Recherche publique nécessaire quant à la vie des animaux liminaires en ville.
Question de :
M. Gabriel Amard
Rhône (6e circonscription) - La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale
M. Gabriel Amard interroge Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, en appui aux travaux de l'association PAZ, sur la recherche publique et les méthodes non létales dans le cadre de la gestion des animaux liminaires. Les animaux liminaires sont les animaux adaptés aux environnements anthropisés et particulièrement aux environnements urbains. Ces animaux sont souvent déconsidérés et méconnus. Parce que leur habitat a été profondément modifié par l'urbanisation et notre mode de vie, les animaux qui vivent dans les villes se distinguent des animaux sauvages ou domestiques. Pigeons, rats, lapins, les animaux liminaires sont nombreux à cohabiter avec nous. Malheureusement, ils sont souvent déconsidérés et fréquemment victimes de campagnes d'éradication alors même que les collectivités sont nombreuses à faire la promotion de la nature en ville. L'urbanisation galopante accroit le nombre d'animaux liminaires et met davantage en exergue les méthodes violentes utilisées pour limiter ces populations. La prise de conscience collective autour de la souffrance animale amène de nombreux élus municipaux à chercher des alternatives aux méthodes létales habituellement utilisées (empoisonnement, gazage, capture, piégeage, tirs par arme à feu etc.). À l'initiative de l'association PAZ spécialiste de cette question, l'Obs a publié une tribune regroupant plus de 40 élus municipaux délégués à la condition animale. Le texte encourage la recherche à développer des méthodes non létales pour limiter les populations de certains animaux liminaires afin de donner aux villes les moyens de cohabiter pacifiquement avec ces animaux. En soutien de cette initiative il demande à la ministre de la recherche quelles mesures envisage-t-elle de mettre en place pour soutenir activement la recherche à travailler sur les méthodes non létales à la fois éthiques et efficaces dans la gestion des animaux liminaires.
Réponse publiée le 11 octobre 2022
La problématique des animaux liminaires est un sujet qui ne doit pas être négligé et qui soulève des enjeux sociétaux importants, mêlant : - d'une part, des considérations d'hygiène et de santé publique (avec notamment la question du rôle direct ou indirect de l'animal dans certaines pathologies humaines et la question des nuisances visuelles et autres dégradations) ; - d'autre part, de recherches sur les questions d'écologie des populations animales urbaines, études des comportements, impacts sur les démographies des populations ou question éthique de la coexistence homme nature et le partage des territoires, le maintien de la biodiversité en ville qui peut avoir par ailleurs une dimension historique et touristique (pigeons de la place Saint-Marc à Venise par exemple). Ce sont des corollaires indispensables aux méthodes de gestion des animaux « sauvages » dans les villes, et questionnements sur l'éthique et le bien-être animal (remise en cause, notamment, des pratiques d'éradication). En sus d'actions simples qui peuvent répondre à un éventuel problème de gestion des populations animales urbaines comme le fait de limiter les sources de nourriture (pas uniquement en interdisant le nourrissage, mais en organisant également les ramassages de poubelles, en nettoyant les trottoirs, etc.), s'interroger sur la place de ces animaux dans les espaces urbains appelle différents travaux de recherche, y compris des développements en sciences fondamentales, et nécessite la mise en place de projets interdisciplinaires afin d'aborder la question dans toutes ses dimensions. Sur les questions de cohabitation, il convient de citer les travaux de l'équipe écologie, aménagement et biodiversité en milieu urbain, au Centre d'écologie et des sciences de la conservation (CESCO), qui développe des projets de recherche-action pour répondre à une importante demande sociétale de connaissance et de gestion de la biodiversité en milieu urbain. Par exemple, la place du pigeon en ville fait depuis plus de 10 ans l'objet de travaux réunissant écologues et chercheurs en sciences humaines et sociales ainsi que le monde associatif dans un programme de recherche interdisciplinaire et interprofessionnel intitulé « Le pigeon en ville : écologie de la réconciliation et gestion de la nature » (CNRS, MNHN, universités). Ce programme, qui a reçu le soutien de collectivités locales et de l'ANR, vise à mieux comprendre les interactions entre les pigeons et les citadins afin de proposer des pistes de réflexion sur la gestion des populations de pigeons aux collectivités locales. Notons que le pigeon est également un modèle animal permettant d'étudier les effets de la pollution en milieu urbain via des études d'éco-toxicologie mettant par exemple en évidence des modifications des capacités cognitives et/ou reproductives en présence de contaminants (travaux de l'IEES-Paris). Sur les questions de zoonose, INRAE travaille par exemple sur les populations de rongeurs en espace urbain (notamment espaces verts) en lien avec des problématiques One Health et zoonoses (citons le projet Biodiversa BioRodDis). Enfin, au-delà, des animaux qui, tels les pigeons et rats, accompagnent depuis toujours les humains dans les villes, la question d'utiliser l'espace urbain pour permettre de renforcer des populations animales menacées en zone rurale peut également se poser. Dans ce registre, on peut citer les travaux sur le grand hamster qui ont fait l'objet d'un projet européen regroupant le CNRS et divers acteurs notamment la région Grand Est (projet LIFE ALISTER). Ces travaux montrent que la préservation de la biodiversité endémique en milieu urbain ou péri-urbain, au-delà des résultats scientifiques, nécessite de poser la question des aménagements de l'espace urbain (en jouant par exemple sur l'éclairage nocturne, les pratiques d'entretien des espaces verts, la sécurisation de certains aménagements comme les grilles d'évacuation des eaux, les modalités de gestion des déchets, etc.), mais aussi de la gestion des populations d'animaux dits « de compagnie », dont les populations de chats, des espèces invasives, comme la perruche à collier, et enfin de l'accueil des citadins à ces nouveaux habitants. Ces quelques exemples, non exhaustifs, illustrent le fait que de nombreuses UMR d'écologie abordent actuellement le sujet de la biodiversité urbaine. Plusieurs l'identifient clairement dans leurs axes de recherche avec différents modèles animaux, relevant soit de la catégorie des espèces dont la présence est appréhendée comme positive, car estimée se trouver au service des citadins (abeilles, etc.), soit des animaux majoritairement appréhendés comme nuisibles (rats, pigeons, cafards, etc.). Les sujets de recherche associés aux animaux liminaires s'intègrent tout à fait dans le domaine « sciences de l'environnement » de l'ANR, en particulier « Terre vivante » et « Dynamique des socio-écosystèmes et de leurs composants en vue de leur gestion durable », mais aussi dans le domaine « Sciences humaines et sociales ». Il ne fait nul doute que les équipes de recherche qui s'intéressent à ce sujet, et aux relations homme-nature dans un contexte One Health, pourront bénéficier de cette dynamique positive.
Auteur : M. Gabriel Amard
Type de question : Question écrite
Rubrique : Animaux
Ministère interrogé : Enseignement supérieur et recherche
Ministère répondant : Enseignement supérieur et recherche
Dates :
Question publiée le 9 août 2022
Réponse publiée le 11 octobre 2022