Question orale n° 697 :
Application de la loi SRU et particularités de certains territoires

16e Législature

Question de : M. Romain Baubry
Bouches-du-Rhône (15e circonscription) - Rassemblement National

M. Romain Baubry interroge M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement, sur l'application de la loi solidarité et renouvellement urbain (SRU) du 13 décembre 2000. Alerté par des maires de petites communes de sa circonscription, M. le député entend que la pression mise sur ces communes en matière de nombre de logements à construire est trop forte. Il relève qu'en contradiction avec les objectifs de la loi SRU, les maires se voient opposer diverses contraintes qui les empêchent de construire des logements locatifs sociaux. Aussi, des élus lui ont indiqué ne pas pouvoir principalement loger les habitants de leurs communes. Enfin, M. le député dénonce le poids de pénalités financières toujours plus conséquentes pour les petites communes qui ne parviennent pas à atteindre les objectifs de la loi SRU. Aussi, il appelle son attention sur la nécessité d'adapter les sanctions pour les petites communes ne parvenant pas à atteindre le pourcentage cible lorsque cela se justifie par certaines particularités environnementales, comme s'agissant des communes soumises à la loi littoral, ou des communes situées dans le périmètre d'un parc naturel régional ou national ; il souhaite connaître sa position sur le sujet.

Réponse en séance, et publiée le 27 mars 2024

LOI SRU
Mme la présidente . La parole est à M. Romain Baubry, pour exposer sa question, no 697, relative la loi SRU.

M. Romain Baubry . La décentralisation engagée dans les années 1980 a conféré aux maires un rôle central dans la politique du logement à l'échelle locale – une responsabilité lourde à porter en période de crise du logement, surtout depuis l'entrée en vigueur, en 2000, de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU). Cette loi, qui impose à certaines communes un objectif de 20 ou 25 % de logements locatifs sociaux dans leur parc immobilier, suscite des débats et des contestations parmi les élus locaux de tous bords politiques, y compris chez ceux – je tiens à le préciser – dont le parti gouvernait le pays sans qu'ils n'aient, jusqu'à maintenant, jamais remis en cause les dispositions de ce texte.

D’après le bilan SRU 2020-2022, 659 communes sur 1 031, soit 64 % d’entre elles, n’ont pas atteint les objectifs de rattrapage établis en 2020. La loi SRU poursuit un idéal louable mais elle fait l’objet d’une application trop rigoureuse et prévoit des sanctions trop sévères, telles que des pénalités financières substantielles, des arrêtés de carence, ou encore des mainmises sur la délivrance des permis de construire. Elle doit être adaptée aux réalités locales.

En l'état du droit, la loi SRU n'exempte que peu de communes. C'est par exemple le cas de celles où la tension de la demande de logements est faible, ou celles dont plus de la moitié du territoire est inconstructible. Pourtant, plusieurs autres particularités peuvent empêcher une commune d'atteindre les objectifs légaux, les maires devant composer avec diverses contraintes.

Appliquée depuis vingt-quatre ans, la loi, en l’état, n'a pas permis d'atteindre les objectifs fixés. On peut se demander si les sanctions prononcées, financières notamment, ne sont pas contre-productives. Les pénalités atteignent parfois des sommes astronomiques, allant de plusieurs centaines de milliers à un million et demi d’euros. De plus, on constate des inégalités entre les communes qui ne parviennent pas à atteindre leurs objectifs : certaines en sont excusées quand d’autres sont lourdement sanctionnées.

Chaque région et chaque commune présentent des particularités, en matière de propriété foncière, de risques d’inondation, de contraintes environnementales, mais aussi en raison de leur localisation, selon qu'elles se situent au sein d'un parc naturel régional ou national, ou sur le littoral. En outre, les contraintes réglementaires ou législatives, tel que l'objectif législatif de zéro artificialisation nette (ZAN), accentuent encore les difficultés.

Au sein de ma circonscription, les objectifs fixés par la loi SRU paraissent inadaptés à de nombreux villages, notamment ceux appartenant au parc naturel régional des Alpilles. Comment ces communes provençales, dont la beauté participe à l'attractivité touristique du territoire et qui font rayonner la France, pourraient-elles procéder à une densification excessive et construire des bâtiments toujours plus hauts ?

En bref, la loi a ignoré de nombreux éléments. Pour en tenir compte, elle doit être modifiée. Le Gouvernement a annoncé un projet de loi modifiant la loi SRU d’ici à l’été : qu'envisagez-vous concrètement ? Les contraintes locales seront-elles enfin considérées ?

Mme la présidente . La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . Le mécanisme d'exemption aux obligations de production de logements sociaux issues de l'article 55 de la loi SRU, qui s'applique aux communes dont la majeure partie du territoire urbanisé est déclarée inconstructible, vise à tenir compte de la situation particulière de certains territoires soumis à d'importantes contraintes, sans renoncer à l'ambition d'une répartition équilibrée de l'offre sociale à l'échelle nationale.

Les prélèvements annuels sont adaptés à chaque commune, en fonction de leur déficit en logements sociaux, de leur situation fiscale et des efforts qu'elles déploient : des exonérations sont ainsi prévues, notamment pour les 10 000 communes bénéficiant de la fraction cible de la dotation de solidarité rurale (DSR), sous réserve qu'elles disposent malgré tout d'une part minimale de logement social. Les communes peuvent également diminuer leur prélèvement d'un montant équivalent aux dépenses engagées pour produire des logements sociaux. Des aménagements à la loi SRU, puis à la loi dite 3DS, relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, existent donc déjà.

La loi « 3DS » reconnaît les contraintes spécifiques en matière de construction qui pèsent sur les communes dont plus de la moitié du territoire urbanisé est inconstructible. Le législateur a ainsi confié aux préfets un pouvoir d'exemption par simple arrêté. Lorsqu'une commune rencontre des difficultés pour respecter ses obligations mais ne peut bénéficier du mécanisme d'exemption, elle peut toutefois s'engager dans un contrat de mixité sociale qui lui permet d'aménager ses objectifs de rattrapage, à condition que sa situation territoriale le justifie : cet outil contractuel, également issu de la loi « 3DS », doit nécessairement s'appuyer sur un constat partagé entre les services de l'État et les collectivités signataires et s'accompagner d'engagements précis et ambitieux car, comme vous le savez, nous avons absolument besoin de développer le logement locatif social.

Les sanctions financières ne sont pas contre-productives, comme vous le disiez. Nous considérons en particulier que par les mécanismes de déduction, elles encouragent au contraire les collectivités à construire des logements sociaux. Les contrats de mixité sociale permettent quant à eux de prendre en compte plus finement les besoins des communes, sans renier nos objectifs.

Mme la présidente . La parole est à M. Romain Baubry.

M. Romain Baubry . Une plus grande concertation avec les élus locaux permettrait sans doute de revoir ces mécanismes d'exemption car je pense que de nombreuses communes pourraient en bénéficier.

Données clés

Auteur : M. Romain Baubry

Type de question : Question orale

Rubrique : Logement

Ministère interrogé : Logement

Ministère répondant : Logement

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 mars 2024

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