Question orale n° 636 :
Situation critique des centres sociaux

16e Législature

Question de : M. Mickaël Bouloux
Ille-et-Vilaine (8e circonscription) - Socialistes et apparentés

M. Mickaël Bouloux alerte Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités, sur la situation critique des centres sociaux. Lutte contre les inégalités, solidarité, éducation populaire, lien social, lutte contre les exclusions, telles sont les nombreuses missions des centres sociaux, véritable pierre angulaire de la cohésion sociale dans le pays. Nul besoin de démontrer l'extrême nécessité de leurs actions à une époque où il y a autant de replis, autant de fractures. Pourtant, face à la fragilisation croissante de leur modèle économique, leurs difficultés financières se sont aggravées. Dans la 8e circonscription d'Ille-et-Vilaine, un centre social n'a pas connu de hausse de financement ni de sa masse salariale depuis 2014, alors que la commune où il est implanté compte près de 300 habitants en plus par an. M. le député interroge Mme la ministre sur la possibilité pour les deux uniques animateurs « jeunesse » de ce centre social d'accompagner décemment 400 adolescents en très grande vulnérabilité. Beaucoup de centres ont déjà mené un travail de rationalisation et sont aujourd'hui privés de toute marge de manœuvre. Un autre centre social de la 8e circonscription d'Ille-et-Vilaine précise que les centres sociaux sont contraints d'aller chercher des microfinancements. En une année, il a signé 83 conventions de financement dans le cadre d'appels à projets. C'est plus d'une et demi par semaine. Alors que la vulnérabilité et la pauvreté explosent, le modèle actuel oblige les centres sociaux à passer un temps démesuré à répondre à une multitude de petits appels d'offres. Il s'agit d'une surcharge administrative au détriment de réponses concrètes à une détresse sociale croissante. En Bretagne, l'État participe au financement des centres sociaux à hauteur de 4,7 %, contre près de 30 % pour les communes. L'État doit prendre ses responsabilités et arrêter de se désengager. Le Gouvernement actuel est à l'origine de la rigueur budgétaire subie par les collectivités, le bloc communal ne peut pas tout et encore moins dans un contexte où leurs dotations et subventions s'amenuisent. M. le député interroge Mme la ministre sur la possibilité de répondre à des besoins sociaux croissants avec des ressources financières et humaines en diminution. Le pouvoir actuel édicte des règles sur la base d'une vision purement statistique. Mais, dans le cas présent, même statistiquement, ça coince. Face à cette équation insoluble, les centres sociaux ne peuvent être laissés dans cette insupportable voie qui est celle de subir jusqu'à mettre la clé sous la porte. Un centre social ne vend ni bien, ni service et repose sur la « non-lucrativité » et l'intérêt général. Les montants supplémentaires prévus dans la convention signée en juillet 2023 ne permettent de couvrir que 18 % de la hausse des dépenses des centres sociaux. C'est largement insuffisant au regard de la destruction sociale en cours. L'incapacité à comprendre la profonde détresse sociale des Françaises et des Français n'est plus tenable. Dans la 8e circonscription d'Ille-et-Vilaine, le reste à vivre qui permet notamment de savoir si l'on peut bénéficier de l'épicerie sociale gérée par le centre social est de 170 euros par mois. M. le député interroge Mme la ministre sur la possibilité de se nourrir, se vêtir et se déplacer avec cinq euros par jour. Aujourd'hui, on compte 2 mois d'attente à l'épicerie sociale. Ainsi, il l'interroge sur les moyens financiers pérennes que l'État et non le bloc communal, envisage de donner aux centres sociaux dont les bénéfices pour la société sont multiples.

Réponse en séance, et publiée le 6 mars 2024

CENTRES SOCIAUX
Mme la présidente. La parole est à M. Mickaël Bouloux, pour exposer sa question, n°  636, relative aux centres sociaux.

M. Mickaël Bouloux. Je reviens sur le sujet des centres sociaux. Qu'un collègue d'un autre groupe et d'un autre territoire vous ait interrogé sur ce point démontre qu'il est urgent d'apporter une réponse.

Lutte contre les inégalités, solidarité, éducation populaire, lien social, lutte contre les exclusions : telles sont les nombreuses missions des centres sociaux, véritables pierres angulaires de la cohésion sociale dans notre pays. Nul besoin de démontrer combien leur action est indispensable dans notre époque marquée par les replis et les fractures.

