16ème législature

Question N° 6258
de M. Didier Le Gac (Renaissance - Finistère )
Question écrite
Ministère interrogé > Transition énergétique
Ministère attributaire > Transition énergétique

Rubrique > énergie et carburants

Titre > Interdiction envisagée de la pose de chaudières à gaz dans les logements

Question publiée au JO le : 14/03/2023 page : 2366
Réponse publiée au JO le : 18/04/2023 page : 3714

Texte de la question

M. Didier Le Gac appelle l'attention de Mme la ministre de la transition énergétique sur l'interdiction envisagée de la chaudière à gaz dans le secteur du bâtiment. La direction générale de l'énergie et du climat a informé plusieurs acteurs majeurs du secteur énergétique qu'une réflexion était en cours au sein des services ministériels sur la mise en œuvre d'une interdiction d'installation de nouvelles chaudières fonctionnant au gaz dans les logements et, notamment, les maisons individuelles. Après l'interdiction de la pose de chaudières fonctionnant au fioul domestique depuis juillet 2022, l'exclusion des chaudières au gaz réduirait encore le bouquet de solutions à disposition des ménages. Le gaz alimente en effet 40 % des foyers du pays, soit près de 12 millions de ménages. Une telle mesure générerait de nombreux effets négatifs. Une solution électrique de type PAC comme les pompes à chaleur coûtant plusieurs milliers d'euros de plus qu'une chaudière gaz performante avec une durée de vie moindre et des coûts de maintenance mal maîtrisés, beaucoup de ménages modestes, faute de moyens financiers suffisants, se reporteraient non pas vers des appareils plus efficaces mais vers de simples convecteurs électriques à effet Joule. Par ailleurs, les chaudières à gaz sont aujourd'hui majoritairement produites en France et en Europe tandis que la plupart des composants des pompes à chaleur sont d'origine asiatiques. On peut donc s'interroger légitimement sur un choix qui mettrait à mal la production nationale et européenne au profit de produits extra-communautaires importés depuis des pays ne respectant pas nos normes sociales pas plus que les normes environnementales françaises. Un tel choix risquerait également de mettre en tension de manière critique le système électrique du pays, notamment durant les périodes de froid. Ainsi, sur le seul secteur de la maison individuelle, l'abandon des chaudières entraînerait une pointe de 15 GW supplémentaire. Cette sollicitation extrême du réseau électrique serait à même de fragiliser la souveraineté énergétique de la France. Un tel modèle n'aurait en outre pas d'impact majeur positif en matière de transition écologique dès lors que le report d'appareillage se ferait vers des convecteurs électriques à effet Joule et que les chaudières fonctionnant aujourd'hui au gaz naturel pourraient être - dès lors que le pays s'en donnerait les moyens - alimentées en « gaz verts ». Dans ces conditions, compte tenu des effets d'un tel projet qui s'avérerait contre-productifs en matière énergétique, faible ou nul en matière d'impact sur l'environnement et mauvais en matière de lutte contre les inégalités sociales et territoriales, il lui demande quelles sont les intentions du Gouvernement en la matière et très précisément et très clairement sur les modalités et délais de cette possible interdiction d'installation fonctionnant au gaz.

