Question orale n° 645 :
Politique de prise en charge de la toxicomanie

16e Législature

Question de : M. Frédéric Mathieu
Ille-et-Vilaine (1re circonscription) - La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale

M. Frédéric Mathieu interroge M. le ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention, sur la mise en place d'une politique de prise en charge de la toxicomanie. M. le député a déjà interrogé le Gouvernement en 2023 concernant l'accaparement de l'espace public de certains quartiers rennais par les dealers. À cette occasion, un ministre qui n'est plus en fonction a pu répondre que « les vrais responsables » du trafic de drogue étaient les consommateurs et non des trafiquants. Ainsi, M. le député tient à savoir si le Gouvernement persiste à mettre en cause des personnes souffrant d'addictions, en les culpabilisant plutôt qu'en leur offrant des parcours de soins et de resocialisation. Spécifiquement s'agissant de la métropole de Rennes, il souhaite connaître l'étendue des moyens mis en œuvre pour ce faire et souhaite savoir si l'évaluation de la politique publique concernée fait ressortir des résultats satisfaisants.

Réponse en séance, et publiée le 13 mars 2024

PRISE EN CHARGE DE LA TOXICOMANIE
Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Mathieu, pour exposer sa question, n°  645, relative à la prise en charge de la toxicomanie.

M. Frédéric Mathieu. Ma question porte sur l'instauration d'une politique de prise en charge de la toxicomanie. Le 25 avril dernier, j'ai interrogé le Gouvernement à propos de l'accaparement de l'espace public par les dealers, dans certains quartiers de Rennes. À cette occasion, un ministre qui n'est plus en fonction a expliqué qu'en définitive, les « premiers responsables » du trafic de drogue sont les consommateurs.

Le Gouvernement persiste-t-il à mettre en cause les personnes souffrant d'addiction – au mépris de toutes les préconisations de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et de toutes les études publiées depuis des décennies sur le sujet –, en les culpabilisant, voire en les criminalisant, plutôt qu'en leur offrant des parcours de soins et de resocialisation ?

S'agissant de la métropole de Rennes, je souhaite connaître l'étendue des moyens alloués à la politique de prise en charge de la toxicomanie, quels résultats l'évaluation de cette politique a fait apparaître et s'ils sont – ou non – satisfaisants.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles. Les addictions sont une préoccupation majeure de santé publique, en particulier à Rennes. Cependant, l'addiction est une maladie, face à laquelle le Gouvernement conserve une approche équilibrée. Il faut accompagner les personnes souffrant d'addiction, puisqu'elles sont malades, mais également lutter partout contre le trafic de drogue, qui est un fléau. La répression des usages et la lutte contre les trafiquants ne signifie pas que la situation d'addiction et l'accompagnement nécessaire des personnes toxicomanes ne soient pas reconnus.

L'objectif est clair : renforcer la prévention pour limiter l'initiation aux produits stupéfiants, et apporter un accompagnement sanitaire, social et médico-social aux usagers pour les aider à sortir de la dépendance. Cela ne s'oppose pas à la lutte contre le trafic de drogue, quels que soient les lieux et la nature des substances.

Cet accompagnement s'appuie sur un dispositif médico-social important, à commencer par les centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa). Il en existe un à Rennes qui, à travers deux antennes, propose des consultations aux personnes éloignées de l'accès aux soins et aux jeunes âgés de 12 à 25 ans. En effet, les addictions touchent en particulier les personnes vulnérables et les jeunes. D'autre part, les centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues (Caarud) sont entièrement consacrés à la prise en charge des personnes souffrant d'addictions. Un centre de ce type existe également à Rennes, géré par l'association Aides. Il effectue notamment des maraudes à proximité des lieux de consommation. En effet, c'est en allant à la rencontre des personnes qui en ont besoin, et en discutant avec elles, que des liens se créeront, et qu'il sera possible de les conduire vers des parcours de soins et d'accompagnement.

En parallèle, un groupe de travail qui réunit la ville de Rennes et les services de l'État a été créé en 2023, afin de proposer de nouvelles pistes d'actions. À ce jour, deux pistes sont envisagées : d'abord, développer et coordonner les actions d'aller vers, qui sont essentielles, pour attirer les usagers vers un parcours de soins adapté à leurs besoins. Il faut en effet rassurer ces personnes, et poser des mots sur leur situation. Ensuite, il faut développer des lieux d'accueil « bas seuil », qui ne seraient pas des lieux de consommation ou de soins, mais des lieux disposant de douches, de machines à laver, et où il serait possible de bénéficier d'un accompagnement à la prévention et à la réduction des risques.

Nous observerons avec attention la suite qui sera donnée à ces propositions. Il faut renforcer la prise en charge des usagers de drogues tout en continuant à lutter contre les trafiquants, qui multiplient les violences dans notre pays, et causent de nombreuses victimes. En effet, se trouver en situation d'addiction ou de toxicomanie, c'est être victime.

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Mathieu.

M. Frédéric Mathieu. Je suis assez satisfait de ce que je prends pour un changement de position du Gouvernement. L'année dernière, lors de sa réponse, votre collègue Jean-François Carenco insistait sur la nécessité de réprimer prioritairement les consommateurs, comme si les trafiquants n'existaient qu'en raison de leurs clients. À Rennes, nous n'ignorons pas le problème. Dans ma circonscription, une fusillade importante entre trafiquants de drogue a eu lieu dans la nuit du samedi 9 au dimanche 10 mars, qui a traumatisé les habitants du quartier concerné.

Prévention et répression ne sont pas incompatibles, mais l'erreur majeure consiste à vouloir réprimer les consommateurs. Vouloir faire à la fois de la répression et de la prévention à l'égard des consommateurs est impossible, puisque cela les incite à se méfier des actions d'aller vers, des centres médico-psychologiques (CMP) et des structures associatives dans lesquels ils auraient pu se rendre, tout simplement parce qu'ils ont peur d'être surveillés ou dénoncés.

L'amende forfaitaire délictuelle, en vigueur depuis 2016, ne sert à rien. Il y a quelques mois, des responsables policiers me confiaient même que le logiciel pour saisir cette amende ne fonctionnait pas, ou mal. Nous sommes en train de faire bêtement du chiffre pour montrer qu'on lutte contre le trafic de drogue, alors qu'il s'agit simplement de contraventions établies à l'encontre des consommateurs. Parfois, ces derniers les voient s'accumuler alors qu'ils ne sont même pas solvables.

Données clés

Auteur : M. Frédéric Mathieu

Type de question : Question orale

Rubrique : Drogue

Ministère interrogé : Santé et prévention

Ministère répondant : Santé et prévention

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 mars 2024

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