Manque de soignants en Hainaut et Denaisis provoquant un désert médical
Question de :
M. Sébastien Chenu
Nord (19e circonscription) - Rassemblement National
M. Sébastien Chenu interroge Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités sur l'augmentation des déserts médicaux dans le département du Nord et particulièrement dans le Hainaut/Denaisis. Actuellement, 7,4 millions de Français, dont une partie significative dans la région Hauts-de-France, font face à des difficultés d'accès aux soins de base, entraînant des déplacements conséquents pour bénéficier de services médicaux élémentaires. L'accès aux spécialistes de la médecine de ville dans la région pose d'importants défis. Selon l'UFC-Que choisir des Hauts-de-France, évaluant l'offre médicale accessible dans un rayon de moins de 45 minutes, 38 % des enfants vivent dans un désert médical pour l'accès à un pédiatre, tandis que 18 % des femmes résidant dans les Hauts-de-France se trouvent dans un désert médical pour l'accès à un gynécologue. De plus, l'accès à un ophtalmologue constitue une difficulté majeure pour 22 % des habitants de la région. Bien que la situation soit moins critique pour les généralistes, des difficultés d'accès subsistent en dehors des stricts déserts géographiques médicaux. En effet, 18 % des habitants de la région rencontrent des obstacles pour accéder à un maillon essentiel du parcours de soins en moins de 30 minutes de route, dépassant la moyenne nationale. Les dépassements d'honoraires représentent aussi un obstacle significatif à l'accès aux spécialistes, selon l'UFC-Que choisir des Hauts-de-France. Lorsque le cabinet d'un médecin est accessible dans un délai raisonnable, le tarif de consultation devient une préoccupation majeure, surtout pour ceux dont les complémentaires santé ne couvrent que partiellement ou pas du tout les dépassements d'honoraires. En ne considérant que les médecins appliquant le tarif de base de la sécurité sociale, la réalité est que respectivement 72 % des enfants, 62 % des femmes et 76 % des habitants des Hauts-de-France sont confrontés à un désert médical. Dans le Hainaut, selon une enquête récente de la presse locale La Voix du Nord, 46 généralistes sont partis entre le 2 mars 2021 et le 2 janvier 2023 sans être remplacés, laissant de nombreux patients sans médecin traitant. S’il faut saluer les initiatives qui naissent pour tenter de pallier ce manquement à l'instar de la communauté professionnelle territoriale de santé, qui a lancé une permanence pour les soins non programmés en partenariat avec l'hôpital de Denain, cela demeure malheureusement insuffisant tant la tension est forte. Il lui demande ainsi quelle trajectoire elle compte mettre en place pour remédier à ce manque et les objectifs fixés par le Gouvernement concernant la nécessaire revalorisation de la profession qui garantit son attractivité. Il lui rappelle aussi que ces questions ont fait l'objet de plusieurs propositions de la part de son groupe parlementaire, notamment et entre autres sur l'incitation financière forte de nouveaux praticiens par une rémunération modulée selon le lieu d'installation des praticiens qui s'installeraient dans les territoires les plus en tension, l'augmentation du nombre de places dans les facultés de médecine... et que celles-ci restent sans réponse jusqu'à ce jour et constituent la raison de cette question orale sans débat. Il souhaite connaître sa position sur le sujet.
Réponse en séance, et publiée le 13 mars 2024
DÉSERT MÉDICAL DANS LE HAINAUT ET LE DENAISIS
Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Chenu, pour exposer sa question, n° 668, relative au désert médical dans le Hainaut et le Denaisis.
M. Sébastien Chenu. Autrefois, notre système de santé était perçu comme particulièrement exemplaire. Il était même envié, présenté comme l'un des meilleurs du monde. Les années ont passé et la gestion comptable a provoqué sa dégradation, avec un paradoxe, car il est aussi devenu plus cher et plus difficile d'accès.
Sont également apparus les déserts médicaux, des endroits où les obstacles géographiques, temporels et socio-économiques compliquent l'accès à une offre médicale de qualité : dans les Hauts-de-France, 38 % des enfants vivent dans un désert médical pédiatrique ; 18 % des femmes dans un désert médical gynécologique ; 22 % des habitants dans un désert médical ophtalmologique ; enfin, 18 % rencontrent des obstacles pour accéder, en moins de trente minutes de route, à une offre médicale de qualité – c'est-à-dire dépassant la moyenne nationale. À Denain, dans ma circonscription, les indicateurs de santé sont encore moins bons que dans le reste de la région, elle-même sous la moyenne du pays.
