Fermeture de classes
Question de :
Mme Cécile Untermaier
Saône-et-Loire (4e circonscription) - Socialistes et apparentés
Mme Cécile Untermaier attire l'attention de Mme la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur la fermeture de classes. Après 48 classes et 20 postes d'enseignants supprimés en Saône-et-Loire en 2023, la carte scolaire pour la rentrée 2024 prévoit à nouveau 47 suppressions de classes (maternelle et école primaire) et 24 d'enseignants. Chaque année, le système scolaire est perturbé dans l'ensemble des territoires, provoquant l'incompréhension, voire la colère des maires et des parents d'élèves. L'intérêt de l'enfant et la considération du métier d'enseignant appellent à revoir cette politique comptable qui revient chaque année. Au classement PISA 2023 qui évalue les élèves de 15 ans, la France est 23ème. En France, en 2019, le nombre d'enfants par enseignant s'élevait à 23, soit 8 enfants de plus que dans la moyenne des pays de l'OCDE. L'étude sur la mobilité sociale des jeunes menée dans le cadre du Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) démontre le rôle fondamental de l'école et relativise les dispositifs dédiés à la jeunesse. La décision du président de la République en 2019 de laisser au maire le choix de fermer ou non l'école de sa commune a été accueillie avec soulagement. Il faut aller plus loin et raisonner désormais en fermeture ou non de classes. Aussi, elle lui demande s'il faut laisser aux autorités locales, qui engagent des crédits importants et doivent rendre compte de cet usage aux parents et enfants de la commune, la responsabilité jusqu'à un certain seuil de décider ou non de la fermeture d'une classe et si elle accepterait une expérimentation en ce sens, abaissant le seuil à 17 enfants par classe, seuil en-deçà duquel l'État pourrait reprendre la main.
Réponse en séance, et publiée le 6 mars 2024
FERMETURE DE CLASSES
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour exposer sa question, n° 635, relative à la fermeture de classes.
Mme Cécile Untermaier. Au préalable, je tiens à dire qu'un ratio ne peut définir une politique. Celle-ci relève d'abord du ressenti, qui est très négatif actuellement dans nos territoires parce que les fermetures de classe sont massives. On en avait connu autrefois et l'on en connaît à nouveau énormément, à un point tel que les maires sont démobilisés s'agissant des questions de l'école. Je pense qu'après le grand débat, qui incitait tous les maires à discuter sur ce type de sujets, faire un sort pareil à ceux d'entre eux qui se sont engagés pour construire des écoles en ne leur permettant pas de dire un mot à propos d'une fermeture de classe me paraît pour le moins compliqué. Je rejoins ce qui a été dit précédemment : nous sommes dans un système qui a atteint ses limites.
M. Pierre Cordier. Exactement !
Mme Cécile Untermaier. Nous devons absolument trouver d'autres solutions en profitant de la démographie descendante pour investir dans la jeunesse afin que celle-ci dispose de classes moins peuplées, contrairement à ce qui se fait aujourd'hui. Ce sera vertueux pour les enfants ainsi que pour les enseignants, que le ministère peine d'ailleurs à recruter en raison de la façon dont ceux-ci doivent travailler, changeant d'école régulièrement tout en devant bien sûr accueillir des enfants en difficulté.
M. Pierre Cordier. De plus en plus en difficulté !
Mme Cécile Untermaier. La situation n'est plus du tout celle qu'ils ont connue par le passé.
Dans ma circonscription, des écoles ferment et les maires sont consternés – c'est le cas à Brienne, à Nanton, à Sainte-Croix, à Savigny-en-Revermont, à Sornay, à Beaurepaire-en-Bresse, à Saint-Germain-du-Bois, à Louhans-Châteaurenaud, à La Frette et dans d'autres communes encore. Ces maires ont tout fait pour offrir un lieu d'accueil formidable, mobilisant des crédits, convainquant leurs contribuables et leur conseil municipal, consacrant du temps à construire des dossiers de demande de subventions. Ils ont obtenu des financements au titre de la DETR, la dotation d'équipement des territoires ruraux, ainsi que des crédits de la région pour leur cantine, tout cela pour se heurter finalement à une politique comptable qui leur est imposée en mars et qu'ils devront justifier en juin.
