16ème législature

Question N° 621
de M. Vincent Rolland (Les Républicains - Savoie )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Industrie et énergie
Ministère attributaire > Industrie et énergie

Rubrique > énergie et carburants

Titre > Stratégie énergétique pour les industriels et les Français

Question publiée au JO le : 27/02/2024
Réponse publiée au JO le : 06/03/2024 page : 1472

Texte de la question

M. Vincent Rolland interroge M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie, sur le manque de visibilité de la politique énergétique française pour les industriels et les Français. Depuis les années 1960, la France permet aux Français et à ses industriels de bénéficier d'une politique énergétique bas carbone et peu chère, avec comme socle un mix électrique performant qui allie énergie nucléaire et hydroélectricité. Un avantage considérable pour le pays qui, pourtant, n'a eu de cesse d'être fragilisé depuis une dizaine d'années. D'une part, car l'avenir des barrages hydroélectriques suscite diverses spéculations quant à leur mise en concurrence et leur futur mode de gestion. Un enjeu de souveraineté qui doit faire l'objet d'un débat clair devant la représentation nationale. Tout comme l'augmentation des autorisations de puissance doit être concrétisée rapidement pour faire face aux enjeux énergétiques du pays. La première version du projet de loi relatif à la souveraineté énergétique n'offre pas toutes les garanties nécessaires, notamment pour les communes dont la redevance perçue doit être assurée. La mise en conformité au droit européen du régime de ces concessions hydroélectriques doit enfin assurer aux Français qu'elles resteront sous pavillon tricolore. D'autre part, avec la fin du mécanisme de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH) au 1er janvier 2025, les industriels français ne bénéficient, à la mi-février 2024, d'aucune mesure satisfaisante pour assurer la soutenabilité de leurs productions. Les industriels hyperélectrointensifs, dont l'électricité représente une part majeure des coûts de production, ne peuvent s'engager sur le moyen ou long terme. Le récent accord trouvé entre l'État et EDF n'offre aucune garantie sur l'après ARENH pour ces entreprises. C'est la raison pour laquelle, il demande au Gouvernement de s'engager clairement en faveur de la souveraineté énergétique française, en présentant rapidement un projet de loi complet permettant de répondre aux inquiétudes sur les concessions hydroélectriques ainsi que sur les contrats prix qui seront proposés aux industriels.

Texte de la réponse

STRATÉGIE ÉNERGÉTIQUE


Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Rolland, pour exposer sa question, n°  621, relative à la stratégie énergétique.

M. Vincent Rolland. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué chargé de l'industrie et de l'énergie. Depuis les années 1960, la France permet aux Français et à ses industriels de bénéficier d'une énergie bas-carbone et peu chère, grâce à un mix électrique performant qui repose sur un socle alliant énergie nucléaire et hydroélectricité. Or, depuis une dizaine d'années, cet avantage considérable s'est nettement effrité.

D'une part, l'avenir de nos barrages hydroélectriques fait l'objet de diverses spéculations, notamment quant à l'éventuelle mise en concurrence de ceux dont la concession est échue ou se terminera prochainement. Il s'agit d'un enjeu de souveraineté, qui doit faire l'objet d'un débat clair devant la représentation nationale. En outre, les autorisations d'augmentation de puissance doivent être délivrées rapidement pour que l'on puisse faire face aux besoins énergétiques du pays. La première version du projet de loi relatif à la souveraineté énergétique n'offre pas toutes les garanties nécessaires. À l'occasion de la mise en conformité au droit européen du régime des concessions hydroélectriques, il convient d'assurer aux Français que ces concessions resteront sous pavillon tricolore.

D'autre part, le dispositif de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) prendra fin le 1er janvier prochain. À compter de cette date, les industriels français ne bénéficieront plus d'aucune mesure satisfaisante pour assurer la soutenabilité de leur production. De ce fait, les industriels hyper-électro-intensifs – ceux pour lesquels l'électricité représente une part majeure des coûts de production – ne peuvent plus prendre d'engagements à moyen ou à long terme. L'accord trouvé récemment entre l'État et EDF n'offre à ces entreprises aucune garantie concernant l'après-Arenh.