Les champs d'intervention existent. Nous avons déjà fait des propositions : incitations financières pour l'installation des médecins dans les zones sous-dotées ; télémédecine ; modalité des rémunérations ; hausse du nombre des maisons de santé – je salue d'ailleurs l'action des maires qui sont souvent à l'initiative en la matière.
Face à cette urgence, ma question est triple : quelles sont les stratégies du Gouvernement pour répondre aux besoins de la région ? Quelles perspectives ouvre-t-il pour l'hôpital de Denain ? Enfin, combien de médecins – formés – les Hauts-de-France verront-ils prochainement prendre leur fonction ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles.
Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles. L'accès aux soins est une préoccupation majeure dans l'ensemble des territoires, en particulier dans le vôtre. C'est pourquoi l'État est présent pour assurer un accompagnement, comme en témoignent de nombreuses mesures et initiatives.
Ainsi, le département du Nord a été l'un des premiers à ouvrir un service d'accès aux soins pour répondre aux demandes de soins non programmés. Les médecins généralistes se voient proposer des incitations financières à l'installation et une aide conventionnelle est accordée par l'assurance maladie à ceux qui s'installent dans une commune classée en zone d'intervention prioritaire. Il s'agit, bien entendu, de réduire les inégalités territoriales.
À l'initiative du conseil départemental et avec le soutien de l'agence régionale de santé (ARS), des centres de santé départementaux sont en cours de création dans les territoires les plus en difficulté. Ainsi, un centre a d'ores et déjà ouvert à Cuincy, dans le Douaisis, et un projet est en cours de réalisation en Sambre-Avesnois. Par ailleurs, une maison médicale de garde a été récemment installée au centre hospitalier de Denain.
L'enquête récente de La Voix du Nord qui fait état du départ de quarante-six généralistes non remplacés entre 2021 et 2023 ne tient pas compte de la situation globale des installations dans ce territoire car, au cours de la même période, au total, quatre-vingt-seize généralistes se sont installés.
Enfin, parce que l'accès aux soins s'inscrit dans un cadre pluriprofessionnel, il faut relever que le recours aux infirmiers en pratique avancée se développe très bien dans votre région : les unités de formation et de recherche (UFR) de Lille et d'Amiens proposent désormais quatre-vingt-quinze places. En outre, le nombre d'étudiants admis en première année de médecine y a augmenté de plus de 33 % entre 2016 et 2023.
Soyez donc assuré que l'État se mobilise, aux côtés des collectivités locales – dont vous avez salué l'action –, pour renforcer l'attractivité du territoire pour les soignants et garantir une offre de soins de qualité ; telle est notre priorité. Il s'agit de coconstruire les solutions avec les territoires en apportant, à chaque fois que c'est nécessaire, un soutien et des réponses spécifiques.
Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Chenu.
M. Sébastien Chenu. Ce reproche ne vous est pas adressé personnellement, mais votre réponse me laisse évidemment sur ma faim. L'accès aux soins est, dites-vous, une préoccupation majeure, une priorité. Soit, mais on le dit à tout propos : selon le Premier ministre, l'agriculture est au-dessus de tout, l'éducation nationale est une priorité, la santé en est une autre… Quand tout est prioritaire, au fond, plus rien ne l'est.
J'aurais souhaité que le ministre de la santé s'exprime, par votre voix, sur les perspectives qui peuvent être offertes aux infirmiers libéraux – car, dans ce domaine également, il y a à faire – ou qu'il apporte une réponse concrète à la question de l'avenir de l'hôpital de Denain, puisqu'il a été saisi d'un certain nombre de demandes d'amélioration de l'offre hospitalière dans cette commune. Mais il se décerne un autosatisfecit et n'annonce hélas rien de très concret. Je suis donc déçu pour les habitants du Nord, en particulier pour ceux de ma circonscription.
Auteur : M. Sébastien Chenu
Type de question : Question orale
Rubrique : Professions de santé
Ministère interrogé : Travail, santé et solidarités
Ministère répondant : Travail, santé et solidarités
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 mars 2024