16ème législature

Question N° 665
de M. Christian Girard (Rassemblement National - Alpes-de-Haute-Provence )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Santé et prévention
Ministère attributaire > Santé et prévention

Rubrique > professions de santé

Titre > Dégradation inquiétante du secteur de la santé dans les Alpes-de-Haute-Provence

Question publiée au JO le : 05/03/2024
Réponse publiée au JO le : 13/03/2024 page : 1796

Texte de la question

M. Christian Girard alerte M. le ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention sur la dégradation inquiétante du secteur de la santé dans les Alpes-de-Haute-Provence. Cette dégradation se constate à de nombreux niveaux : fermeture du service d'urgences pour l'hôpital de Manosque en raison du manque de personnel et suppression d'une trentaine de postes en janvier 2024. Après la suppression de postes à l'hôpital de Manosque sous prétexte de restrictions budgétaires, les services de santé de l'ensemble du département sont dans un état désastreux : il devient de plus en plus difficile de prendre un rendez-vous chez le dentiste, chez l'ostéopathe, chez l'oto-rhino-laryngologiste (ORL), voire même chez le médecin généraliste. Certes, des maisons de santé et des centres de soins non-programmés ouvrent ponctuellement, mais non seulement ceux-ci n'ont pas vocation à remplacer le service public de santé qui est objectivement déficient dans le département, mais en plus les patients qui sollicitent ces nouvelles structures privées sont confrontés à des dépassements d'honoraires qui impactent le pouvoir d'achat. La déficience du secteur public de la santé a donc de graves conséquences sur la prise en charge des patients malades. Aussi, M. le député demande à M. le ministre de lui communiquer le nombre de médecins formés dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA) depuis 2017. Il lui demande aussi quelles solutions il envisage pour intensifier le recrutement de médecins pour les urgences de l'hôpital de Manosque et comment il envisage d'attirer de nouveaux médecins généralistes et spécialistes dans ce département qui est l'un des plus enclavés de France.

Texte de la réponse

SERVICES DE SANTÉ DANS LES ALPES-DE-HAUTE-PROVENCE


Mme la présidente. La parole est à M. Christian Girard, pour exposer sa question, n°  665, relative aux services de santé dans les Alpes-de-Haute-Provence.

M. Christian Girard. J'appelle votre attention sur la situation des soins dans mon département des Alpes-de-Haute-Provence – disons plutôt leur dégradation, car depuis déjà de nombreux mois, voire de nombreuses années, la qualité de la prise en charge des patients bas-alpins s'effondre. Département enclavé, à la topographie difficile et abrupte, où chaque trajet se compte en vingtaines de kilomètres, notre territoire est à la fois un symbole de la France oubliée et un symptôme des carences du système de santé : pénuries de médicaments et d'antibiotiques, délais interminables pour obtenir un rendez-vous chez un spécialiste, manque de personnel, emprise technocratique de l'agence régionale de santé – ARS – sur la stratégie départementale de soins, entre autres.

De tous ces maux, l'hôpital de Manosque en est le cas le plus emblématique. Alors qu'il dessert un bassin de vie de 100 000 personnes, la situation y est catastrophique, avec plus de 220 jours de fermeture nocturne du service depuis près de deux ans ; encore avons-nous appris hier qu'il resterait fermé jusqu'au 18 mars.

La mobilisation générale des autorités, de mes collègues parlementaires, de la mairie, des patients et des corps intermédiaires semble n'avoir pas le moindre effet. L'agence régionale de santé fait la sourde oreille et renvoie nos concitoyens vers les hôpitaux de Digne-les-Bains, de Sisteron, de Pertuis et d'Aix-en-Provence – où la situation n'est guère meilleure, puisqu'une octogénaire y est récemment décédée, faute de surveillance du personnel soignant. Autrement dit, l'ARS renvoie les urgences à 50 kilomètres de Manosque : il n'y a pas plus hors-sol ! Cette situation n'est plus tenable, madame la ministre.

Aussi vous demanderai-je deux choses : combien de médecins ont été formés dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur depuis 2017 ? Quelles solutions envisagez-vous à la fois pour intensifier le recrutement de médecins urgentistes à l'hôpital de Manosque et pour attirer de nouveaux médecins généralistes et spécialistes dans ce département qui, encore une fois, est l'un des plus enclavés de France ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles. Le service d'accueil des urgences de l'hôpital de Manosque est en effet l'un des trois services de cette nature dans le département des Alpes-de-Haute-Provence. Sa situation est très préoccupante : vous l'avez rappelé, il a connu plus de 266 nuits et trente-deux jours de fermeture lors de la seule année 2023. Le problème principal est connu : il tient au manque de médecins urgentistes – ils ne sont que neuf alors qu'il en faudrait seize – et a entraîné une forte baisse de l'activité, d'où un report de la charge sur les établissements voisins – lesquels sont confrontés à des problèmes similaires.

L'ARS apporte cependant un soutien significatif à l'établissement, tant sur le plan financier – y compris sous la forme d'une aide à la trésorerie qui a atteint 3 millions d'euros au cours des deux dernières années – que sur le plan opérationnel et organisationnel – renforcement des moyens du Samu et appui à la politique de gestion des ressources humaines de l'établissement. Le directeur général de l'ARS s'est tenu aux côtés de l'hôpital pour signifier non seulement son soutien mais, surtout, l'importance du suivi de ces mesures.

En réalité, tous les départements sont concernés par les contraintes d'accès aux soins de premiers recours en raison de la géographie et de la démographie médicales. Des efforts significatifs ont été consentis, notamment pour soutenir le déploiement de maisons de santé pluridisciplinaires – leur nombre est passé à quatre en 2018 puis à seize en 2024 –, pour financer des bourses et augmenter le nombre de places de stage afin d'attirer le plus grand nombre d'internes sur le territoire, ou encore pour rehausser, de l'ordre de 20 % d'ici à 2027 – vous demandiez le chiffre – le nombre de médecins formés dans la région.

Si des défis subsistent, le département affiche une évolution plutôt positive : le taux élevé de médecins généralistes – 94 pour 100 000 habitants – surpasse la moyenne nationale, et les nouvelles installations de médecins – 17 l'année dernière – témoignent d'une tendance encourageante. Il n'en reste pas moins que les points sur lesquels vous nous alertez sont préoccupants, mais tels sont les éléments que le ministre de la santé tenait à vous communiquer.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Girard.

M. Christian Girard. Je me doutais de votre réponse car j'ai consulté celles qui ont été apportées à mon collègue sénateur : elles se limitaient à renvoyer la balle dans le camp du Samu. Ce n'est pas suffisant ; des vies sont en jeu. Des maisons de santé et des centres de soins non programmés ouvrent ponctuellement, nous dit-on, mais ils n'ont pas vocation à remplacer le service public de santé, qui est objectivement déficient dans le département. De plus, les patients qui sollicitent ces nouvelles structures privées sont confrontés à des dépassements d'honoraires qui impliquent de nouvelles dépenses, comme autant de coups de boutoir portés au pouvoir d'achat de nos concitoyens.

Le problème est que Manosque – vous l'avez dit – n'est pas un cas isolé. Notre système de santé, qui était l'un des meilleurs du monde, connaît un véritable naufrage : c'est à se demander où vont les impôts de nos concitoyens.