Texte de la réponse

Depuis le 1er juillet 2022, les équipements neufs installés pour le chauffage ou la production d'eau chaude sanitaire dans les bâtiments d'habitation ou à usage professionnel, neufs ou existants, doivent respecter un plafond d'émissions de gaz à effet de serre. Peuvent ainsi continuer à être installés dans les bâtiments, les nouveaux équipements alimentés par de l'électricité tels que les pompes à chaleur, y compris hybrides, de la biomasse, de l'énergie solaire ou géothermique, du gaz, dès lors qu'ils respecteront le plafond d'émission fixé par le décret relatif au résultat minimal de performance environnementale des équipements de chauffage et de production d'eau chaude sanitaire. Les bâtiments peuvent également être raccordés à des réseaux de chaleur. Par ailleurs, le projet de réglementation environnementale 2020, dit « RE2020 », constitue une avancée environnementale importante en excluant les chaudières gaz des bâtiments neufs depuis 2022 en maison individuelle et à partir de 2025 en logement collectif. Toutes les solutions gaz ne sont pas exclues : des solutions hybrides de type pompe à chaleur hybride au gaz (au besoin couplées à des panneaux solaires thermiques) pourront passer les seuils d'émission de gaz à effet de serre de la RE2020 si elles sont performantes. Les exigences incluses dans la RE2020 sont cohérentes avec la stratégie nationale bas carbone (SNBC), en particulier en ce qui concerne la décarbonation de la chaleur dans les bâtiments. La trajectoire sur laquelle s'appuie la SNBC se base sur une part de logements chauffés au gaz en 2050 inférieure à 15% pour atteindre la neutralité carbone. En effet le potentiel de production de gaz totalement décarboné est limité et doit être utilisé à bon escient et en priorité vers les secteurs où le gaz est peu substituable. Aussi l'exclusion du gaz et autres énergies carbonées n'induirait pas un développement excessif du chauffage électrique. En effet la RE2020 prévoit aussi de contraindre fortement la consommation d'énergie primaire non renouvelable, ce qui empêche l'utilisation de systèmes électriques peu performants (radiateurs électriques) au profit de systèmes plus vertueux tels que les pompes à chaleur, les chaudières biomasse, les réseaux de chaleur urbain (les réseaux de chaleur français sont alimentés à plus de 60 % par des énergies renouvelables, chiffre en constante croissance), les panneaux solaires thermiques, la géothermie. Dans les bâtiments existants, le Gouvernement encourage également le remplacement des systèmes de chauffage fossiles par des équipements de chauffage renouvelable, comme les pompes à chaleur aérothermiques ou géothermiques ou les chauffages au bois performants, là où c'est techniquement possible. Le Gouvernement accompagne le secteur du bâtiment dans sa transition énergétique par la réglementation et les aides aux ménages et aux professionnels, et accorde une attention particulière aux ménages modestes ou en situation de précarité énergétique via des aides à la rénovation renforcées (coup de pouce chauffage CEE et aide MaPrimeRénov'). En ce qui concerne les aspects de souveraineté énergétique et industrielle si une part importante des chaudières à gaz est fabriquée en France, il faut rappeler que d'une part tout le gaz fossile est importé et que d'autre part, la France dispose déjà d'un tissu industriel conséquent dans le domaine des chauffages décarbonés, dont les chaudières biomasse mais aussi les pompes à chaleur. De plus le Gouvernement travaille en lien avec les acteurs de la filière pompes à chaleur pour renforcer notre capacité industrielle dans ce secteur pour les années à venir. Le Gouvernement travaille également au développement du biogaz pour injection dans le réseau, énergie renouvelable qui a atteint les objectifs fixés par la Programmation Pluriannuelle de l'Énergie. Il convient de rappeler les ordres de grandeur en jeu : nous avons consommé 450TWh de gaz en 2022 (dont les deux tiers pour chauffer des bâtiments) et nous avons actuellement une capacité d'injection dans le réseau de 10TWh de biogaz, avec un gisement global de biomasse qui sera limité et fortement sollicité par ailleurs, y compris par l'industrie de la biochimie ou pour décarboner des secteurs qui n'ont que peu d'alternatives comme l'aviation ou le maritime. Réduire notre consommation globale de gaz n'est donc pas incompatible avec un développement fort du biogaz, au service des secteurs et pour le cas où les alternatives au gaz sont limitées. Nous devons faire les deux afin de sortir au plus vite des énergies fossiles, décarbonner notre économie et renforcer notre souverainté énergétique. Enfin concernant une éventuelle interdiction progressive de la vente de chaudières gaz neuves, une telle décision ne pourrait s'envisager qu'après une concertation large et documentée avec les parties prenantes et dimensionnée précisément en tenant compte de l'ensemble des enjeux techniques et économiques associés, afin de ne laisser aucun ménage dans l'impasse et de donner suffisamment de visibilité aux professionnels.