16ème législature

Question N° 6731
de M. Bruno Fuchs (Démocrate (MoDem et Indépendants) - Haut-Rhin )
Question écrite
Ministère interrogé > Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Ministère attributaire > Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Rubrique > entreprises

Titre > Plan de restructuration d'Orpéa et spoliation des actionnaires historiques

Question publiée au JO le : 28/03/2023 page : 2789
Réponse publiée au JO le : 30/01/2024 page : 659
Date de changement d'attribution: 12/01/2024

Texte de la question

M. Bruno Fuchs attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur le sort manifestement inéquitable que le plan de restructuration du groupe Orpéa réserve à ses actionnaires historiques. Fraudes comptables, malversations, manquements éthiques et pire, maltraitances des résidents, la publication du livre Les fossoyeurs il y a un an, allaient entraîner la descente aux enfers du groupe Orpea, leader européen de la prise en charge de la dépendance. M. le député rappelle combien les révélations sur la gestion de ce groupe à la tête de plus de mille établissements avaient suscité l'indignation et la condamnation légitimes de tous, face à l'indécence du traitement ainsi réservé aux anciens, écorchant au plus haut point la valeur de solidarité intergénérationnelle qui doit fonder notre société du vivre ensemble. La sanction évidente des différentes étapes de la tourmente financière qui allait en résulter s'incarne dans l'écroulement de la valeur de l'action qui est passée de 90 euros en janvier 2022 à environ 3 euros le titre. En conséquence, un accord sur un plan de restructuration a été acté, donnant le contrôle de 50,2 % du capital à un groupe de nouveaux investisseurs emmenés par la Banque des territoires, anciennement Caisse des dépôts et consignations. L'élu souligne que ce plan de restructuration a fait entrer les créanciers chirographaires dans le capital à hauteur de 49 % tandis que les actionnaires historiques ne contrôlent plus que 0,4 % de ce dernier, avec à la clef une valeur de leur titre qui est passée de 90 euros à 0,20 euros, soit une perte de 99,8 % ! Dans ce contexte lourd, alors que la seule orientation responsable d'une restructuration devait à l'évidence passer par un assainissement préalable à tout espoir de ressort et de développement du groupe fragilisé à la réputation entachée, M. le député s'étonne de ce que, au contraire, le plan de restructuration s'échafaude sur l'objectif ambitieux d'une croissance annuelle de l'ordre de 4 % permettant des investissements massifs à hauteur de 2,5 milliards d'euros en tablant sur une progression du chiffre d'affaires de 9 milliards. Autant de paramètres dignes des entreprises les plus agiles et performantes, qui laissent le parlementaire dubitatif sur la viabilité d'un tel pari. Cette orientation interroge plus encore quand on apprend que les actionnaires historiques ont été totalement tenus à l'écart de la décision et surtout ont été exclus de l'augmentation de capital, caractérisant, à ses yeux, une procédure exorbitante de droit commun qui interroge sur son fondement. M. le député souligne que ce climat de suspicion de spoliation des actionnaires historiques se renforce quand on considère les résultats affichés du groupe Orpéa en 2022, qui, malgré le scandale, font état d'une progression du CA de près de 9 % pour s'élever à plus de 4,5 milliards d'euros, affichant une marge sur CA confortable d'environ 17 %... Autant d'indicateurs économiques, on en conviendra, qui ne sont pas ceux d'un groupe dont le titre s'échangerait à 0,20 euros. Il souhaite donc savoir si, aux vues des incohérences des indicateurs économiques du groupe Orpéa rapportées au sort réservé aux actionnaires historiques, il entend exiger un contrôle approfondi du bien-fondé et de l'équité du plan de restructuration.

Texte de la réponse

La restructuration du groupe Orpéa intervient dans le cadre du nouveau régime de la procédure de sauvegarde accélérée, qui est issu de l'ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021 portant modification du Livre VI du Code de commerce, laquelle a transposé la directive (UE) 2019/1023 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 sur la restructuration et l'insolvabilité. Ce nouveau régime repose sur un nouveau dispositif d'élaboration et d'adoption des plans de sauvegarde. Ce dispositif permet désormais de passer outre l'opposition des parties affectées par le plan de sauvegarde – qu'il s'agisse de créanciers ou d'actionnaires – en leur imposant le plan de sauvegarde, en particulier lorsqu'ils n'ont plus d'intérêt économique au sauvetage de l'entreprise. Plusieurs conditions doivent être satisfaites, qui sont autant de protections pour les parties auxquelles le plan de sauvegarde est imposé. Des conditions – et donc des protections – supplémentaires sont prévues au bénéfice des actionnaires. En particulier, les actionnaires doivent être « en dehors de la monnaie » (c'est-à-dire qu'on doit pouvoir raisonnablement supposer, après détermination de la valeur du débiteur en tant qu'entreprise en activité, que les actionnaires dissidents n'auraient droit à aucun paiement ou à ne conserver aucun intéressement si l'ordre de priorité des créanciers pour la répartition des actifs en liquidation judiciaire ou du prix de cession de l'entreprise était appliqué). L'ensemble de ces conditions sont contrôlées par l'autorité judiciaire, sous l'égide de laquelle la procédure est placée. Le contrôle de l'autorité judiciaire s'exerce dans un cadre contradictoire et permet l'exercice de voies de recours. En outre, l'autorité judiciaire peut faire appel à des experts indépendants, en particulier sur les questions de valorisation, qui sont au cœur du nouveau dispositif (en particulier pour déterminer dans quelle mesure le plan de sauvegarde peut être imposé à telle ou telle partie affectée). Par ailleurs, lorsque l'entreprise concernée est une société cotée, l'Autorité des marchés financiers veille à la bonne application des règles boursières. C'est dans ce cadre et en application de l'ensemble de ces règles et protections – et sous le contrôle de l'autorité judiciaire, compétente au premier chef – que la restructuration du groupe Orpéa intervient.