CENTRES SOCIAUX
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour exposer sa question, n° 639, relative aux centres sociaux.
Mme Sophie Taillé-Polian. Madame la ministre, il faut sortir les centres sociaux de l’abandon. Ils sont, partout en France, et particulièrement dans les quartiers populaires, des acteurs du lien social. Les centres sociaux constatent, aux premières loges, l'augmentation des besoins de la population dans l'accès aux soins, aux droits, à l'alimentation – on est effaré de devoir le dire dans cet hémicycle, en 2024 –, ou encore dans la lutte contre l'isolement des personnes retraitées ou éloignées de la formation et de l'emploi.
Or, si les besoins de la population augmentent – notamment en raison de vos politiques sociales désastreuses –, les budgets des centres sociaux ne suivent pas. Les chiffres sont alarmants : la Fédération des centres sociaux et socio-culturels de France (FCSF) évalue à environ 700 le nombre de postes non renouvelés du fait de la tension budgétaire. Il s'agit d'un véritable plan social à bas bruit, qui intervient quelques années seulement après la suppression des contrats aidés, en 2017, par Emmanuel Macron.
La moitié des centres sociaux reconnaissent avoir réduit leur activité. Au total, 60 % des structures sont actuellement en déficit, contre 37 % en 2022, et ce malgré des efforts structurels. Dans ma circonscription, la maison des solidarités à Arcueil – ce n'est qu'un exemple – rencontre ce type de difficultés budgétaires, alors même que ses méthodes d'association de la population et son efficacité font d'elle une structure exemplaire. Le fait que l'État accorde des subventions en fonction des projets et non de manière pérenne et pluriannuelle met ces structures en difficulté et les empêche de développer leurs actions sur plusieurs années.
Pour permettre aux structures d'accomplir pleinement leurs missions et soutenir celles qui rencontrent des difficultés, la FCSF demande le déblocage d'un fonds d'urgence. Il est également urgent de travailler à la pérennisation du modèle économique des centres sociaux par le rétablissement d'un engagement pluriannuel de financement, sur la base de leurs missions et non d'appels à projets. J'insiste, année après année, un tel fonctionnement fragilise ces structures fondées, pour la grande majorité d'entre elles, sur un engagement citoyen et bénévole.
Eu égard aux enjeux croissants auxquels font face nos territoires, quelles réponses prévoyez-vous d'apporter à la situation financière des centres sociaux ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles.
Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles. Le Gouvernement est bien conscient de la situation difficile que rencontrent les centres sociaux. Les causes – vous les avez évoquées – en sont multiples : l'inflation, les coûts salariaux – notamment en raison des revalorisations récentes –, les difficultés des partenaires et, en miroir, la croissance des files actives. Le niveau de service est d'ores et déjà réduit dans certains endroits, sachant que la situation continue parfois de se dégrader, notamment en raison de tensions de trésorerie induisant des risques réels de fermetures. J'y insiste : ce contexte dramatique nous interpelle.
La FCSF nous a alertés plus spécifiquement sur l'impact des revalorisations. Ces dernières étaient, je le rappelle, nécessaires pour soutenir l'attractivité des métiers de l'animation – je l'évoquais à l'instant – et devaient être placées au cœur des décisions. Le coût de l'avenant à la convention collective nationale des acteurs du lien social et familial – dite convention Alisfa – a été estimé à 108 millions d'euros brut pour la branche en 2024, ce qui représente une augmentation de près de 8,2 % de la masse salariale – contre 4 % pour les structures relevant d'autres conventions collectives.
Cela étant, afin de tenir compte de ces revalorisations salariales dans le domaine de l'animation de la vie sociale, une hausse de 6 % des crédits a été décidée dans le cadre de la convention d'objectifs et de gestion (COG) de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf). Le taux de prise en charge est ainsi passé de 40 à 42,4 % pour la prestation de service « animation globale et coordination », ce qui est la fonction de base des centres sociaux, et de 60 à 63,6 % pour les prestations de service « animation locale » – c'est-à-dire le financement des espaces de vie sociale – et « animation collective familles » – c'est-à-dire le financement des référents famille. Précisons à cet égard que les calculs s'effectuent toujours dans la limite du prix plafond de l'aide, certains centres sociaux ne l'atteignant pas.
La COG prévoit également de soutenir la croissance du réseau, notamment dans les territoires ruraux, 600 structures d'animation de la vie sociale supplémentaires devant être créées pour renforcer l'inclusion des personnes, la cohésion sociale et l'attractivité des métiers.
À ces éléments techniques sur les revalorisations salariales, que je vous communique au nom de la ministre du travail Catherine Vautrin, j'ajoute ceci : les centres sociaux, pour dire les choses clairement, constituent un maillon essentiel de la cohésion de notre territoire. Il faudra, et je m'y engage, ouvrir des réflexions pour apporter des réponses et un soutien renouvelé. Nous le ferons de manière coordonnée avec les élus locaux et les collectivités territoriales, dans la mesure où le financement des centres sociaux est multiple, les départements, les communes et les intercommunalités y contribuant. Surtout, ces structures sont l'un des derniers espaces de création du lien social, de réduction des inégalités et de lutte contre le non-recours aux droits, ce qui les rend essentielles. Je le répète, des discussions nouvelles vont s'ouvrir et des mesures de soutien supplémentaires vont être prises pour renforcer leur accompagnement. J'ai entendu votre appel, madame la députée, et j'en prends bonne note.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. Si je ne me satisfais pas de votre réponse, les derniers éléments que vous avez évoqués me semblent un peu plus à la hauteur des enjeux. Certes, la revalorisation des salaires est importante, mais l'enjeu est surtout d'accorder des financements pérennes et non en fonction des projets. Voilà de quoi ces structures ont besoin.