16ème législature

Question N° 651
de Mme Nathalie Serre (Les Républicains - Rhône )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Premier ministre
Ministère attributaire > Premier ministre

Rubrique > marchés publics

Titre > Appels d'offres

Question publiée au JO le : 05/03/2024
Réponse publiée au JO le : 13/03/2024 page : 1814

Texte de la question

Mme Nathalie Serre attire l'attention de M. le Premier ministre sur les appels d'offres émanant du Gouvernement qui pénalisent les entreprises françaises. L'entreprise Poyet-Motte, basée à Cours, dans la huitième circonscription du Rhône, est l'une des deux dernières entreprises françaises produisant des couvertures tissées. Pendant 20 ans, elle a fourni des couvertures à l'administration pénitentiaire, investissant dans du matériel et de la main-d'œuvre pour répondre à la demande. Cependant, lors du dernier appel d'offres de la direction de l'administration pénitentiaire, la société Poyet-Motte a perdu le marché au profit d'une entreprise proposant des couvertures en matière polaire importée d'Asie, de qualité inférieure. Cette perte est attribuée à des critères de sélection qui favorisent les entreprises étrangères, notamment asiatiques, au détriment des entreprises françaises. Aussi, elle lui demande s'il est possible de revoir le code de la commande publique afin de baisser le critère prix et de rehausser le critère RSE pour soutenir l'excellence française et permettre à l'industrie nationale de prospérer.

Texte de la réponse

CONDITIONS DES APPELS D'OFFRES PUBLICS


Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Serre, pour exposer sa question, n°  651, relative aux conditions des appels d'offres publics.

Mme Nathalie Serre. L’entreprise Poyet Motte, située à Cours, dans ma circonscription, est l’une des deux dernières entreprises françaises qui produisent des couvertures tissées. Elle est, depuis vingt ans, le fournisseur de l’administration pénitentiaire.

Pour répondre à la demande, l’entreprise a investi dans du matériel et de la main-d’œuvre. En octobre, elle a répondu à un nouvel appel d’offres de la direction de l’administration pénitentiaire. Malheureusement, ce marché a été attribué à une entreprise qui proposait de la matière polaire importée d’Asie, au pouvoir calorifique deux fois inférieur à celui des produits de la société Poyet Motte.

Cette dernière a déposé le 23 octobre 2023 une requête en référé précontractuel au tribunal administratif de Paris. Le 2 novembre, sans attendre l’audience, la direction de l’administration pénitentiaire a décidé d’abandonner la procédure et de lancer un nouvel appel d’offres.

Toutefois, la rédaction du cahier des charges ne laisse que peu de chances aux entreprises tricolores. D'abord, l’importance prépondérante du critère prix favorise les entreprises étrangères, particulièrement celles implantées en Asie. Ensuite, la baisse sensible du coefficient du critère qualité permet que soient utilisés des produits de qualité nettement inférieure à ceux proposés par les entreprises françaises. Enfin, le critère responsabilité sociale des entreprises (RSE) n'est pris en compte qu'à hauteur de 10 %, ce qui ne récompense pas les efforts des entreprises françaises – une étude menée par le cabinet Cycléco a démontré que fabriquer en France permet de diviser par deux l'empreinte carbone par rapport à une fabrication en Asie. À l’heure où l’écologie tient une place prépondérante dans le débat public, un tel cahier des charges est incompréhensible.

Vous prônez la réindustrialisation de la France mais vous établissez, pour les appels d’offres du Gouvernement, un cahier des charges totalement défavorable aux entreprises françaises. Comptez-vous revoir à la baisse le coefficient du critère prix au profit des critères techniques et RSE ? Laisserez-vous à l’excellence française une chance de rayonner dans l’Hexagone ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation. Votre question est relative à une administration centrale mais il me paraît important de rappeler en préambule le caractère parfois décentralisé des appels d'offres quand il s'agit de collectivités locales. Celles-ci ont une certaine liberté en la matière : heureusement, l'État ne les pilote pas. Les acheteurs publics, accompagnés et formés en partie par l'État, effectuent ces choix.

Le code de la commande publique autorise les acheteurs publics à établir un ordre entre les différents critères d'attribution. Ils peuvent ainsi donner la priorité à la valeur technique ou à la performance environnementale ou sociale, en retenant par exemple des entreprises qui sous-traitent certaines activités à des chantiers d'insertion ou à des entreprises adaptées – je le rappelle d'autant plus volontiers que je suis chargée de l'économie sociale et solidaire.

Dans les cahiers des charges des communes, comme dans ceux des administrations publiques, ces critères peuvent être affectés d'un coefficient plus ou moins élevé. Vous l'avez dit, c'est là que les entreprises françaises et européennes ont des positions à prendre et des marchés à gagner.

Mme Nathalie Serre. Tout à fait !

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée . Par ailleurs, grâce à la loi « climat et résilience », le prix ne pourra plus être le seul critère d'attribution des marchés publics à partir d'août 2026. L'acheteur devra aussi prendre en compte les caractéristiques environnementales des offres.

La route est longue, je vous l'accorde, mais nous sommes engagés sur le chemin. Les évolutions sont sensibles, je peux en témoigner pour en avoir débattu avec vous il y a deux ans. Lorsque nous formons les acheteurs publics, nous insistons sur la nécessité de pondérer davantage les critères sociaux et environnementaux, tout en leur laissant la main.

Cette démarche a été renforcée par la loi du 23 octobre 2023 relative à l'industrie verte. Le Gouvernement s'emploie actuellement à déterminer les secteurs auxquels ces obligations pourraient s'appliquer dès 2025. Ce texte permet aux acheteurs d'écarter les candidatures des entreprises qui ne respectent pas l'obligation de publication d'informations sur la durabilité des activités et d'établissement d'un bilan des émissions de gaz à effets de serre en scope 1, 2 ou 3. Les acheteurs disposent ainsi de différents outils.

Il me reste peu de temps, aussi en viens-je au cas particulier que vous évoquez. Je vous avoue mon étonnement, madame la députée, puisque ce marché public est lancé par une administration centrale. Je me propose d'en parler au garde des sceaux et au ministre de la transformation et de la fonction publique. Ainsi comprendrons-nous peut-être pourquoi, dans un cahier des charges rédigé par une administration centrale, le prix sert de critère d'arbitrage. C'est une réponse qu'il nous faut vous apporter.