Question orale n° 677 :
Alerte sur le recrutement des professeurs des écoles contractuels

16e Législature

Question de : Mme Farida Amrani
Essonne (1re circonscription) - La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale

Mme Farida Amrani alerte Mme la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur le recrutement des professeurs des écoles par la voie contractuelle. Le Gouvernement a annoncé en fin d'année 2023 la mise en place du plan « choc des savoirs », qui a été décliné et précisé par le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse à plusieurs reprises. À ce titre, Mme la députée rappelle que nombre d'organisations représentatives rejettent cette réforme, l'accusant d'opérer un séparatisme scolaire ainsi qu'une politique de tri social déjà à l'œuvre à l'éducation nationale. Aussi, ils s'inquiètent d'une dégradation des conditions de travail des personnels et d'une restriction de la liberté pédagogique des enseignants. Ainsi, Mme la députée regrette que le plan « choc des savoirs » s'installe en lieu et place d'un nécessaire choc des moyens. En ce sens, dans son rapport en date du 25 juillet 2022, la médiatrice de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur a indiqué une augmentation de 50 % des saisines en raison de l'absence des professeurs. L'éducation nationale connaît depuis plusieurs années, une crise structurelle sans précédent des recrutements de professeurs des écoles par concours. Chaque année, des milliers de postes sont perdus faute de candidats : depuis 2013, ce sont 8 000 pertes de postes qui ont été atteints. En 2023, 1 534 postes ont été perdus tous concours confondus selon le SNUIPP-FSU. L'académie de Versailles fait partie des académies les plus touchées par cette pénurie, avec 578 professeurs des écoles titulaires qui ont manqué à l'appel à la rentrée de septembre 2023. L'académie a ainsi dû recruter, dans l'urgence, un grand nombre de contractuels. À quelques jours de la rentrée, un grand nombre d'entre eux ne connaissaient ni leur établissement d'affectation ni le niveau des classes pour lesquelles ils allaient enseigner. Cette situation participe encore davantage de la dégradation des conditions de travail des enseignants, mais également de la qualité d'apprentissage des élèves. Ces nouveaux professeurs, qui n'avaient majoritairement jamais enseigné (85 % d'entre eux sont des professionnels en reconversion), ne bénéficiaient que de quatre jours de conversations « pseudo-pédagogiques ». Le risque du développement d'un enseignement à plusieurs vitesses s'accroît ainsi à la mesure du nombre d'enseignants recrutés par la voie contractuelle dont la formation n'est pas équivalente aux enseignants titulaires de l'éducation nationale. On assiste donc à une crise du recrutement qui en induit d'autres : sociale et humaine, tant pour les enfants que pour les professeurs. Mme la députée relève que dans sa circonscription, les parents d'élèves et les organisations représentatives du corps enseignant et des personnels de l'éducation nationale se mobilisent contre ce plan. Elle l'interroge donc sur les mesures que le Gouvernement compte prendre pour assurer à chaque élève un enseignement de qualité et à chaque enseignant des conditions de travail et de formation dignes de ce métier essentiel et empêcher ainsi l'institutionnalisation d'une école publique inégalitaire.

Réponse en séance, et publiée le 27 mars 2024

RECRUTEMENT DES PROFESSEURS DES ÉCOLES CONTRACTUELS
Mme la présidente . La parole est à M. Sylvain Carrière, suppléant Mme Farida Amrani, pour exposer sa question, no 677, relative au recrutement des professeurs des écoles contractuels.

M. Sylvain Carrière. Je vous ferai part de la question de ma collègue Farida Amrani. En fin d'année dernière, après la publication de l'enquête Pisa – Programme international pour le suivi des acquis des élèves –, le Gouvernement a annoncé un « choc des savoirs », réforme qui légitime le séparatisme scolaire et un certain tri social. En réalité, c’est un choc des moyens qui serait nécessaire.

Les professeurs s’indignent de la dégradation de leurs conditions de travail et de la restriction de leur liberté pédagogique, qui altèrent fortement les enseignements dispensés aux élèves. L'éducation nationale est entrée depuis plusieurs années dans une crise structurelle majeure, et aucune bribe de solution n'apparaît. En 2022, la médiatrice de l’éducation nationale et de l'enseignement supérieur indiquait déjà que le nombre de classes sans professeur avait augmenté de 50 %.

Dans la Creuse, où je me suis rendu il y a quelques jours, il manque trente enseignants remplaçants ; 1 000 élèves n’ont pas eu de professeur cette année ; de nombreuses classes uniques ont dû fermer – et l’école entière avec elles. Il s'agit ni plus ni moins d’une rupture d’égalité, insupportable en République.

