Rubrique > politique extérieure
Titre > Paix au Somaliland
M. Hadrien Clouet alerte Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur le conflit armé en cours depuis début février 2023 dans la région de Las Anod. Située dans l'État non-reconnu du Somaliland, sa déstabilisation met en jeu tout l'équilibre entre puissances et le maintien de la paix dans la corne de l'Afrique, où les forces islamistes ont été vaincues dans les grandes villes, mais au prix d'un affaiblissement considérable de la plupart des autorités publiques, sous influence d'impérialismes étrangers. Colonie britannique, le Somaliland est le tout premier territoire de la Corne de l'Afrique à accéder à l'indépendance en juin 1960. Elle fusionne avec la Somalo Italiano au mois de juillet. Le souhait de revenir ultérieurement sur cette fusion conduit à une guerre civile sanglante, jusqu'en mai 1991, lorsque des responsables politiques somalilandais réunis à Burao proclament leur sécession. Depuis, le territoire du Somaliland revendique son indépendance vis-à-vis de la République fédérale de Somalie. Dans les faits, il s'autogouverne. Un gouvernement y exerce ses prérogatives, des élections législatives y ont lieu suivant un calendrier constitutionnel respecté, des médias contradictoires s'y confrontent et la population connaît un degré de paix civile sans équivalent régional. La croissance y est soutenue, avec une augmentation du PIB de 50 % en une quinzaine d'années. Les coopérations commerciales avec les pays voisins sont importantes, notamment sur le port de Berbera, passage stratégique dont le littoral jouxte le passage de la Mer rouge vers le Golfe d'Aden. Il s'agit du seul endroit au sein des frontières internationalement reconnues de la Somalie où une telle situation est observable. Néanmoins, la partie orientale du Somaliland connaît une explosion de violence qui va en s'intensifiant. Des assassinats ciblés ont lieu depuis plusieurs mois, notamment marqués par le meurtre d'Abdifatah Abdilahi Abdi, candidat aux élections législatives. Une recrudescence d'éléments proches des milices islamistes Shabaab est également signalée par les forces de sécurité des différents États impliqués dans la région. Suite à une déclaration de chefs coutumiers le 6 février 2023, par laquelle ils proclamaient leur rattachement à la République fédérale de Somalie au lieu du Somaliland, un affrontement ouvert s'est déclenché entre les partisans de chacun des deux États. Les cessez-le-feu successifs n'ont pas tenu plus de quelques heures. En un mois, 800 civils ont été victimes du conflit, dont au moins 210 tués. En dépit de la violence qui se déchaîne et de la dimension stratégique du territoire, la France demeure singulièrement absente, contrairement au Royaume-Uni, aux Émirats Arabes Unis et aux États-Unis d'Amérique mais aussi à la Belgique, la République populaire de Chine et Taïwan, qui ne reconnaissent pas pour autant l'indépendance du Somaliland. Pourtant, on est en capacité d'y porter une diplomatie de paix, étant présent à Djibouti. Et l'intervention française y est espérée. Les liens avec la France y sont en effet étroits. Outre l'engagement historique dans les deux guerres mondiales à ses côtés (le 1er bataillon de tirailleurs somalis de la Côte française des Somalis est l'une des formations les plus décorées), la francophonie est répandue au Somaliland. Environ 10 000 Somalilandais résident en France (même si un certain nombre ont été catégorisés comme Djiboutiens et Erythréens dans les années 1990). Une partie notable des ministres ou des responsables publics ont étudié en France. Par ailleurs, la proximité de Djibouti explique la diffusion du Français dans les esprits et sa réappropriation par un peuple anciennement soumis à une tutelle coloniale britannique. Aussi M. le député souhaite connaître les intentions de la ministre. Comment la France va-t-elle s'impliquer dans l'obtention d'un cessez-le-feu, du retour à la paix et de l'éviction des impérialismes étrangers prêts à se répartir l'espace régional ? Quelle médiation propose-t-elle ? Plus généralement, il lui de mande quelles coopérations la France envisage vis-à-vis des autorités somalilandaises, alors que les besoins sont immenses en matière de crédit (notamment d'obtention d'une licence SWIFT), d'échanges de technologies (notamment énergétiques et portuaires), de formation (universitaire ou technique) et de promotion de la francophonie.