Concertation des parlementaires sur la révision de la défiscalisation outre-mer
Question de :
M. Philippe Dunoyer
Nouvelle-Calédonie (1re circonscription) - Renaissance
M. Philippe Dunoyer rappelle à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics, l'engagement pris par le Gouvernement, lors de la séance publique du 13 octobre 2022 à l'Assemblée nationale, d'associer les parlementaires ultramarins aux travaux de révision du dispositif fiscal de soutien à l'investissement outre-mer, afin que soient mieux prises en compte les réalités locales des différentes zones géographiques concernées. Il souhaite connaître sa position à ce sujet.
Réponse en séance, et publiée le 27 mars 2024
DÉFISCALISATION EN OUTRE-MER
Mme la présidente . La parole est à M. Philippe Dunoyer, pour exposer sa question, no 689, relative à la défiscalisation en outre-mer.
M. Philippe Dunoyer . Madame la ministre déléguée à l'agriculture et à la souveraineté alimentaire, vous savez l'importance des dispositifs de soutien fiscal à l'investissement pour l'ensemble des économies ultramarines, tout particulièrement dans les territoires les plus autonomes au plan fiscal. En Nouvelle-Calédonie, la très grave crise que subissent actuellement les secteurs de la mine et du bâtiment et des travaux publics, et qui s'étend à l'ensemble de l'économie du territoire, exige une forte vigilance afin de maintenir le soutien qui leur est apporté par la défiscalisation.
Lors de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2023, Gabriel Attal, qui était alors chargé des comptes publics, avait annoncé un passage en revue des dépenses fiscales outre-mer et s'était engagé à ce que les parlementaires ultramarins soient associés à ces travaux.
En juillet 2023, l'IGF, l'Inspection générale des finances, a remis un rapport de diagnostic et de recommandations qui pointe un ciblage insuffisant sur les politiques prioritaires retenues par l'État ainsi que l'existence d'abus, voire de fraudes en matière de défiscalisation de plein droit, et un inquiétant manque de contrôle. À la fin de l'année 2023, un article du projet de loi de finances pour 2024 a apporté plusieurs mesures correctives et il a alors été annoncé que le PLF pour 2025 permettrait une réforme plus globale, reprenant les autres préconisations du rapport de l'IGF.
Toutefois, les débats sur cet article qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale et au Sénat ont bien montré que les acteurs locaux n'avaient pas été consultés. Or, madame la ministre, pour que les dispositifs de soutien fiscal à l'investissement outre-mer soient efficaces, plus lisibles et en lien avec les politiques publiques nationales, qu'ils proscrivent évidemment les abus tout en prenant correctement en compte les réalités de nos différents territoires grâce à une réflexion sur la définition des secteurs éligibles, dans une logique à la fois transversale et propre aux atouts de certains d'entre eux, il est essentiel que la concertation annoncée par Gabriel Attal soit engagée dès que possible.
Je souhaite donc savoir où en est le projet de réforme, quelles initiatives le Gouvernement compte prendre pour consulter les parlementaires et quel sera le calendrier de cette concertation.
Mme la présidente . La parole est Mme la ministre déléguée à l'agriculture et à la souveraineté alimentaire.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée à l'agriculture et à la souveraineté alimentaire. Comme vous le savez, les dispositifs d'aide fiscale à l'investissement productif en outre-mer ont été prorogé jusqu'en 2029 en loi de finances pour 2023. En contrepartie, il était indispensable de faire évoluer ces mécanismes afin d'assurer un meilleur ciblage des aides de nature à répondre aux besoins particuliers des entreprises ultramarines et de renforcer les soutiens en faveur de l'emploi et de la transition écologique. Dans le cadre de l'évaluation de l'inspection générale des finances que vous avez mentionnée, rendue publique en juillet 2023 et qui doit servir de base à la réforme, une consultation élargie a été menée auprès des ministères concernés, des services déconcentrés de l'État, des représentants des collectivités locales, des chambres consulaires, des associations professionnelles et des entreprises. Dans le cadre de cette consultation, comme votre collègue Nicolas Metzdorf, vous avez d'ailleurs pu rencontrer la mission.
L'amendement présenté en première lecture du PLF pour 2024 à l'Assemblée nationale par le rapporteur général de la commission des finances, Jean-René Cazeneuve, s'est inscrit dans la ligne des conclusions de l'évaluation de l'IGF et il a opéré deux modifications essentielles.
La première consiste à mettre fin immédiatement aux pratiques abusives identifiées en écartant du bénéfice de l'aide fiscale les investissements destinés in fine à un usage domestique ou donnant lieu à des abus significatifs – ont ainsi été exclus les véhicules de tourisme, à l'exception de ceux strictement indispensables à l'activité économique de certains secteurs, notamment agricoles et miniers.
La seconde vise à autoriser certains investissements qui s'inscrivent dans une logique de transition écologique tout en apportant des réponses à des demandes récurrentes de la part des élus ultramarins – équipements photovoltaïques ou travaux de réhabilitation lourde de bâtiments industriels.
Pour répondre aux préoccupations des acteurs économiques et des élus locaux, aménagements et assouplissements ont été introduits au cours de la navette parlementaire. À titre d'exemple, des exceptions à la mesure d'exclusion des activités de location de meublés de tourisme ont été introduites afin de ne pas pénaliser les véritables professionnels du secteur. Les exceptions relatives à l'exclusion des véhicules de tourisme ont également été élargies, et les conditions d'éligibilité des investissements photovoltaïques ont été allégées.
Comme annoncé et conformément au cadrage du comité interministériel des outre-mer, une seconde série de mesures sera proposée par le Gouvernement dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025. Finalement, nous sommes un peu en avance !
Ces mesures devront permettre de renforcer les soutiens concourant au plein emploi et à la transition écologique, mais également d'améliorer le pilotage, le ciblage et les contrôles du régime d'aide fiscale à l'investissement productif. Des premiers travaux ont à ce titre été engagés entre les services du ministère de l'économie et ceux du ministère de l'outre-mer ; dans leur prolongement, et vous avez eu l'occasion d'échanger à ce sujet il y a quelques jours avec M. le ministre Thomas Cazenave, je vous confirme qu'une large concertation va être rapidement conduite, notamment avec les élus des territoires ultramarins et, évidemment, avec l'ensemble des acteurs économiques. Et nous savons compter sur votre engagement pour suivre de très près l'évolution de ces travaux.
Mme la présidente . La parole est à M. Philippe Dunoyer.
M. Philippe Dunoyer . Je vous remercie, madame la ministre, pour cette réponse. Nous disposons ainsi, grâce à vous et au ministre Thomas Cazenave, d'une feuille de route claire qui prévoit une consultation des parlementaires. Je me permets toutefois d'insister sur la nécessité de l'engager le plus rapidement possible.
Certes, nous sommes encore bien en amont du PLF pour 2025, mais vous savez mieux que moi que le temps passe très vite en matière budgétaire et je recommanderais bien volontiers que le deuxième trimestre puisse être propice à des échanges avec les parlementaires pour, bien sûr, corriger ce qui doit l'être mais également – pourquoi pas ? – pour innover afin de permettre à la défiscalisation d'être un outil à la fois plus souple, plus lisible et plus adapté aux politiques publiques nationales.
Auteur : M. Philippe Dunoyer
Type de question : Question orale
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : Comptes publics
Ministère répondant : Comptes publics
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 mars 2024