16ème législature

Question N° 6736
de M. Laurent Alexandre (La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale - Aveyron )
Question écrite
Ministère interrogé > Santé et prévention
Ministère attributaire > Santé et prévention

Rubrique > établissements de santé

Titre > Continuité de l'offre de soin en Aveyron

Question publiée au JO le : 28/03/2023 page : 2819
Réponse publiée au JO le : 12/12/2023 page : 11261
Date de changement d'attribution: 21/07/2023

Texte de la question

M. Laurent Alexandre alerte M. le ministre de la santé et de la prévention de nombreux échos très inquiétants de la part de professionnels de santé et parties prenantes du dernier conseil territorial de santé sur la situation de l'offre de soin dans le département de l'Aveyron et ses perspectives à court terme, notamment dans sa circonscription de l'ouest-Aveyron qui comprend deux hôpitaux, à Villefranche-de-Rouergue et à Decazeville. D'ores et déjà, des services se trouvent sous haute tension et fonctionnent habituellement avec un recours important aux intérimaires. C'est notamment le cas de la réanimation et des urgences à Villefranche-de-Rouergue et Decazeville et de la maternité à Villefranche-de-Rouergue. La situation de la maternité est d'autant plus préoccupante que le rapport Ville préconise la fermeture des maternités pratiquant moins de 1 000 accouchements. C'est le cas de celle de Villefranche avec ses 500 naissances annuelles. Cette logique comptable hors-sol met en danger les territoires mais aussi les femmes des zones rurales qui devraient alors faire de trop nombreux kilomètres sur les routes pour accoucher, avec tous les risques et les angoisses que cela comporte. De la même manière, le CH de Decazeville peine à se remettre du grave incendie qui s'est tenu au mois de mai 2022 et malgré les efforts admirables du personnel soignant, son laboratoire d'analyses médicales est menacé de fonctionner de manière restreinte à cause de l'impossibilité de compenser le départ à la retraite de sa biologiste cet été. Plus généralement, en Aveyron, avec la mise en œuvre de l'article 33 de la loi Rist au mois d'avril 2023, un risque fort de rupture de l'offre de soins sur le territoire serait envisagé. Pire, de nombreux personnels s'inquiètent même d'une possible fermeture de services d'urgence la nuit. M. le député n'ose penser qu'une telle issue à court terme soit envisagée sans que les parlementaires n'en soient informés. Il n'ose penser qu'une telle issue soit envisagée alors que plusieurs milliers de personnes se trouveraient alors à plus d'une heure de route d'un service d'urgence, en rupture avec les principes d'égalité de traitement des citoyens qui fondent la République et la sécurité sociale. Il n'ose penser qu'une telle issue soit envisagée alors que sa circonscription compte plusieurs activités industrielles à risque classées Seveso. M. le député ne remet pas en question la volonté de rééquilibrer la rémunération entre les professionnels de santé intérimaires et ceux en poste à l'hôpital. Il ne nie pas non plus les difficultés de recrutement du personnel médical en Aveyron. Cependant, il est très préoccupé, après de nombreux échanges avec des professionnels variés, par la capacité de son territoire à fournir aux citoyens une continuité dans l'offre de soins dans ce contexte précis. Clairement, si une application de la loi Rist au 1er avril 2023 devait avoir comme conséquence la fermeture de services de santé en raison de l'absence de praticiens, il est de la responsabilité de M. le ministre d'actionner à temps les leviers politiques nécessaires que pour que des réponses urgentes soient apportées. Différents outils existent comme l'amélioration de l'attractivité, des conditions de travail et de la rémunération des carrières hospitalières, la nécessaire régulation de l'installation des médecins, l'astreinte possible des médecins pour les nuits et les week-ends, voire les réquisitions de personnels et notamment des intérimaires. M. le député demande à M. le ministre des éclaircissements sur la situation du département de l'Aveyron. Des services d'urgence risquent-ils d'être effectivement fermés de nuit ? Si oui, dans quels établissements du département et pour combien de temps ? D'autres services sont-ils menacés ? Quelles mesures compte-t-il mettre en œuvre pour assurer la continuité de l'offre de soin en Aveyron ? Il souhaite connaître les réponses à ces questions.

