ACCORDS DE LIBRE-ÉCHANGE
Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan, pour exposer sa question, n° 653, relative aux accords de libre-échange.
M. Nicolas Dupont-Aignan. Le Président de la République affirme ne pas vouloir signer l'accord entre l’Union européenne et le Marché commun du Sud, le Mercosur. Pourtant, de nombreux agriculteurs et de nombreux Français doutent de sa parole pour plusieurs raisons. J'en vois trois principales.
D'abord, en 2016, avant l’élection présidentielle, le Président de la République avait affirmé qu’il ne signerait jamais en l'état l'Accord économique et commercial global entre l'Union européenne et le Canada, dit Ceta. Or, après l'élection présidentielle, il a accepté sa scission, ce mécanisme technocratique européen qui permet d'appliquer un accord sans ratification parlementaire. Je pourrais aussi évoquer les très nombreux accords signés par l'Union européenne – avec la complicité de votre gouvernement – avec le Japon, le Vietnam, le Chili et, tout récemment, la Nouvelle-Zélande et le Kenya.
L'incohérence entre les discours et les pratiques est totale. Comment les agriculteurs pourraient-ils donc vous croire, d’autant qu’ils savent que vous venez d'approuver l'accord avec la Nouvelle-Zélande qui favorisera l'importation de viande ovine alors que les importations représentent déjà plus de 50 % de notre consommation ? S'y ajoute le coût écologique de l’importation de viande d’agneau en provenance d’un territoire éloigné de 18 500 kilomètres. Le prix au kilogramme est très inférieur au prix français, ce qui ruinera le peu d'exploitants de viande ovine qui restent dans notre pays – vous le savez bien, monsieur le ministre de l'agriculture.
Même aberration en ce qui concerne l'accord avec le Kenya, qui vient d'être signé le 18 décembre et qui entraînera la disparition des derniers producteurs de fleurs français, en plus des producteurs hollandais.
L'accord avec les pays du Mercosur prévoit d'importer 99 000 tonnes de bœuf, 180 000 tonnes de volaille, 650 000 tonnes d'éthanol, alors même que le Brésil vient de faciliter, par une loi du 28 décembre 2023, l'utilisation de nouveaux pesticides sous la pression de son agro-industrie. Il y a quelques jours, Emmanuel Macron et Gabriel Attal ont indiqué que « dans l'état des textes du Mercosur, la France s'oppose et continuera de s'opposer à cet accord de libre-échange ».
Pourtant, au même moment, le chef de cabinet du commissaire européen au commerce indiquait ceci : « Nous n'avons sûrement pas soudain déchiré nos documents pour rentrer chez nous et nous reposer dans un fauteuil. » Des négociateurs européens étaient encore sur place, au Brésil, il y a quelques mois ou quelques semaines. M. Scholz et Mme von der Leyen ont multiplié les déclarations en faveur d'une ratification rapide de l'accord. Tout récemment, le 6 mars, M. Lula déclarait : « Aujourd’hui, nous sommes prêts à signer un accord du Mercosur, mais la France a des problèmes avec ses agriculteurs. […] Ce qui me rassure, c'est que l'Union européenne ne dépend pas de la France pour conclure l'accord ».
Ma question est très simple : qui dit la vérité ? Quel sens donnez-vous à l'expression « s'opposer à l'accord en l'état » ? Ne s'agit-il pas d'une simple pause, dans l’attente des élections européennes du 9 juin ? Vous engagez-vous solennellement devant la représentation nationale à ne jamais accepter la signature de cet accord ? Il y va de la survie de notre modèle d'élevage. Une autre politique reste possible. Elle consiste à ériger des barrières douanières afin de protéger notre agriculture et notre industrie de cette concurrence déloyale qui détruit notre pays.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Vous avez évoqué l'accord avec le Mercosur ainsi que plusieurs autres accords. Je regrette, mais le Ceta est bénéfique pour la ferme France – les chiffres le montrent, vous pouvez dire le contraire –, notamment pour les fromages et les produits laitiers, comme nous l'avions prévu.
Le Président de la République avait dit qu'il s'opposait au Ceta car, à l'époque, il ne respectait pas plusieurs prérogatives. Nous avons fait ajouter des clauses miroir dans l'accord final, qui permettent de s'assurer que le Canada respecte l'accord de Paris relatif au climat. De même, l'accord conclu avec le Japon est favorable à la France.
On peut vouloir renoncer à la vocation exportatrice de notre agriculture mais, pour rappel, plus de la moitié de la production de céréales et de lait est exportée – et je ne parle même pas de la filière des vins et des spiritueux. Oui, nous avons besoin d'accords de commerce et d'échanges commerciaux, mais ils doivent être loyaux. C'est pourquoi la France s'est opposée à la signature de l'accord avec le Mercosur. J'ignore qui vous croyez ou souhaitez croire mais ce qu'il faut croire, ce sont les faits. Si nous ne nous étions pas opposés, ces derniers mois, à la signature de l'accord avec le Mercosur, il aurait été signé.
La France fait donc entendre sa voix et répète à qui veut l'entendre qu'elle ne peut accepter un accord qui ne respecterait pas la plupart des standards européens voire français, notamment environnementaux, en ce qui concerne les quantités et les pratiques agricoles. Ce n'est une découverte ni pour vous ni pour moi que M. Lula et nos partenaires allemands ont envie de signer un accord ; tout cela est sur la table et est transparent. Quant à nous, nous ne souhaitons pas que cet accord soit signé car certaines de ses clauses ne respectent pas les normes environnementales que nous défendons et déséquilibreraient les marchés. C'est ainsi que nous négocions ce contrat comme tous les autres. Récemment, nous avons refusé de conclure un accord avec l'Australie qui, précisément, a buté sur la question agricole.
En clair, nous sommes au rendez-vous des promesses que nous prenons ; néanmoins, on ne saurait s'affranchir du commerce international car il garantira l'expansion de notre agriculture.
Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.
M. Nicolas Dupont-Aignan. Un bilan de l'Union européenne montre que si ces accords ont pu être favorables dans certains secteurs, ils ont été néfastes dans d'autres, notamment l'élevage. Vous engagez-vous à refuser la scission de l'accord avec le Mercosur ?