Droit au temps partiel thérapeutique dans la fonction publique
Question de :
M. Jean-Claude Raux
Loire-Atlantique (6e circonscription) - Écologiste - NUPES
M. Jean-Claude Raux appelle l'attention de M. le ministre de la transformation et de la fonction publiques sur les conséquences néfastes des restrictions au bénéfice d'un temps partiel thérapeutique pour les fonctionnaires. L'article L. 823-5 du code de la fonction publique restreint le recours au temps partiel thérapeutique à une période, continue ou discontinue, d'un an au maximum. À cette limite s'ajoute un délai de carence d'une année, inscrite à l'article L. 823-6 du même code, après l'expiration pour le fonctionnaire de son droit au temps partiel thérapeutique. Ces limitations paraissent en contradiction avec l'objectif de préservation de la santé et de maintien de l'insertion sociale et professionnelle des personnes. Les fonctionnaires bénéficiaires d'un temps partiel thérapeutique connaissent une impossibilité de service complet, que ce soit par un processus de dégradation de leur santé lié à une maladie ou bien par un parcours de sortie de maladie et de retour progressif vers l'emploi. La durée limitée du temps partiel thérapeutique et le délai de carence de renouvellement de ce droit entravent les perspectives de poursuite de l'activité professionnelle. En effet, au terme d'un an de temps partiel thérapeutique, deux options s'offrent aux fonctionnaires, qui ne sont ni viables, ni souhaitables. Les fonctionnaires concernés, atteints de pathologies graves chroniques, se retrouvent confrontés à un choix cornélien entre la protection de leur santé et le maintien de leurs revenus professionnels : soit ils reprennent un service à temps complet, soit ils peuvent demander un service à temps partiel. Revenir à temps complet permet de conserver l'entièreté du traitement mais constitue une source de risques pour l'état de santé, alors que la maladie est toujours présente et peut s'aggraver de manière impromptue. Si le passage au service à temps partiel offre l'avantage de préserver la santé, il détériore les conditions financières du fonctionnaire par une perte immédiate d'une partie de son traitement antérieur et par une pénalisation des droits futurs à la retraite, dont le montant de la pension. Une troisième possibilité pourrait consister à permettre de concilier un temps de travail adapté pour les fonctionnaires atteints d'une pathologie grave ou d'une maladie chronique avec un maintien des ressources au niveau du traitement indiciaire. Par force de nécessité, la majorité des fonctionnaires concernés, dont au premier rang des femmes, en arrivent à travailler au-delà et contre ce que permet leur situation médicale afin de subvenir financièrement à leurs besoins et afin de ne pas être pénalisés dans leur carrière. M. le député considère qu'une société d'égalité et d'inclusion doit permettre aux personnes de mener une vie sociale et professionnelle tenant compte de leur situation de santé sans pour autant les pénaliser financièrement. À ce titre, l'État possède un rôle primordial comme premier employeur de France. Il l'interroge ainsi sur le bien fondé de ces deux règles limitatives du temps partiel thérapeutique et sur les évolutions envisageables en faveur du maintien en emploi, souvent reconnu comme un facteur de rétablissement et du niveau de vie des fonctionnaires.
Réponse en séance, et publiée le 27 mars 2024
TEMPS PARTIEL THÉRAPEUTIQUE DANS LA FONCTION PUBLIQUE
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Raux, pour exposer sa question, n° 671, relative au temps partiel thérapeutique dans la fonction publique.
M. Jean-Claude Raux. Ma question, qui s'adresse au ministre de la transformation et de la fonction publiques, porte sur les restrictions du temps partiel thérapeutique pour les fonctionnaires. Celui-ci est présenté, à juste titre, dans les textes et sur le site internet du ministère, comme favorisant l'amélioration de l’état de santé de l’agent et permettant de retrouver un emploi compatible avec son état de santé. Tel est l’intérêt social et économique du dispositif.
Prenons l’exemple d’une infirmière de la fonction publique hospitalière à laquelle on a diagnostiqué une maladie chronique grave. Après de longs mois d’arrêt de travail et de traitement, son état lui permet de reprendre son activité professionnelle. Un temps partiel thérapeutique lui est donc accordé, ce qui lui permet de continuer à percevoir son traitement indiciaire et indemnitaire en totalité. Le mi-temps thérapeutique se déroule très bien, mais il a une fin. La loi limite en effet le temps partiel thérapeutique à une durée maximum d’un an, qui peut certes être renouvelée, mais après une période de carence d’un an. L'infirmière doit alors faire un choix : reprendre son travail à temps plein ou demander un service à temps partiel. Elle doit en réalité choisir entre maintenir son niveau de revenu ou préserver sa santé.