Pourtant, face à la fragilisation croissante de leur modèle économique, leurs difficultés financières se sont aggravées. Dans ma circonscription, à proximité de Rennes, les responsables d'un centre social m'expliquaient que ni le financement ni la masse salariale n'avaient augmenté depuis 2014, alors que la commune dans laquelle le centre est implanté compte près de 300 habitants supplémentaires par an, soit près de 3 000 sur la période. Monsieur le ministre, expliquez-moi comment, dans ce centre social, deux animateurs enfance-jeunesse peuvent décemment accompagner 400 adolescents en très grande vulnérabilité ?

Beaucoup de centres ont déjà mené un travail de rationalisation et sont aujourd'hui dépourvus de marge de manœuvre financière. Un autre centre social de ma circonscription rennaise m'informait être contraint d'aller chercher des microfinancements. En une année, il a signé quatre-vingt-trois conventions de financement dans le cadre d'appels à projets, soit plus d'une et demi par semaine. Alors que la vulnérabilité et la pauvreté explosent, le modèle actuel oblige les centres sociaux à passer un temps démesuré à répondre à une multitude de petits appels d'offres. Cette surcharge administrative est traitée au détriment des réponses concrètes à apporter à une détresse sociale croissante !

En Bretagne, l'État participe au financement des centres sociaux à hauteur de 4,7 % seulement, contre près de 30 % pour les communes. Dans cet hémicycle, le Gouvernement a affirmé que des solutions financières avec le bloc communal seraient trouvées. L'État doit prendre ses responsabilités et arrêter de se désengager ! Vous êtes à l'origine de la rigueur budgétaire subie par les collectivités.

Le bloc communal ne peut pas tout, surtout dans un contexte d'amenuisement de ses dotations et subventions. Comment répondre à des besoins sociaux croissants avec des ressources financières et humaines en diminution ? Le pouvoir actuel édicte des règles sur la base d'une vision purement statistique mais, dans le cas présent, même statistiquement, ça coince !

Monsieur le ministre, face à cette équation insoluble, ne restez pas enfermé dans des certitudes idéologiques. Sortez du logiciel de la Macronie : les centres sociaux sont incompatibles avec les sirènes de la start-up nation ! Ils ne vendent ni biens ni services ; ils reposent sur la non-lucrativité et l'intérêt général. Faites un pas de côté afin de ne pas laisser les centres sociaux subir une situation insupportable jusqu'à être contraints de mettre la clé sous la porte.

J'ai bien connaissance de la nouvelle convention signée en juillet dernier. Cependant, les montants supplémentaires prévus ne permettent pas de couvrir la hausse de 18 % des dépenses des centres sociaux. C'est largement insuffisant et cette insuffisance ne peut plus être camouflée par des pirouettes.

Mme la présidente. Monsieur Bouloux, il serait bon de laisser à M. le ministre du temps pour vous répondre…

La parole est à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention. En l'absence de Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités, je reprendrai la réponse que j'ai faite au député Julien Dive et vous rappellerai l'effort d'accompagnement décidé par le Gouvernement dans le cadre de la nouvelle convention d'objectifs et de gestion, et la hausse de 6 % accompagnée d'un relèvement du taux de prise en charge des prestations de service de la branche famille, concernant à la fois l'animation globale et la coordination, les animations locales et les animations collectives familles.

Je n'entrerai pas dans les détails, mais je souligne que ces dispositions témoignent de ce que le Gouvernement ne méconnaît pas l'utilité ni l'importance des centres sociaux. Ayant été maire pendant plus de quinze ans, je sais le rôle majeur qu'ils jouent dans le maintien du tissu social, l'animation des quartiers ou des villages et l'accompagnement des personnes éloignées des loisirs et d'un certain nombre de prises en charge. Il n'existe pas de volonté d'écraser un dispositif parce qu'il serait diffus, fragile ou parce qu'il reposerait sur des bonnes volontés et des engagements locaux – je pense aux élus et au tissu associatif dont la fragilité est connue.

La mobilisation générale face à des charges qui augmentent doit concerner tant l'État que les collectivités locales. Je ne crois pas que ce gouvernement – cela a fait l'objet de nombreux débats dans l'hémicycle – ait appauvri les collectivités territoriales. Leurs dotations ont été confortées ces dernières années et l'activation du bouclier tarifaire leur a profité en priorité. Nous accordons une attention particulière aux finances locales de manière à protéger les collectivités territoriales, acteurs importants qui constituent les partenaires quotidiens des centres sociaux.

Je me suis éloigné de la réponse précédente, fondée sur des chiffres précis, mais il importait de rappeler que nous ne méconnaissons pas l'importance des centres sociaux dans le tissu et l'animation de nos territoires.

Données clés

Auteur : M. Mickaël Bouloux

Type de question : Question orale

Rubrique : Institutions sociales et médico sociales

Ministère interrogé : Travail, santé et solidarités

Ministère répondant : Travail, santé et solidarités

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 27 février 2024

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