L'enquête Pisa – le programme international pour le suivi des acquis des élèves –, dresse un bilan extrêmement négatif pour la France puisqu'on compte dans les classes de notre pays en moyenne huit élèves de plus que dans les classes des autres pays de l'OCDE – Organisation de coopération et de développement économiques. Il faudrait en tirer les leçons pour remettre en cause la manière comptable de voir les choses.
M. Vincent Descoeur. Très juste !
Mme Cécile Untermaier. Nous sommes plusieurs à considérer que le seuil doit être abaissé à dix-sept élèves par classe, sans que cela justifie de continuer à demander au directeur académique de perdre son temps à pratiquer une gymnastique comptable qui ne convainc personne…
M. Pierre Cordier. Exactement !
Mme Cécile Untermaier. …et qui ne correspond pas à l'enjeu que représente pour nous l'éducation nationale.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention. Je vous remercie pour votre question, qui rejoint les deux précédentes. Je vais vous transmettre les éléments de réponse que m'a communiqués Mme la ministre de l'éducation nationale mais, au préalable, je récuse le terme d'approche « comptable ». La volonté de déconcentrer la décision en ouvrant une concertation avec les élus locaux et avec les communautés éducatives permet de tenir compte de la réalité de chacun des territoires et de tourner la page de politiques de l'éducation qui, pendant de très longues années, ont été pensées, conçues et arrêtées depuis Paris, sans guère de discussions dans les territoires. On pouvait sans doute alors parler d'approche comptable parce que c'était en effet l'application sèche de ratios qui l'emportait sur le reste.
Toutefois, on ne peut pas méconnaître les réalités démographiques et il convient de trouver un nouvel équilibre, dans le dialogue, en élaborant des réponses au cas par cas. Au-delà de la déconcentration de l'approche, il s'agit de trouver autant de politiques à mener qu'il y a de territoires et de départements. En appliquant par ailleurs l'idée d'une visibilité sur trois ans, on sort de politiques qui étaient annuelles, le rythme triennal permettant à la fois de stabiliser et d'anticiper certaines évolutions.
J'en viens aux éléments de réponse de Mme la ministre. Le travail continu sur la carte scolaire s'effectue dans votre département, madame la députée, dans le contexte démographique suivant : 3 700 élèves de moins dans les écoles publiques du premier et du second degré depuis 2017. Pourtant, malgré les évolutions récentes de la carte, le taux d'encadrement dans votre département augmente lui aussi. Désolé de citer des chiffres, mais ils traduisent bien une réalité : ce taux est passé de 5,79 en 2017 à 6,26 à la rentrée 2023. Ce n'est pas de la part du ministère montrer une obsession du chiffre roi que d'utiliser des instruments de mesure pour effectuer des comparaisons ; c'est ainsi ce qu'il a fait avec le Cantal et la Haute-Loire – chacun pouvant faire de même avec d'autres départements. Il faut rappeler que le taux d'encadrement en Saône-et-Loire est à comparer avec la moyenne nationale, qui est de 6. Il devrait augmenter encore à la prochaine rentrée, pour s'élever à 6,28.
En outre, le nombre d'élèves par classe est de 20,8 à la rentrée 2023, chiffre plus favorable que la moyenne nationale – 21,5 – et qui a nettement diminué par rapport à la rentrée 2017, où il était de 21,7. Précisons que le taux d'encadrement s'est également amélioré dans les zones rurales éloignées, qui comptaient vingt élèves par classe à la rentrée 2023 ; de même dans les regroupements pédagogiques intercommunaux.
Mme la ministre ajoute que la directrice académique des services de l'éducation nationale de Saône-et-Loire, qui porte une attention toute particulière à la ruralité, a invité l'ensemble des maires des communes hébergeant une école pour leur présenter les perspectives triennales de la démographie scolaire départementale – un point important. Elle l'en remercie : les maires de votre département ont certainement apprécié cette réunion.
Enfin, elle rappelle que, comme chaque année, si le processus de préparation de la rentrée commence en janvier, il se poursuit jusqu'à la rentrée de septembre dans un dialogue continu avec les élus, dans le cadre d'un suivi très attentif des évolutions éventuelles des effectifs, et que rien n'est donc figé aujourd'hui.
Auteur : Mme Cécile Untermaier
Type de question : Question orale
Rubrique : Enseignement maternel et primaire
Ministère interrogé : Éducation et jeunesse
Ministère répondant : Éducation et jeunesse
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 27 février 2024