Marais de Dol de Bretagne - évolution réglementation en matière de dérogations
Question de :
M. Jean-Luc Bourgeaux
Ille-et-Vilaine (7e circonscription) - Les Républicains
M. Jean-Luc Bourgeaux appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la gestion de fertilisation et couverture hivernale dans le marais de Dol de Bretagne et l'évolution de la réglementation en matière de dérogations sur ce territoire. Force est de constater que depuis plus de 20 ans, les parcelles du marais de Dol de Bretagne ne sont pas concernées par l'obligation de couverture hivernale des sols. Or le projet du 7e programme semble ne plus prévoir ces dérogations. Ces dispenses sont pourtant essentielles pour les agriculteurs, qui ne seront plus à même de cultiver leurs terres en cas de restrictions nouvelles. Des exigences supplémentaires pour pouvoir bénéficier de dérogations imposeraient des frais considérables pour les exploitants agricoles de ces secteurs. Il lui demande de lui indiquer les mesures que le Gouvernement entend prendre pour maintenir ces règles de dérogation à la directive « nitrates » pour les marais de Dol de Bretagne.
Réponse en séance, et publiée le 3 avril 2024
DIRECTIVE « NITRATES »
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Bourgeaux, pour exposer sa question, n° 648, relative à la directive « nitrates ».
M. Jean-Luc Bourgeaux. Le marais de Dol-de-Bretagne s'étend sur 12 000 hectares et est principalement constitué de tangue marine. Ses terres sont riches en argiles gonflantes – le taux d'argile dans leur composition y dépasse fréquemment 37 % – et leur forte perméabilité rend bien souvent leur labour impossible au printemps : la très forte humidité des sols empêche le passage d'un outil lourd, de sorte que seul un travail de surface permet l'obtention d'un lit de semence adapté aux cultures. J'ajoute que la couche de tourbe marine qui caractérise les sols profonds du marais peut se trouver saturée d'eau.
Dès la parution des premiers programmes d'actions départementaux déclinant la directive « nitrates », la chambre d'agriculture d'Ille-et-Vilaine, en collaboration avec l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) et l'association Agriculture et environnement : l'eau de la terre à la mer, a mené des expérimentations afin de mesurer d'éventuels risques de lessivage d'azote.
Les études ainsi réalisées pendant plusieurs années ont conclu que le risque de pollution de l'eau était nul, du fait des caractéristiques pédologiques particulières du marais, qui diffèrent de celles des autres sols bretons. Pour cette raison, une dérogation à la culture de couverts végétaux dans le secteur du marais de Dol-de-Bretagne avait été acceptée et inscrite dans le troisième programme d'actions bretillien, daté du 23 novembre 2005. Cette dérogation a depuis été confirmée par les quatrième, cinquième et sixième programmes d'actions.
Si le septième programme prévoit bien une exemption de la culture de couverts végétaux, il limite sa demande à des individus et son application à des îlots, et l'assortit d'analyses annuelles des sols pour vérifier le taux d'argile et les reliquats d'azote. La remise en cause d'une règle établie depuis près de vingt ans et dont l'application, preuves à l'appui, n'a jamais provoqué aucune hausse du taux de nitrate du marais, est incompréhensible.
La confirmation d'une telle évolution réglementaire imposerait des frais exorbitants aux exploitants agricoles du secteur, qui devraient alors satisfaire à des exigences supplémentaires pour pouvoir bénéficier de la dérogation évoquée. En prenant comme référence le tarif demandé par un laboratoire en 2023, l'analyse des sols coûterait 8 500 euros – auxquels s'ajouteraient 5 750 euros de reliquats – dans une exploitation comptant cinquante îlots.
Monsieur le ministre de l'agriculture, je compte donc sur vous pour obtenir le maintien des conditions de dérogation et de la cartographie associée, restée inchangée depuis le troisième programme d'action.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Votre question porte en fait sur la fertilisation et la couverture hivernale dans le marais de Dol-de-Bretagne, mais également sur l'évolution de la réglementation. Comme vous l'avez rappelé, les parcelles de ce marais ne sont plus, depuis vingt ans maintenant, soumises à l'obligation de couverture hivernale des sols, du fait de leur nature particulière de ceux-ci. Ainsi, malgré l'intérêt de ces couverts, qui limitent les fuites d'azote par lessivage, les programmes d'actions nationaux nitrates (PAN) successifs ont reconnu les caractéristiques pédologiques des marais de Dol-de-Bretagne : le risque d'inondation fréquente d'une partie des sols y annule l'effet du couvert hivernal, notamment dans des parcelles très argileuses.
Je tiens d'abord à vous dire que le septième PAN maintiendra la possibilité – héritée de l'histoire – d'une dérogation à l'implantation d'un couvert végétal. Toutefois, il introduira le respect d'une exigence dans les îlots culturaux bénéficiaires de l'exemption : la réalisation d'une analyse de sol et d'un bilan azoté. Conformément au cadrage national, le plan breton a été mis à la consultation du public jusqu'au 10 mars. Il maintient bien la possibilité de dérogations dans le secteur du marais de Dol-de-Bretagne.
Je vous informe ensuite que des discussions sont encore en cours au niveau local, afin que les dérogations restent accessibles financièrement et que les démarches associées répondent à l'exigence de simplification annoncée au bénéfice des agriculteurs. En d'autres termes, ce travail local doit permettre le maintien de la dérogation et éviter que son accès n'impose une charge financière ou administrative trop importante aux exploitants. Nous pourrons donc préciser notre réponse dans les semaines qui viennent.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Bourgeaux.
M. Jean-Luc Bourgeaux. Pour participer à ces travaux, je sais qu'ils s'orientent vers la levée de l'obligation d'analyse des sols. Ma réflexion est la suivante : alors que les agriculteurs réclament plus de simplification – ce dont tous les Français sont témoins –, la réalisation d'un dossier annuel supplémentaire pourrait leur être imposée, et cela même si les analyses des sols perdaient leur caractère obligatoire. Cette situation serait aberrante et je plaide d'autant plus pour le maintien de l'organisation actuelle que la dérogation qu'elle prévoit n'a eu aucune conséquence négative en vingt ans d'application. Je réitère donc ma demande.
Auteur : M. Jean-Luc Bourgeaux
Type de question : Question orale
Rubrique : Agriculture
Ministère interrogé : Agriculture et souveraineté alimentaire
Ministère répondant : Agriculture et souveraineté alimentaire
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 mars 2024