Compétence eau potable et responsabilité du président d'une intercommunalité
Publication de la réponse au Journal Officiel du 8 août 2023, page 7382
Question de :
M. Paul-André Colombani
Corse-du-Sud (2e circonscription) - Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires
M. Paul-André Colombani attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, sur la responsabilité qui incombe au président d'une intercommunalité dans le cadre de l'exercice de la compétence eau potable. Dévolue aux intercommunalités (métropoles, communautés urbaines, communautés d'agglomération depuis le 1er janvier 2020 et communautés de communes à l'horizon 2026), la compétence eau potable, assainissement et eaux pluviales urbaines fait l'objet de vastes responsabilités dont le transfert a été décidé par l'État et le législateur, sans réelle anticipation de toutes les conséquences techniques, administratives, mais aussi juridiques qui allaient incomber aux intercommunalités concernées. À ce titre, il existe un vide juridique ou, à tout le moins, une incohérence légale issue de la loi NOTRe, qui est tout à fait problématique pour les présidents d'intercommunalité. En matière d'eau potable, le transfert aux EPCI à fiscalité propre semble en effet, à certains égards, très lacunaire. La compétence eau n'a pas fait l'objet d'un transfert des pouvoirs de police du maire au président de l'intercommunalité. Alors que l'assainissement (mais aussi l'habitat, la collecte des déchets, la gestion des aires d'accueil des gens du voyage, etc.) fait partie des compétences pour lesquelles ce pouvoir de police est transféré, avec possibilité pour le président de l'EPCI de prendre des arrêtés, il n'en est rien pour l'eau. Ainsi, en cas de situation d'urgence autour de l'eau potable, relevant d'un enjeu de santé et de salubrité publique - tout particulièrement en période de canicule -, la décision du maire de prendre un arrêté ou non ne relève que de lui. En cas de désaccord du maire sur l'application de son pouvoir de police, celui qui a la compétence, le président de l'intercommunalité, n'a pas les moyens de faire suivre les prescriptions qui auraient par exemple été faites par l'agence régionale de santé. Ceci est tout à fait problématique et, à bien des égards, susceptible d'engendrer des retards dans l'application d'une décision, avec le risque que cela pose, encore une fois, pour la santé publique. Aussi, il lui demande si elle entend répondre à cette question sensible et y remédier, en donnant aux présidents d'EPCI les moyens d'exercer jusqu'au bout la compétence obligatoire qui leur est dévolue depuis le 1er janvier 2020.
Réponse publiée le 8 août 2023
L'article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT) permet le transfert, automatique ou facultatif, de certains pouvoirs de police spéciale du maire au président de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre (EPCI-FP) lorsque cet EPCI-FP détient la compétence correspondante. Les matières dans lesquelles de tels transferts sont possibles sont définies de façon limitative, et incluent notamment les pouvoirs de police spéciale du maire dans le domaine de l'assainissement. Toutefois, il convient de souligner qu'un tel transfert n'est pas envisageable en matière d'alimentation en eau potable. En effet, conformément à l'article L. 211-5 du code de l'environnement, les pouvoirs de police spéciale de l'eau appartiennent à l'Etat. A ce titre, le préfet peut agir en cas de risque de pollution ou de destruction du milieu naturel, ou pour la santé publique et l'alimentation en eau potable, le rôle du maire étant limité à un devoir d'information des populations. Cette prérogative spéciale du préfet ne dessaisit pas totalement le maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police générale définis aux articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du CGCT. Dans ce cadre, le maire est habilité à prendre les mesures nécessaires à la salubrité publique et à faire cesser les pollutions de toute nature. A cet égard, il convient de relever que le Conseil d'Etat a pu préciser que "le maire ne saurait s'immiscer dans l'exercice de cette police spéciale [de l'eau] qu'en cas de péril imminent"(Conseil d'Etat, 2 décembre 2009, Commune de Rachecourt-sur-Marne, n° 309684). Ainsi, l'action du maire doit être fondée à la fois sur les articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du CGCT, ce dernier l'autorisant à prescrire l'exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances"en cas de danger grave ou imminent", tout en exigeant la communication d'urgence par le maire au préfet de département des mesures qu'il a prescrites. En toute hypothèse, les pouvoirs de police générale du maire ne peuvent faire l'objet d'un transfert à une autre autorité, raison pour laquelle les pouvoirs de police spéciale transférés en application de l'article L. 5211-9-2 du CGCT sont exercés sans préjudice du pouvoir de police générale du maire. Dans ce cadre, en matière d'alimentation en eau potable, le président d'un EPCI-FP ne saurait se substituer au préfet du département ou au maire de la commune dans leurs attributions respectives. Il n'est en outre pas envisagé de remettre en cause l'équilibre actuel de l'exercice des pouvoirs de police en matière d'eau.
Auteur : M. Paul-André Colombani
Type de question : Question écrite
Rubrique : Eau et assainissement
Ministère interrogé : Collectivités territoriales et ruralité
Ministère répondant : Collectivités territoriales et ruralité
Signalement : Question signalée au Gouvernement le 5 juin 2023
Dates :
Question publiée le 4 avril 2023
Réponse publiée le 8 août 2023