Interdiction d'importer des trophées de chasse de certaines espèces menacées
Question de :
M. Olivier Falorni
Charente-Maritime (1re circonscription) - Démocrate (MoDem et Indépendants)
M. Olivier Falorni attire l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur l'importation de trophées de certaines espèces menacées en France. Après la dégradation de son habitat naturel, la surexploitation commerciale constitue l'une des causes majeures de menace sur la biodiversité. Depuis le 1er juillet 1975, la convention sur le commerce international des espèces de faune et flore sauvages menacées d'extinction (CITES) réglemente le passage à la frontière de quelque 35 000 espèces animales et végétales. L'objectif de la CITES est de garantir que le commerce international des animaux (listés), vivants ou morts, ainsi que de leurs parties ne nuise pas à la conservation de la biodiversité. Dans la dernière édition de la liste rouge mondiale éditée en 2022, sur les 150 388 espèces étudiées, 42 108 sont classées menacées. La France figure parmi les 10 pays hébergeant le plus grand nombre d'espèces menacées : au total, 2 005 espèces menacées au niveau mondial sont présentes sur son territoire, en métropole et en outre-mer. Plus précisément, entre 2014 et 2018, la France a importé 752 trophées de 36 espèces inscrites à la CITES, ce qui fait d'elle le 6e importateur de trophées de chasse d'espèces protégées en Europe. Parmi elles, certaines sont inscrites sur la liste rouge de l'UICN comme l'éléphant d'Afrique, le léopard, l'hippopotame ou le guépard. Alors que l'on fait face à la 6e extinction de masse des espèces, la chasse aux trophées agit bel et bien comme un accélérateur de la crise mondiale de la biodiversité en menaçant la survie des espèces chassées et en bouleversant les écosystèmes. En effet, en choisissant de tuer les animaux les plus imposants, les chasseurs s'attaquent à ceux dont le patrimoine génétique est supérieur. Cette sélection non naturelle impacte le taux de reproduction, le comportement, la diversité génétique des espèces, ce qui, conjugué, affaiblit la descendance et la survie des espèces chassées. Compte tenu des ambitions de la France, qui s'est engagée à mettre un terme à la perte de biodiversité et d'en inverser la tendance d'ici à 2030, il souhaite savoir si le Gouvernement compte cesser de délivrer des permis d'importation pour les trophées de certaines espèces menacées.
Réponse publiée le 11 juillet 2023
Le sujet de l'importation des trophées de chasse revêt une importance majeure au regard de la conservation des espèces concernées et des écosystèmes qui les hébergent. La question de l'importation des trophées doit être examinée dans le contexte de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES). Cet accord intergouvernemental réunit 183 pays avec pour objectif de garantir que le commerce international d'espèces animales et végétales sauvages ne menace pas la survie de ces espèces. Dans le cas des États membres de l'Union européenne, tous Parties à cette convention, le cadre réglementaire résultant de la CITES est fixé par le règlement (CE) n° 338/97 du Conseil du 9 décembre 1996 relatif à la protection des espèces de faune et de flore sauvages par le contrôle de leur commerce qui renforce cette convention sur de nombreux points. Les pays adhérens à la CITES ont adopté, en octobre 2016, une Résolution précisant « qu'une chasse aux trophées bien gérée est compatible avec la conservation des espèces et y contribue, dans la mesure où elle offre des possibilités aux communautés rurales d'améliorer leurs moyens d'existence, les incite à conserver les habitats et génère des bénéfices qui peuvent être investis dans la conservation ". Plus récemment, en juillet 2022, la Plateforme Intergouvernementale Scientifique et Politique sur la Biodiversité et les Services Écosystémiques (IPBES) a publié un rapport sur l'utilisation durable des espèces sauvages. Celui-ci a révélé qu'en Afrique 1,4 million de km2 sont gérés pour la chasse récréative. Ce rapport conclut notamment que les revenus provenant d'activités telles que la chasse « fournissent un flux de revenus important et substantiel pour les agences de conservation et les communautés locales dans certains pays ». Cependant, il a aussi conclu « qu'il existe des différences considérables dans la manière dont la chasse récréative est régie et administrée dans différentes régions, ce qui rend difficile toute généralisation quant à sa durabilité ou non » et que « la chasse sélective d'espèces, d'individus ou de populations particulières qui présentent des caractéristiques particulières (par exemple, des animaux ou des cornes de grande taille) peut avoir un impact sur la structure et la conservation des écosystèmes ». Dans son rapport d'avril 2016 destiné à informer les décideurs politiques sur la chasse aux trophées, l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) est d'avis « qu'avec une gouvernance et une gestion efficaces, la chasse aux trophées peut avoir et a effectivement des impacts positifs ». C'est pour cette raison que la Commission européenne et les États membres viennent de lancer une démarche spécifique aux trophées de chasse dans le cadre du Plan d'Action de l'Union européenne contre le trafic d'espèces sauvages. En premier lieu, ce plan prévoit de renforcer le contrôle des importations de trophées de chasse et, plus précisément, d'étudier la pertinence d'imposer un permis d'importation pour davantage d'espèces. Pour mener à bien cette action, le Groupe d'Examen Scientifique CITES de l'Union européenne étudie actuellement une liste de 146 espèces en prenant en compte leurs statuts de conservation, la tendance de leurs populations et le nombre de trophées importés dans l'UE au cours de la période 2012-2021. Il est important que cette analyse aille à son terme, afin que la science éclaire les réflexions préalables à la prise de décisions. Par ailleurs, le commerce d'espèces menacées étant un sujet de compétence communautaire, il est essentiel que les adaptations réglementaires soient décidées au niveau de l'Union européenne, afin qu'elles s'imposent aux 27 États membres et ne donnent pas lieu à des divergences de régimes réglementaires au sein de l'Union. La France prendra toute sa part lors de ces échanges.
Auteur : M. Olivier Falorni
Type de question : Question écrite
Rubrique : Biodiversité
Ministère interrogé : Transition écologique et cohésion des territoires
Ministère répondant : Écologie
Dates :
Question publiée le 21 mars 2023
Réponse publiée le 11 juillet 2023