16ème législature

Question N° 6483
de M. Antoine Villedieu (Rassemblement National - Haute-Saône )
Question écrite
Ministère interrogé > Éducation nationale et jeunesse
Ministère attributaire > Éducation nationale et jeunesse

Rubrique > enseignement

Titre > L'exclusion des territoires ruraux des réseaux d'éducation prioritaire

Question publiée au JO le : 21/03/2023 page : 2549
Réponse publiée au JO le : 13/06/2023 page : 5360

Texte de la question

M. Antoine Villedieu alerte M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur l'exclusion d'une grande partie des territoires ruraux des réseaux d'éducation prioritaire. Dans un contexte difficile où les politiques publiques s'attellent à réaliser des économies tous azimuts, la ruralité fait partie des secteurs les plus sévèrement impactés par les restrictions budgétaires. Alors que la République française doit assurer l'égalité de tous les concitoyens sur l'ensemble du territoire, le fossé de l'égalité d'accès à l'éducation entre les grandes villes et les communes rurales se creuse chaque jour davantage. Au-delà du désespoir croissant des parents résidant dans la ruralité en raison des fermetures de classes permanentes, les territoires ruraux sont également majoritairement privés des réseaux d'éducation prioritaire alors que leur situation ne cesse de se détériorer. Destinés à assurer la justice sociale, ces dispositifs mis en place par l'État sont avant tout réservés aux métropoles. La plupart des zones rurales en sont donc écartées à cause d'une faible concentration de populations pauvres. L'attractivité de ces territoires n'a jamais été autant menacée. La désertification rurale est aujourd'hui une réalité qu'il convient de combattre par tous les moyens. Elle impacte tous les secteurs et instaure un cercle vicieux en privant la ruralité de services administratifs, médicaux, de commerces, vitaux pour le bon fonctionnement d'un territoire. En dépit de toutes les mesures incitatives qui existent, si ces professionnels refusent de s'y installer, c'est bien parce qu'ils considèrent que ces zones sont dépourvues de l'essentiel. Ainsi, M. le député souhaiterait connaître les dispositions prises ou envisagées par le ministère de l'éducation nationale pour assurer l'égalité d'accès à l'éducation aux enfants issus des territoires ruraux. Il souhaiterait savoir si des mesures seront prises pour élargir les critères de classification, notamment le critère du taux d'élèves résidant dans un QPV qui exclue de facto les territoires ruraux, pour entrer dans le champ des réseaux d'éducation prioritaire afin que les zones rurales défavorisées puissent en bénéficier.

