Arrêt de la production d'engrais chimique sur le site de Montoir-de-Bretagne
Question de :
M. Matthias Tavel
Loire-Atlantique (8e circonscription) - La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale
M. Matthias Tavel interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur l'annonce, par le groupe norvégien Yara, de l'arrêt de la production d'engrais chimique sur son site de Montoir-de-Bretagne et du licenciement de 139 salariés. Depuis des années, Yara a toujours refusé d'investir dans la modernisation de l'appareil de production pour respecter les normes sanitaires, environnementales et de sécurité des sites Seveso, en dépit de mises en demeure et d'astreintes de la préfecture. Yara fait ainsi le choix de la casse sociale et industrielle plutôt que celui de l'investissement dans la bifurcation écologique et du respect des salariés. Cette décision vient en flagrante opposition avec la volonté que M. le ministre affiche d'« industrie verte », de réindustrialisation comme de souveraineté industrielle et alimentaire. En l'état actuel du modèle agricole et en l'absence de politique ambitieuse de bifurcation écologique de l'agriculture française renforçant l'alternative aux engrais chimiques, cette décision ne ferait qu'aggraver l'importation d'engrais venant de l'étranger, sans proposer aucune alternative écologique. Cette politique du fait accompli n'est pas acceptable : elle ne répond pas aux exigences sociales, écologiques, agricoles ni industrielles du pays. C'est pourquoi M. le député aimerait connaître quelles sont les actions que le Gouvernement prévoit de mettre en œuvre pour s'opposer à cette décision contraire à l'intérêt du pays et assurer la mise aux normes du site ou l'évolution de sa production. Dans l'hypothèse où Yara confirmerait l'abandon de la production sur le site, il souhaiterait savoir si le Gouvernement a prévu d'exiger de Yara qu'il libère le foncier portuaire qu'il occupe, entièrement dépollué et remis en état initial, afin de permettre l'installation d'autres entreprises dans le contexte de décarbonation de l'industrie et de mise en œuvre des objectifs du « Zéro artificialisation nette ».
Réponse en séance, et publiée le 13 mars 2024
ALTERNATIVE ÉCOLOGIQUE À MONTOIR-DE-BRETAGNE
Mme la présidente. La parole est à M. Matthias Tavel, pour exposer sa question, n° 642, relative à l'alternative écologique à Montoir-de-Bretagne.
M. Matthias Tavel. Depuis des années, le groupe norvégien Yara refuse d’investir dans la modernisation du site Seveso de Montoir-de-Bretagne, situé dans ma circonscription. Cette modernisation a pour objectif le respect des normes sanitaires, environnementales et de sécurité.
En dépit de mises en demeure, les actionnaires du groupe manifestent leur mauvaise volonté à l'égard des riverains, des salariés et de l'État. En novembre, la multinationale a fait le choix de la casse sociale et industrielle, plutôt que de l’investissement dans la bifurcation écologique. Ainsi, au lieu d'arrêter de polluer, l'usine préfère licencier 139 salariés et cesser la production.
En l’absence de politique ambitieuse de bifurcation de notre agriculture, cette décision ne fera qu’aggraver l’importation d’engrais, sans réduire les risques sur le site. Cette politique du fait accompli n’est pas acceptable : elle ne répond pas aux exigences sociales, écologiques, agricoles et industrielles du pays. De plus, elle entre en contradiction avec les volontés affichées de réindustrialisation, d’industrie verte, et de souveraineté industrielle et alimentaire.
Le 23 février, le préfet de Loire-Atlantique et le sous-préfet de Saint-Nazaire nous ont informés du probable report des licenciements en fin d'année et de la réalisation d'un audit sur la mission de sécurisation des installations pendant cette période.
Plusieurs questions demeurent : y a-t-il bien eu une notification d’arrêt ou d’évolution de la production, émanant de Yara ? Dans l’hypothèse où la production sur le site serait abandonnée, le Gouvernement a-t-il prévu de demander au Grand port maritime de Nantes-Saint-Nazaire de dénoncer l'occupation du foncier par Yara ? Un emplacement aussi stratégique pourrait être utilisé par d’autres entreprises, pour répondre aux objectifs de décarbonation de l’industrie et de zéro artificialisation nette (ZAN).
