Question orale n° 649 :
Procédures « préjudice écologique » des associations contre les agriculteurs

16e Législature

Question de : Mme Anne-Laure Blin
Maine-et-Loire (3e circonscription) - Les Républicains

Mme Anne-Laure Blin alerte M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les procédures judiciaires initiées par les associations en raison du « préjudice écologique » contre les agriculteurs ainsi que sur les gains escomptés sur ces procès. Elle souhaite connaître les intentions du Gouvernement pour que les associations dites environnementales n'aient plus d'avantages financiers à lancer des procédures judiciaires à l'encontre des agriculteurs et des pratiques agricoles.

Réponse en séance, et publiée le 13 mars 2024

PROCÉDURES JUDICIAIRES CONTRE LES AGRICULTEURS
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Serre, suppléant Mme Anne-Laure Blin pour exposer sa question n°  649, relative aux procédures judiciaires contre les agriculteurs.

Mme Nathalie Serre. En effet, je pose cette question au nom de ma collègue Anne-Laure Blin, députée de Maine-et-Loire, qui ne peut être présente ce matin pour raisons personnelles et dont vous connaissez l'engagement pour nos agriculteurs et la ruralité en général.

La souffrance du monde agricole et sa mobilisation, ces dernières semaines, montrent combien son mal-être est profond, comme en témoigne le nombre très élevé de suicides au sein de cette profession.

À cet égard, la communication d'Anne-Laure Blin et Éric Martineau au nom du groupe de travail sur les contrôles opérés dans les exploitations agricoles, a mis en exergue l'insécurité juridique dont souffrent les professionnels de l'agriculture et les difficultés évidentes qu'ils éprouvent pour répondre à l'inflation normative grandissante, qui est souvent sans concession pour les pratiques agricoles.

Indéniablement, les contrôles sont largement vécus comme autant de suspicions par les professionnels, qui sont pourtant les premiers protecteurs de l'environnement et de notre biodiversité. Le malaise est grandissant, sachant qu'un nombre croissant de ces contrôles sont issus de dénonciations à connotation environnementale.

Et pour cause : l'introduction, en 2016, de la notion de « réparation du préjudice écologique » à l'article 1248 du code civil permet à l'État, aux collectivités locales, aux organismes publics, mais aussi aux associations dites environnementales de saisir la justice et d'obtenir des dommages et intérêts. Eu égard à ce dispositif, il peut y avoir un intérêt financier à lancer des procédures judiciaires contre des pratiques agricoles.

Par exemple, en 2022, une association bien connue aux pratiques particulièrement intrusives a perçu plus de 280 000 euros de gains grâce à des procès engagés contre des exploitations agricoles. D'autres associations, dont les bilans financiers peu détaillés ne permettent pas d'établir un chiffrage précis, ont également obtenu des fonds de cette manière, lesquels ont ensuite été utilisés dans des campagnes à l'encontre de nos agriculteurs.

L'État de droit ne saurait pourtant être commandé dans le seul but de dégager des marges financières grâce à des procédures judiciaires engagées au seul motif, invoqué par une association, de l'intérêt environnemental. Nos institutions judiciaires doivent garantir l'impartialité et l'équité des procès, y compris sur ces sujets environnementaux, et ne peuvent ouvrir des brèches juridiques à des fins idéologiques.

Anne-Laure Blin souhaiterait donc connaître les intentions du Gouvernement pour remédier à ces dérives, qui poussent certaines associations à engager des procédures à l'encontre de nos agriculteurs. De plus, elle voudrait savoir si le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire envisage d'assurer une meilleure traçabilité et une meilleure transparence des bilans financiers des associations à caractère environnemental.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la ville et de la citoyenneté.

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la ville et de la citoyenneté. Depuis la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, le code civil dispose que toute personne responsable d'un préjudice écologique est tenue de le réparer.

Ce préjudice consistant en une atteinte non négligeable aux éléments et aux fonctions des écosystèmes, ou au bénéfice collectif tiré par l'homme de l'environnement, le législateur a limité l'action en réparation d'un tel préjudice à certaines catégories de personnes et aux associations agréées ou créées depuis au moins cinq ans à la date d'introduction de l'instance, qui ont pour objet la protection de la nature et la défense de l'environnement.

Afin de prévenir tout enrichissement indu au détriment de la réparation du préjudice écologique, le législateur a également prévu que cette réparation s'effectue par priorité en nature. C'est seulement lorsqu'une telle réparation est impossible, ou que les mesures qui peuvent être prises sont insuffisantes, que les juridictions peuvent condamner le responsable à verser des dommages et intérêts.

Dans cette hypothèse, les sommes sont versées au demandeur uniquement lorsque celui-ci les affecte à la réparation des dommages causés à l'environnement. Si ce demandeur ne peut le faire, elles sont versées à l'État. Le même principe s'applique aux astreintes.

Le système mis en place par le législateur en 2016 permet donc de s'assurer que l'action en réparation du préjudice écologique ne profite pas de manière indue à une personne privée, et est bien affectée à la réparation des dommages causés à l'environnement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Serre.

Mme Nathalie Serre. Je vous remercie pour ces éléments que je transmettrai à ma collègue Anne-Laure Blin. Le mal-être agricole est profond et nos agriculteurs attendent de réelles preuves d'amour. Les pratiques intrusives de certaines associations, le saccage des biens agricoles ou l'atteinte aux propriétés privées que sont les exploitations ne peuvent être laissées sans réponse. Le sentiment de méfiance, voire de défiance, envers nos agriculteurs ne saurait perdurer. Ces derniers méritent que nous tenions enfin compte des signaux d'alerte qu'ils nous envoient.

Nous attendons qu'un véritable changement de paradigme permette de restaurer la confiance à leur endroit. Cela passe par des mesures fortes, comme la présomption de bonne foi et la reconnaissance d'un droit à l'erreur. Notre collègue Blin a déposé une proposition de loi qui, nous l'espérons, pourra être adoptée dans les prochaines semaines par notre assemblée.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État. Le Président de la République a récemment proposé une extension du droit à l'erreur aux agriculteurs. Je partage d'ailleurs votre analyse même s'il ne s'agit pas de mon sujet de prédilection. Nous pourrons donc sans doute atteindre cet objectif de manière transpartisane.

Données clés

Auteur : Mme Anne-Laure Blin

Type de question : Question orale

Rubrique : Agriculture

Ministère interrogé : Agriculture et souveraineté alimentaire

Ministère répondant : Agriculture et souveraineté alimentaire

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 mars 2024

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