquences dramatiques portées par la nouvelle carte scolaire pour la rentrée 2024. En effet, alors que le niveau des enfants est de plus en plus faible, que beaucoup rentrent en sixième sans maîtriser le français et les mathématiques et que la France chute au classement PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves), il aurait été pertinent de profiter de cette baisse d'effectifs annoncée pour remettre à niveau les fondamentaux. Cependant, l'évaluation des besoins pour la rentrée 2024 se fonde sur une interprétation totalement éloignée de la réalité : les calculs effectués par les directeurs d'école en janvier 2024 le prouvent, puisqu'ils ne correspondent en rien aux chiffres de l'inspection académique. De fait, des classes fermeront en Haute-Loire avec pour conséquence directe une augmentation des effectifs par classe et donc l'abaissement du niveau scolaire des enfants directement touchés par cette mesure inique. Elle aimerait par conséquent savoir comment sont effectués les calculs erronés du ministère et quelles mesures seront prises pour adapter en conséquence la carte scolaire pour la rentrée 2024.

Réponse en séance, et publiée le 6 mars 2024

CARTE SCOLAIRE DE LA RENTRÉE 2024
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Descoeur, suppléant Mme Isabelle Valentin, pour exposer sa question, n°  620, relative à la carte scolaire de la rentrée 2024.

M. Vincent Descoeur, suppléant Mme Isabelle Valentin. Je vous prie d'excuser l'absence de ma collègue et je vais vous donner lecture de la question qu'elle adresse à Mme la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

« L'accès à l'éducation dans l'enseignement du premier degré est menacé en Haute-Loire. C'est en tout cas le constat que font de nombreux syndicats de mon département, qui tentent d'alerter l'inspection académique à ce sujet. Saint-Étienne-Lardeyrol, Le Puy-en-Velay, Les Estables, Saint-Jeures et bien d'autres encore vont subir, à la rentrée 2024, une perte d'enseignants, voire la fermeture d'une classe, du fait d'une carte scolaire tout à fait inadaptée.

M. Pierre Cordier. Comme dans le Cantal !

M. Vincent Descoeur. « Les syndicats l'ont clairement montré. Alors qu'il y a une carence de 210 élèves en Haute-Loire selon les chiffres du ministère, les analyses de terrain effectuées par les directeurs d'école révèlent l'exact inverse. En somme, la carte scolaire pour la rentrée 2024 conduira à la fermeture de onze classes pour une seule ouverture. Ce n'est pas possible !

M. Pierre Cordier. Scandaleux !

M. Vincent Descoeur. « Face à des estimations complètement improbables, les partenaires sociaux se mobilisent et affirment clairement leur opposition à cette carte scolaire ; les parents d'élèves et leurs familles manifestent pour soutenir le maintien d'un modèle scolaire qui fonctionnait bien jusqu'ici puisque, de l'aveu même des directeurs de collège, les élèves arrivent dans le second degré avec un bon niveau, une bonne autonomie et un comportement tout à fait sérieux. Fermer autant de classes aurait pour seule conséquence de fragiliser cet édifice éducatif pourtant efficace et de remettre en cause toute l'organisation nécessaire pour le transport des élèves, puisqu'il s'agit de zones rurales qui n'ont pas d'école dans chaque commune.

M. Pierre Cordier. Sans parler des temps de transport !

M. Vincent Descoeur. « Même lorsqu'il s'agit de la suppression d'un demi-poste, les conséquences peuvent être dramatiques !

« Les élèves entrant en sixième sont de plus en plus nombreux à ne pas maîtriser le français et les mathématiques, et la carence en enseignants leur sera préjudiciable. Vouloir alléger les classes du second degré est une bonne chose, mais c'est totalement inefficace si les cours élémentaires sont surchargés. Un mauvais bilan en CP est en effet synonyme d'une scolarité affaiblie. Il est donc fondamental de fournir les efforts nécessaires pour assurer un enseignement de qualité.

« Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il afin de préserver l'équité de traitement dans l'éducation nationale et de donner une chance à tous ? »

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention. Monsieur le député, je vous transmets les éléments que m'a communiqués Mme la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

La carte scolaire est le résultat d'un travail continu pour s'adapter au mieux aux évolutions des effectifs scolaires département par département, c'est-à-dire avec les acteurs de terrain. Son élaboration se fait en concertation avec les élus et avec les forces vives de chaque territoire, notamment la communauté éducative. Le ministère travaille à améliorer cette concertation, dont la qualité a pu varier selon les départements et selon les périodes, il faut bien le reconnaître. Il est en effet essentiel que chaque territoire puisse exprimer ses priorités ainsi que ses enjeux propres, et disposer de visibilité dans le temps. Je pense que vous serez sensible, comme Mme Valentin, à notre volonté d'une approche beaucoup plus ancrée, calée sur les besoins du terrain, plutôt qu'uniquement nationale, depuis Paris. L'objectif commun demeure bien sûr toujours d'assurer à tous les élèves un enseignement et un environnement scolaires de qualité.

Concernant le département de Mme Valentin, la Haute-Loire, le taux d'encadrement, mesuré par le ratio P/E, c'est-à-dire le nombre de postes, en équivalents temps plein, pour 100 élèves, ratio qui permet de comparer la situation d'un département à l'autre – je l'ai cité dans mes réponses aux orateurs précédents –,…

M. Pierre Cordier. Ce ratio n'est pas pertinent !

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué . …est passé de 5,93 à la rentrée 2017 à 6,39 à la rentrée 2023, bien au-dessus de la moyenne nationale, qui est de 6 ; il restera stable à la prochaine rentrée, et cela malgré une baisse démographique importante : 1 363 élèves en moins, soit une diminution de 9,5 %, dans les écoles publiques du premier degré entre 2017 et 2023.

Quant au nombre d'élèves par classe, il était de 20,9 à la rentrée 2023, chiffre significativement plus favorable que la moyenne nationale, qui est de 21,5. Ce nombre a nettement diminué depuis la rentrée 2017 : il était alors de 21,6. Voilà des réalités et des évolutions qu'il faut évidemment prendre en compte.

M. Pierre Cordier. Ce sont des moyennes tout ça – et les moyennes, cela ne veut rien dire !

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué . Le ministère veille à ce que tous les élèves, quel que soit leur territoire, bénéficient toujours du meilleur accompagnement possible, en s'adaptant au plus près des réalités. Le Gouvernement est pleinement mobilisé au service de cette ambition et Mme la ministre espère que Mme Valentin en a conscience.

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Descoeur, suppléant Mme Isabelle Valentin.

M. Vincent Descoeur, suppléant Mme Isabelle Valentin. Je transmettrai bien évidemment ces éléments de réponse à Mme Valentin, mais je ne suis pas sûr qu'elle soit plus rassurée que je ne l'ai été il y a quelques instants. Je voudrais redire ici que le taux d'encadrement n'est pas un ratio pertinent dans des départements peu peuplés, avec des temps de transport des élèves qui dépassent l'entendement : parfois plus d'une heure trente au quotidien !

M. Pierre Cordier. Dans les Ardennes, c'est pareil !

M. Vincent Descoeur. Il importe de changer de méthode. On ne peut plus se satisfaire d'une approche purement comptable qui masque des réalités terribles. Un moratoire sur les fermetures de classes, moratoire que plusieurs collègues et moi proposons, permettrait de trouver le temps nécessaire pour construire de nouveaux indicateurs qui répondent réellement aux besoins de ces enfants qui méritent autant que les autres un encadrement de qualité.

M. Pierre Cordier. Il faut absolument sortir du culte des chiffres !

Données clés

Auteur : Mme Isabelle Valentin

Type de question : Question orale

Rubrique : Enseignement

Ministère interrogé : Éducation et jeunesse

Ministère répondant : Éducation et jeunesse

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 27 février 2024

partager