Enfin, les salariés travaillent à un projet alternatif pour la continuité du site, qui sera présenté demain au comité social et économique (CSE). Nous vous demandons, avec eux, que le Gouvernement organise une table ronde pour permettre aux salariés de présenter ce projet aux élus locaux, devant l'ensemble des acteurs du territoire.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation. Permettez-moi de dire, pour commencer, que mes collègues les ministres Lescure et Béchu seront à mes côtés pour suivre ce dossier et se tiendront à votre disposition ces prochaines semaines.
Le groupe Yara a annoncé, à l'automne 2023, l'arrêt de l'atelier d'engrais de synthèse sur son site de Montoir-de-Bretagne, impliquant la suppression de 139 postes sur les 171 que compte l'usine.
Cette usine, spécialisée dans les engrais composés dits NPK, subissait depuis quelques années l'évolution du marché au profit des engrais azotés simples. Pour rappel, les volumes d'engrais à base de phosphate et de potasse ont baissé d'environ 20 % en 2022 et de 22 % en 2021, tandis que les volumes d'engrais azoté augmentaient de 1,2 %.
Il convient de rappeler que cette usine n'est pas un site de production de matières premières ; elle est spécialisée dans la transformation. La fermeture de cet atelier n'a donc pas d'impact significatif sur la souveraineté industrielle et alimentaire de notre pays.
Plus généralement, si la production d'engrais de synthèse a connu des difficultés en raison des prix élevés de l'énergie en 2022 et en 2023, le soutien de l'État a permis la préservation de sites de production essentiels à notre souveraineté alimentaire. Cela a été le cas pour les quatre usines produisant de l'ammoniac, matière première des engrais azotés.
En matière d'engrais, l'État soutient la transformation écologique au travers de la stratégie d'accélération Systèmes agricoles durables et équipements agricoles contribuant à la transition écologique, de France 2030, et dans le cadre du Grand défi Biocontrôle et biostimulation pour l'agroécologie, un dispositif doté de 42 millions d'euros. Ces programmes visent notamment à faire émerger des solutions de fertilisation innovantes, comme les biostimulants.
Le groupe Yara a annoncé vouloir transformer le site de Montoir-de-Bretagne en une plateforme logistique pour l'ammoniac et les engrais, en raison de l'emplacement stratégique du port de Nantes-Saint-Nazaire. En effet, les échanges internationaux d'ammoniac et d'engrais sont amenés à se développer fortement dans les prochaines années, en raison de l'émergence de ces nouveaux usages – comme l'utilisation de l'ammoniac pour les carburants maritimes.
Des activités économiques stratégiques pour la France perdureront donc sur ce site, sans qu'il soit nécessaire d'intervenir sur le foncier industriel.
Le ministre délégué chargé de l'industrie et de l'énergie et moi-même continuerons d'être à vos côtés pour suivre ce dossier important.
Mme la présidente. La parole est à M. Matthias Tavel.
M. Matthias Tavel. Je vous remercie pour votre réponse, qui n'est cependant pas satisfaisante. Ce que nous voyons à Montoir-de-Bretagne, c'est tout bonnement une délocalisation. Les engrais continueront à être produits hors de France pour être importés ; c'est d'ailleurs pour cette raison que Yara souhaite conserver le site et le transformer en site de distribution.
Votre réponse n'est donc pas satisfaisante, que ce soit d'un point de vue industriel, social, agricole ou écologique. Il est nécessaire que le Gouvernement renforce son action, reçoive les salariés, et organise cette table ronde afin qu'ils présentent leur projet alternatif. Ainsi, nous aurons un véritable site de production industrielle, respectueux des exigences sociales et environnementales ; nous éviterons alors cette délocalisation déguisée, organisée par une multinationale qui ne respecte même pas les mises en demeure.
Auteur : M. Matthias Tavel
Type de question : Question orale
Rubrique : Industrie
Ministère interrogé : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Ministère répondant : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 mars 2024