Reprendre une activité professionnelle à temps plein permet certes de conserver l'entièreté de son traitement, mais nuit potentiellement à son état de santé, alors que la maladie est toujours là et peut s’aggraver de manière inattendue. C'est une absurdité médicale. Passer à un service à temps partiel permet de rendre la durée de travail compatible avec sa santé, mais inflige une perte de revenu non compensée : une perte immédiate et une perte future, en cas de nouvel arrêt maladie – les indemnités journalières seront calculées sur la base du service effectué –, puis, à terme, par une pénalisation touchant le montant de la retraite. C’est une absurdité sociale.
Madame la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, à la place de cette infirmière, qu’auriez-vous choisi ? Par nécessité, la grande majorité des personnes concernées décident de travailler davantage que ce que permet leur situation médicale, en contradiction avec leur état de santé. Nous le savons, restreindre à une année le temps partiel thérapeutique, c’est parfois condamner les fonctionnaires touchés par des pathologies graves à cesser de travailler définitivement. Pourquoi risquer de priver ces personnes d'emploi, et la fonction publique de leurs services ?
Pourtant, le travail, lorsqu’il est choisi, peut être facteur de rétablissement. Dans le cadre d’une réforme de la fonction publique, envisagez-vous de supprimer les restrictions actuelles pour protéger la santé et le niveau de vie des fonctionnaires concernés ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Vous avez souhaité interroger Stanislas Guerini au sujet du droit au travail à temps partiel pour raison thérapeutique des fonctionnaires. Ce droit s'inscrit dans la logique des droits complémentaires aux droits à congé pour raison de santé, avec maintien de l'intégralité du traitement, et ne s'apparente pas à un droit à indemnisation en cas d'incapacité de travail. Le dispositif n'a pas vocation à être pérenne, ce qui justifie sa durée d'un an et le délai d'un an pour son renouvellement.
Toutefois, le Gouvernement a conscience que les modalités de prise en charge n'étaient pas adaptées à toutes les situations. Jusqu'à présent, après épuisement des droits à congés pour maladie, si l'agent ne pouvait reprendre une activité professionnelle, il était mis à la retraite pour invalidité, à sa demande ou à l'initiative de l'administration. Face à cette injustice, le 20 octobre dernier, le ministre a signé un accord relatif à l'amélioration des garanties de prévoyance dans la fonction publique de l'État. Cet accord renforcera la prise en charge, le maintien et le retour dans l'emploi des agents concernés par l'incapacité et l'invalidité. En outre, en cas d'invalidité, l'État s'est engagé à ne plus mettre les fonctionnaires en retraite forcée, mais à compenser la perte de capacité de travail. Le montant de cette prestation variera selon que l'invalidité permet ou non d'exercer une activité.
Ce nouveau dispositif permettra également aux fonctionnaires de se constituer des droits à la retraite. Il sera ainsi possible pour les fonctionnaires concernés par une incapacité pérenne de cumuler ce nouveau droit avec un revenu d'activité. D'ici à sa mise en place au 1er janvier 2027, un régime transitoire sera prévu pour permettre une prise en charge des agents déclarés invalides entre le 1er janvier 2025 et l'entrée en vigueur du nouveau dispositif.
Vous le voyez, mon collègue Stanislas Guerini est pleinement impliqué afin de permettre aux agents publics de poursuivre leur carrière malgré les accidents de la vie auxquels ils peuvent être confrontés.
Mme la présidente. Monsieur Raux, souhaitez-vous intervenir ?
M. Jean-Claude Raux. Non, la réponse me convient.
Mme la présidente. Nous allons suspendre la séance en attendant l'arrivée imminente d'un membre du Gouvernement qui répondra aux questions suivantes.
Auteur : M. Jean-Claude Raux
Type de question : Question orale
Rubrique : Fonctionnaires et agents publics
Ministère interrogé : Transformation et de la fonction publiques
Ministère répondant : Transformation et de la fonction publiques
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 mars 2024