Depuis 2013, 8 000 postes ont été supprimés. Selon le syndicat SNUIPP-FSU, 1 534 recrutements ont été perdus à la rentrée 2023, tous concours confondus. À l’académie de Versailles, 576 postes d’enseignant sont vacants. On y affecte des contractuels, qui sont à peine formés dans les quelques jours précédant la rentrée. Le 22 février 2024, Bruno Le Maire a enfoncé le clou en retranchant 479 millions d'euros supplémentaires au budget alloué au personnel. La ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse a rebondi, en annonçant qu’aucun poste ne serait supprimé. On se demande par quelle magie !

Cette confusion totale traduit l’absence de considération pour la profession et pour les élèves. Quelles mesures entend prendre le ministère pour réduire ces inégalités et tenir la promesse d’une école républicaine au profit du plus grand nombre ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes âgées et des personnes handicapées.

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des personnes âgées et des personnes handicapées. Dans l'enseignement public du premier degré, 9 885 postes ont été ouverts à la session du concours de recrutement de professeurs des écoles de 2023. Des sessions supplémentaires ont été organisées afin de pallier le déficit de professeurs des écoles dans les académies franciliennes où le manque d'attractivité est le plus aigu – Versailles et Créteil – et d'élargir le vivier de recrutement : 500 postes ont ainsi été ouverts pour une session supplémentaire à Créteil, et 200 postes à Versailles. Au total, plus de 8 000 lauréats ont été admis sur la liste principale des concours de recrutement académiques, auxquels il convient d'ajouter 357 lauréats admis aux sessions supplémentaires sur liste principale, soit un total de 8 658 lauréats admis. Le nombre de postes non pourvus s'élève néanmoins à 1 227, soit 12,4 % des postes ouverts. Autrement dit, 88 % des postes ont été pourvus.

Les services du ministère dans leur ensemble – administration centrale et services déconcentrés – sont pleinement mobilisés pour améliorer le remplacement des enseignants absents. Dans le premier degré, les brigades de remplacement mobilisent un peu plus de 9,4 % des effectifs de professeurs des écoles pour l'année scolaire 2023-2024. Par ailleurs, le ministère a engagé un important travail de revalorisation du personnel et de transformation des métiers de l'éducation, au sein d'un processus global d'amélioration des conditions de travail et du système éducatif à des fins d'attractivité – et donc de recrutement. Au terme d'un cycle de concertation avec les organisations syndicales, des mesures de revalorisation des rémunérations, des carrières et des missions des professeurs ont été annoncées en 2022, et sont entrées en application à la rentrée scolaire 2023. Dans le cadre du pacte enseignant, des missions nouvelles sont proposées aux professeurs volontaires afin d'améliorer la qualité du service public de l'éducation. Certaines académies proposent des temps d'immersion dans les établissements, comme des stages d'observation en amont de la prise de poste. Les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation contribuent à la formation du personnel, aux côtés des écoles académiques de la formation continue.

Grâce à ces mesures, le ministère entend renforcer l'attractivité de ce très beau métier qu'est celui d'enseignant.

Mme la présidente. La parole est à M. Sylvain Carrière.

M. Sylvain Carrière. Madame la ministre, on le voit aux mobilisations qui s’amplifient de semaine en semaine : à l’école, ça craque partout ! Cette école dans laquelle vous ne cessez de faire des coupes budgétaires, cette école dans laquelle dix-neuf des vingt lycées obtenant les meilleurs résultats au baccalauréat sont privés, cette école que les professeurs fuient en partant en congé maladie, cette école sans professeurs, sans cap clair depuis des années, cette école dans laquelle, pour vous, l’habit fait le moine, cette école qui n’arme pas pour la vie citoyenne : avant vous, cette école était tout, mais vous ne faites rien pour elle depuis sept ans ! (Mme Sylvie Ferrer applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée. Monsieur le député, je ne peux pas vous laisser tenir ces propos. Le budget de l'éducation nationale n'a pas baissé jusqu'à présent. Au contraire, nous avons renforcé l'égalité des chances. Je l’ai constaté en Côte-d'Or, qui était encore, il y a peu, ma circonscription : dix-neuf classes y ont été dédoublées. Il en a été de même dans l'ensemble du territoire.

M. Sylvain Carrière. Mais non !

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée . Vous ne pouvez donc pas dire que nous n'avons rien fait.

Données clés

Auteur : Mme Farida Amrani

Type de question : Question orale

Rubrique : Enseignement maternel et primaire

Ministère interrogé : Éducation et jeunesse

Ministère répondant : Éducation et jeunesse

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 mars 2024

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