J'invite donc le Gouvernement à s'engager clairement en faveur de la souveraineté énergétique de la France en présentant rapidement un projet de loi complet qui réponde aux inquiétudes concernant les concessions hydroélectriques et les prix contractuels qui seront proposés aux industriels.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée du numérique.

Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État chargée du numérique. Je vous prie d'excuser l'absence de mon collègue Roland Lescure et vous remercie pour votre question. Je connais votre engagement de longue date à ce sujet, particulièrement prégnant dans la vallée où vous êtes élu.

Le Gouvernement prête une grande attention à l'énergie hydroélectrique et à son développement. Renouvelable et pilotable, cette énergie représente en moyenne plus de 10 % du mix électrique français, et jusqu'à 20 %, voire 25 %, lors des pics de consommation d'électricité. (M. Vincent Rolland acquiesce.) C'est dire si le sujet est crucial. C'est pourquoi le Gouvernement est pleinement engagé dans la résolution du précontentieux européen relatif aux concessions hydrauliques, en vue de libérer les investissements dans ce secteur, notamment pour favoriser les augmentations de puissance. Naturellement, le Gouvernement prend en compte les enjeux de toute nature, y compris ceux qui ont trait aux redevances perçues.

J'en viens à la fin, le 1er janvier 2025, du mécanisme de l'Arenh. En novembre dernier, vous l'avez dit, un accord a été trouvé avec EDF, qui vise un triple objectif : permettre à EDF de dégager les moyens de financer les investissements futurs, stabiliser les prix de l'électricité pour les consommateurs et préserver la compétitivité de l'industrie française. EDF a d'ailleurs signé tout récemment un contrat de dix ans avec l'un des industriels électro-intensifs de votre territoire.

Il pourrait être nécessaire de légiférer pour tenir compte de l'issue du précontentieux européen relatif aux concessions hydrauliques ou pour mettre en œuvre la nouvelle régulation de l'électricité nucléaire historique. Vous avez mentionné le projet de loi relatif à la souveraineté énergétique. En raison de l'importance des sujets afférents, nous avons fait le choix de prolonger les échanges portant sur ce texte. Nous veillerons bien évidemment à informer la représentation nationale, de manière cohérente avec les nouvelles orientations qui seront retenues pour défendre au mieux les intérêts de la France.

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Rolland.

M. Vincent Rolland. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Je ne voudrais pas en retenir que tout ce qu'il y a de sûr, c'est qu'il n'y a rien de certain ! Peut-être faut-il passer d'un régime de concession à un régime d'autorisation, comme il en existe un pour les microcentrales, dont la puissance est inférieure à celles des barrages. En tout cas, il faut absolument graver dans la loi que les concessions hydroélectriques resteront sous pavillon français. C'est indispensable, sachant que les crises énergétiques vont sans doute se multiplier.

Vous avez mentionné l'accord entre l'État et EDF. Or de nombreux industriels hyper-électro-intensifs m'indiquent que les conditions de discussion avec l'énergéticien ne sont pas satisfaisantes, ce qui fragilise leur viabilité économique à moyen ou à long terme. Il faut traiter le fond du problème en ayant cet élément à l'esprit.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État. Tout ce qu'il y a de sûr, c'est qu'il n'y a rien de certain, dites-vous. Je rappelle néanmoins que même en cas de changement de concessionnaire, c'est l'État qui reste propriétaire des ouvrages hydroélectriques. Il n'y a donc aucun risque, à ce stade, de voir nos actifs stratégiques passer sous pavillon étranger.

Je ferai part à Roland Lescure de votre préoccupation concernant les conditions de discussion entre les industriels et leur fournisseur d'électricité.