16ème législature

Question N° 6605
de M. Julien Odoul (Rassemblement National - Yonne )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > professions judiciaires et juridiques

Titre > Précarisation grandissante de la profession de mandataire judiciaire

Question publiée au JO le : 21/03/2023 page : 2567
Réponse publiée au JO le : 11/04/2023 page : 3383

Texte de la question

M. Julien Odoul attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la précarisation grandissante de la profession de mandataire judiciaire. Le mandataire judiciaire à la protection des mineurs (MJPM) exerce, sur décision du juge des contentieux de la protection, des mesures de protection comme la sauvegarde de justice, les curatelles ou encore les tutelles. Il peut ainsi exercer sous différentes formes : il peut être salarié d'un service mandataire judiciaire à la protection des majeurs, préposé d'établissement ou mandataire exerçant à titre individuel et donc travailler en profession libérale. À l'heure actuelle, plusieurs professionnels qui exercent à titre individuel alertent sur une problématique récurrente concernant leur rémunération. En effet, les conditions de paiement des MJPM sont défectueuses sur certains territoires, pouvant aller jusqu'à altérer le fonctionnement de la mesure de protection et la saisine des juridictions administratives. La direction départementale de l'emploi, du travail et des solidarités (DDETS) tente aujourd'hui d'imposer aux MJPM individuels dans les conventions de financement des clauses destinées à soumettre leur rémunération à la perception effective de la subvention de l'État. Cela laisse donc supposer que les MJPM seraient amenés à travailler sans garantie financière si cette subvention n'est pas versée. À noter que depuis 2014, le ministère de la cohésion sociale a décidé de geler la rémunération des MJPM exerçant à titre individuel. Autrefois indexée sur le montant de l'AAH et du SMIC horaire, l'exécutif a donc tout bonnement supprimé cette indexation en créant un indice de référence fixe de 142,95 euros devant être revalorisé. Or depuis 2014, aucune revalorisation n'est intervenue, actant ainsi une différence de traitement entre les modes d'exercice de la profession alors qu'une mesure gérée par un MJPM individuel coûte trois fois moins cher que celle exercée par une association. Au vu de cette injustice, il souhaite connaître les mesures qu'il envisage pour mettre fin aux différences de traitement entre les modes d'exercice du métier de mandataire judiciaire et ainsi revaloriser la rémunération des MJPM individuels.

Texte de la réponse

Les principes guidant la rémunération des mandataires judiciaires à la protection des majeurs sont fixés aux articles 419 et 420 du code civil. Le code de l'action sociale et des familles en précise les modalités. Lorsque la mesure judiciaire de protection est exercée par un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, son financement est à la charge totale ou partielle de la personne protégée, en fonction de ses ressources, avec de manière subsidiaire un financement de l'Etat. Le code de l'action sociale et des familles prévoit des modalités de financement différentes entre les services mandataires et les mandataires individuels. Les premiers sont financés sous forme de dotation globale et les seconds sur la base de tarifs mensuels. Ces différences se justifient par des modalités d'organisation et de fonctionnement différentes qui entraînent des charges (personnel, fonctionnement et structure) importantes pour les services. Pour autant, les tarifs des mandataires individuels ont également vocation à couvrir les frais de fonctionnement de ces intervenants. Par ailleurs, pour tenir compte des différences en terme de charge de travail, les tarifs perçus par les mandataires individuels varient en fonction de la nature de la mesure, du lieu de vie et du niveau de ressources de la personne protégée. La protection juridique des majeurs est donc une politique publique très transversale, à la croisée des problématiques d'autonomie, de santé, de protection des droits fondamentaux, d'inclusion sociale des personnes âgées et handicapées et de lutte contre les maltraitances. Ce dispositif de solidarité, permet de répondre efficacement aux questions de vulnérabilité et d'isolement social, dans la mesure où le positionnement particulier des mandataires, judiciaire d'un côté, social de l'autre, leur permet d'accompagner les personnes et de garantir le respect de leurs droits, au plus près de leurs difficultés et de leurs besoins. L'État consacrera en 2023, 801M€ (PLF 2023) à la protection juridique des majeurs (+9.3% par rapport à 2022) dont plus de 108M€ pour les 2301 mandataires individuels agrées sur le territoire national. Conformément au principe de subsidiarité du financement public, ce montant vient compléter la participation financière des personnes à leur mesure de protection. Si les services mandataires sont financés sous la forme de dotation globale de financement, les mandataires individuels sont quant à eux tarifés à la mesure, la participation des personnes protégées intervenant pour eux en complément de rémunération. Ainsi, la part de la participation dans la rémunération des mandataires individuels atteint 40%, alors qu'elle n'intervient que pour 15% dans le budget des services. Des travaux sont en cours depuis plusieurs années en vue de réformer le financement du secteur de la protection juridique des majeurs, et cela quel que soit le mode d'exercice. Parmi les réflexions en cours, figure notamment la démarche initiée par la note méthodologique de l'IGAS d'octobre 2018 et par l'étude de coûts réalisée par le CGI-business consulting fin 2021. C'est également dans cette perspective globale que s'inscrivent les problématiques exposées par les mandataires individuels. Les fédérations représentant les MJPM individuels et les services MJPM seront donc étroitement associées à la suite de ces travaux.