Texte de la réponse

Face aux difficultés d'accès aux soins, les réponses doivent être partagées, pragmatiques et adaptées à la réalité de chaque territoire. Ainsi, la place essentielle de la maternité de Villefranche-de-Rouergue dans sa zone géographique doit être confortée. L'objectif partagé avec la direction et le président du conseil de surveillance de l'établissement est donc de poursuivre le recrutement médical et de renforcer la coopération avec le Groupement hospitalier de territoire (GHT) du Rouergue. Une convention-cadre permet déjà aujourd'hui de proposer des consultations avancées pour les femmes enceintes grâce aux interventions d'un praticien de Rodez et cette filière est amenée à se développer encore dans le cadre du renouvellement du projet médical et soignant du GHT. En ce qui concerne le Centre hospitalier (CH) de Decazeville, les orientations présentées par le Directeur général de l'agence régionale de santé (DGARS) lors de sa visite avec le Préfet de l'Aveyron le 11 janvier 2023 restent valables, à savoir un soutien fort de l'Etat dans la cadre de la reconstruction de l'hôpital après l'incendie de mai 2022. Les équipes du CH accompagnées par l'Agence régionale de santé (ARS) travaillent actuellement sur un schéma directeur pour que les services puissent offrir des activités de soins dans des locaux adaptés et un cadre budgétaire sécurisé. Le DGARS a proposé que cet établissement soit labellisé "hôpital de proximité" tout en conservant ses urgences, et sa chirurgie ambulatoire par dérogation. Cette dérogation a été citée en exemple par Madame la Première Ministre lors de sa venue en Aveyron le 7 avril 2023, à l'occasion de laquelle elle a présenté le nouveau pouvoir de dérogation donné aux DGARS pour adapter la réglementation aux spécificités territoriales et besoins de l'offre de soins en proximité. Par ailleurs, le renforcement de la radiologie publique et privée apporte de nouvelles opportunités de diagnostic et de suivi thérapeutique dans le bassin decazevillois où les indicateurs de santé montrent un besoin de développer la prévention et le dépistage. Au sujet du laboratoire d'analyse, le départ du médecin biologiste titulaire début juillet 2022 et l'absence de remplaçant malgré les recherches effectuées depuis plusieurs mois ont amené la direction de l'hôpital, après concertation avec les représentants du personnel, à travailler une adaptation de l'organisation. L'objectif est de maintenir le site de Decazeville et les emplois rattachés, en mettant en place un laboratoire commun avec le CH de Rodez dans des conditions répondant aux normes de qualité et de sécurité. S'agissant de la mise en œuvre de l'article 33 de la loi du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, en complément des informations déjà transmises par le DGARS aux préfets et élus de l'Occitanie le 27 février puis le 24 mars 2023, un travail de concertation et de recherche de solutions avec les CH du département a été mis en œuvre dans le cadre d'une cellule hebdomadaire piloté par la délégation départementale de l'Agence régionale de la santé et complétée par des groupes de travail avec les équipes médicales dédiés aux filières les plus en tension (urgences, maternité). Plusieurs spécialités critiques ont été identifiées au sein du GHT du Rouergue et un plan d'actions partagé avec l'ensemble des établissements du département a été construit puis mis en œuvre depuis le mois de février 2023 afin de réduire au minimum les risques de rupture d'activité au 3 avril 2023, date d'application de la loi. Un important travail effectué par les directions et équipes médicales des CH a ainsi permis de recruter des remplaçants dans le respect des plafonds règlementaires de rémunération, pour les principales filières et spécialités en tension. L'ouverture de la prime de solidarité territoriale pour les praticiens à temps partiel et sa majoration ont facilité la complétude des plannings de garde, en particulier pour la permanence des soins en anesthésie. Le suivi de situation se poursuit par le biais d'enquêtes auprès des établissements et de bilatérales avec les directions des ressources humaines médicales des GHT. Les acteurs territoriaux sont pleinement mobilisés pour éviter des fermetures même temporaires, sécuriser la prise en charge des patients, et activer jusqu'au dernier moment l'ensemble des leviers en s'appuyant sur la réglementation et une coopération territoriale indispensable.