Texte de la réponse

La Première ministre et le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse ont annoncé le 31 mars 2023 un plan ambitieux pour les territoires ruraux qui vise à garantir l'amélioration durable de la qualité du service public de l'éducation au sein de ces territoires. Ce plan se décline en trois axes : le premier axe vise à garantir un maillage scolaire partout sur le territoire, notamment en proposant une anticipation sur trois ans des ouvertures et fermetures de classes en milieu rural et en créant une instance de dialogue permettant d'assurer la coordination sur les grands projets d'aménagements éducatifs des territoires concernés. Le deuxième axe doit permettre de garantir la réussite des élèves en milieu rural, en favorisant les échanges entre collégiens de milieu rural et de milieu urbain, et en offrant trois mille places supplémentaires en internat d'excellence. Le troisième axe place la dynamisation des territoires par l'école comme élément fondamental, et dans ce cadre, à partir de la rentrée 2023, le dispositif des territoires éducatifs ruraux (TER) sera étendu à tous les départements ruraux dans les trois ans à venir. Le déploiement de ces nouvelles mesures s'inscrit dans la continuité d'une action forte souhaitée par le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse (MENJ) en faveur des territoires ruraux : Ariane Azéma et Pierre Mathiot se sont vus confier en 2018-2019 une mission dite « Territoires et réussite » visant à réinterroger les critères de l'éducation prioritaire dans le but de mieux tenir compte des spécificités de chaque territoire et proposer des mesures allant dans le sens d'une plus grande différenciation territoriale dans l'action éducative. C'est dans le cadre des travaux de la Mission « Territoires et réussite » qu'a été développé l'indice d'éloignement aujourd'hui utilisé dans les outils et les dispositifs d'analyse territoriale par les autorités académiques et nationales pour mesurer notamment l'éloignement d'un collège avec les services éducatifs, sportifs et culturels et en déduire et calibrer l'accompagnement spécifique nécessaire, y compris en terme de moyens. L'action du ministère vise donc à développer des mesures adaptées à la diversité des territoires. Deux nouveaux dispositifs avaient ainsi été proposés pour permettre d'introduire une plus grande souplesse et une plus grande progressivité dans l'allocation des moyens et dans les actions d'accompagnement, tout en donnant plus de marges de manœuvre aux acteurs locaux dans l'identification des territoires cibles et le choix des mesures devant être mises en œuvre : établis par les autorités académiques pour une durée de trois ans, les contrats locaux d'accompagnement (CLA), qui s'adressent aux écoles, collèges et lycées socialement proches de l'éducation prioritaire ou bien ayant des besoins d'accompagnement particuliers, permettent d'introduire plus de progressivité dans l'allocation des moyens. Chaque contrat repose sur le projet de l'école ou de l'établissement à partir duquel les autorités académiques apportent des formes d'accompagnement définies au cas par cas permettant ainsi de répondre à des problématiques ciblées en tenant compte des contextes locaux. Les leviers mobilisés sont mentionnés dans le CLA et peuvent être de différents ordres : pédagogique, éducatif, social ou relevant des ressources humaines (formations...) ; le ministère a également développé une nouvelle approche des zones rurales grâce aux TER qui permettent de mobiliser la complémentarité des prises en charge pédagogiques et éducatives des élèves résidant dans des territoires ruraux et éloignés en associant l'ensemble des partenaires du territoire dans le but de développer l'ambition scolaire (cordées de la réussite, internats d'excellence...), mieux accompagner les personnels enseignants affectés en zone rurale (notamment par la formation) et enfin inscrire plus résolument l'École dans les stratégies de développement territorial. Chaque TER repose sur un réseau constitué d'au moins un collège et de ses écoles de rattachement. À ce jour, 64 territoires, pour un total de 570 communes, sont engagés dans la démarche et regroupent 86 collèges, 632 écoles en bénéficiant à près de 70 000 élèves. Les projets portés par chacun des territoires s'appuient en priorité sur des outils et dispositifs existants qui concernaient jusqu'ici principalement l'éducation prioritaire : à titre d'exemple, les stages de réussite, École Ouverte, Devoirs faits, Petits déjeuners, ou encore le plan bibliothèques d'école, constituent autant de dispositifs qui peuvent être mobilisés en fonction de besoins pour la mise en œuvre des projets portés par les territoires. En particulier identifiés comme des leviers importants, les cordées de la réussite et le plan d'internats d'excellence ont bénéficié de moyens supplémentaires : depuis la rentrée 2020, le dispositif des cordées de la réussite est étendu aux collèges des zones rurales et/ou isolées où les ambitions des collégiens et lycéens sont souvent bridées du fait de l'éloignement des métropoles. Ce sont près de 32 000 élèves de territoires ruraux qui ont ainsi été accompagnés ; ancrés dans leur territoire, les internats d'excellence constituent à la fois un levier d'attractivité pour les zones rurales et une opportunité pour les élèves dont l'environnement n'offre pas toutes les conditions favorables à la réussite et à l'ambition scolaire – les élèves des territoires ruraux étant particulièrement concernés. Les appels à projet lancés en 2020 et en 2021 ont permis de labelliser 307 projets, dont 132 sont situés en zone rurale (soit 43 % des internats d'excellence labellisés). Parmi l'ensemble des projets labellisés, 54 ont bénéficié de crédits exceptionnels du Plan de relance pour financer la création, l'extension ou la réhabilitation d'internats, dont 18 situés en zone rurale et isolée ; depuis la rentrée 2022, l'implantation d'Espaces Service Jeunesse (ESJ) répond à la question de la dispersion de certains services liés à l'éducation, la formation et la jeunesse, qui complique les démarches des personnes concernées par les thématiques liées à la jeunesse. Les ESJ peuvent ainsi proposer des actions pour aider les jeunes dans la recherche de stage, des actions de sensibilisation et de prévention aux addictions, des actions liées à l'engagement citoyen, au civisme, des rapprochements avec les acteurs économiques et les entreprises du territoire, des ateliers dédiés au numérique, etc. Le MENJ mène donc une politique d'équité qui permet d'affecter plus de moyens dans les écoles et les établissements où les élèves en ont le plus besoin. Il faut, à ce propos, rappeler que le taux d'encadrement dans les écoles situées en milieu rural est plus élevé que la moyenne nationale Ainsi, dans le premier degré, le nombre d'élèves par classe en zone rurale est de 21,20 et de 20,28 pour les communes rurales éloignées, alors qu'il est de 21,7 en moyenne au niveau national. Par ailleurs, nonobstant une baisse de 14 245 élèves dans les écoles rurales, soit 1,4 % des effectifs, plus marquée que sur l'ensemble du territoire où elle a été de - 0,9 %, entre 2021 et 2022 le nombre de fermetures de classes a été de 295, représentant une baisse de 0,7 % des classes en milieu rural. Concrètement, les mesures de carte scolaire du premier degré (ouverture, fermeture ou regroupement des écoles et des classes) prennent en effet en compte les spécificités des territoires ruraux : les fermetures de classes constatées en milieu rural sont, chaque année, extrêmement limitées : on en comptabilise annuellement sur les trois dernières années moins de 300. Enfin, il faut rappeller que conformément à l'engagement présidentiel, depuis 2019 aucune fermeture d'école en zone rurale n'a lieu sans l'accord du maire.  Pour mieux répondre aux préoccupations exprimées par les élus locaux, des travaux sont engagés avec les collectivités pour garantir la qualité du service public de l'éducation au sein des territoires ruraux. Parmi ces axes de travail figure la garantie d'un maillage scolaire partout sur le territoire, à travers notamment une meilleure anticipation des évolutions démographiques et de leurs implications éventuelles en termes d'ouvertures ou de fermetures de classes. En 2024, chaque commune rurale aura ainsi une visibilité sur les évolutions démographiques du territoire où elle se situe et sera informée des prévisions d'effectifs. Ce travail permettra de mieux anticiper la carte scolaire sur trois ans. Le dialogue et la coordination seront renforcés en amont des CDEN, dans le cadre d'une instance associant les différents acteurs, permettant d'apporter une réponse globale aux enjeux du territoire. En conclusion, le ministre affirme sa volonté résolue de faire réussir la politique éducative en l'adaptant aux contextes locaux, en soutenant et en accompagnant les projets des collectivités territoriales et en permettant une prise en compte qualitative renforcée des besoins et des enjeux de l'école dans l'ensemble du territoire national avec la volonté affirmée de donner à tous les territoires et tous les élèves les ressources dont chacun à besoin pour son ambition et sa pleine réussite.