Question de : Mme Isabelle Valentin
Haute-Loire (1re circonscription) - Les Républicains

Mme Isabelle Valentin attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur le ralentissement de la productivité française. À ce jour, la baisse de la productivité du travail dans l'Hexagone est nettement plus forte que chez ses voisins européens. Selon une récente étude de la Dares, l'institut de statistique du ministère du travail, la productivité par tête a perdu 3 % au troisième trimestre 2022, par rapport à 2019. Ce ralentissement de la productivité française n'est pas nouveau. En effet, la croissance tendancielle de la productivité du travail en France, par salarié, était de 1.3 % dans les années 1990, puis de 0.8 % dans les années 2000 et enfin de seulement 0.2 % jusque dans les années 2010. Les facteurs de ce ralentissement sont multiples. Tout d'abord, la part de l'alternance dans l'emploi salarié a fortement progressé ces dernières années. À titre d'exemple, 930 000 contrats d'apprentissage étaient en cours en septembre 2022, contre 450 000 en 2019. Les alternants sont en formation et donc moins productifs que le reste des personnes en emplois, car sont souvent plus jeunes et moins expérimentés. De plus, le nombre important d'arrêts maladie pourrait également être l'un des facteurs de cette baisse durable de la productivité. Par conséquent, les conséquences sont multiples. Le recul de la productivité au travail entraîne un recul des salaires réels, ainsi qu'un recul des profits, même lorsque l'emploi progresse. À long terme, cette évolution pourrait être absolument néfaste pour l'économie française. Les recettes fiscales devraient diminuer et les régimes de retraite se trouveront beaucoup plus déséquilibrés que prévu. Aussi, Mme la député souhaiterait d'une part que les mises en arrêt maladie soient davantage encadrées et contrôlées, afin d'éviter certains abus et dérives et d'autre part qu'un véritable plan visant à améliorer la productivité française soit mis en place, pour lutter efficacement contre le ralentissement de la productivité française. Elle lui demande quelles solutions concrètes le Gouvernement envisage de mettre en place pour freiner durablement la baisse de la productivité française.

Réponse publiée le 3 octobre 2023

La baisse de la productivité du travail est liée à plusieurs facteurs, dont pour certains de nature temporaire (rétention de main-d'œuvre, hausse des arrêts maladies comme vous l'avez évoqué). En premier lieu, il existe un effet de composition de la main-d'œuvre en lien notamment avec l'essor de l'apprentissage. L'effet de l'apprentissage sur la productivité est principalement un effet comptable. En effet, les personnes en contrat d'alternance, bien qu'étant une partie du temps en études, sont comptabilisées comme des salariés à temps complet. Selon la Dares [1], au troisième trimestre 2022, le développement de l'alternance contribuerait à hauteur d'un cinquième à la perte de productivité du travail par tête mesurée par rapport à la tendance pré-crise. Néanmoins, la réforme engagée par le Gouvernement sur l'apprentissage contribue à une meilleure insertion dans l'emploi des jeunes et à favoriser leur montée en compétences, augmentant ainsi leur productivité à moyen terme. Par ailleurs, les dispositifs d'activité partielle instaurés en réponse à la crise sanitaire, ainsi que d'autres facteurs influençant la durée du travail (absences pour congés maladie, changements dans la quotité de travail) expliquent en partie la baisse de productivité observée. La rétention de main-d'œuvre dans certains secteurs a également un impact négatif sur la productivité du travail. Selon l'Insee [2], la perte de productivité effective (par emploi équivalent temps plein) atteint - ­8,2 % au troisième trimestre 2022 dans l'industrie par rapport à son niveau moyen de 2019. Cette baisse est liée à une dégradation de la valeur ajoutée (-­ 9,6 % dans l'industrie entre la moyenne sur l'année 2019 et le troisième trimestre 2022) alors qu'en comparaison les heures travaillées n'ont que faiblement reculé (-­ 1,6 %), suggérant des comportements de rétention de main-d'œuvre. Le Gouvernement poursuit son action pour renforcer la productivité en France et la formation des travailleurs constitue une première priorité. Au-delà du Plan d'Investissement dans les Compétences (PIC), l'amélioration de la formation continue passe par une profonde réforme de la formation professionnelle. Des moyens inédits sont engagés et des mesures fortes sont prises pour réformer les lycées professionnels dès la rentrée 2023 afin de faire du lycée professionnel un choix d'avenir pour les jeunes et les entreprises.  Le Gouvernement déploie également des investissements significatifs dans l'éducation (primaire et secondaire), qui contribueront à accroître la productivité du travail à plus long terme. À titre d'illustration, l'expérimentation « école du futur » sera généralisée avec l'objectif de permettre une plus grande autonomie et liberté des équipes pédagogiques, objectif financé à hauteur de 500 M€ par la création d'un fonds d'innovation pédagogique. Par ailleurs, la place des mathématiques est réaffirmée et accrue dans le tronc commun au lycée, les sciences étant au cœur des apprentissages fondamentaux nécessaires à l'innovation et au progrès technique. Conformément au « Plan de lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques » annoncé le 31 mai dernier, un programme national de contrôle des arrêts de travail sera lancé par l'assurance-maladie dès septembre 2023 afin de mieux repérer les fausses déclarations et renforcer les contrôles ciblés sur les professionnels de santé présentant des niveaux de prescription hors norme. Au-delà des effets attendus sur la productivité, l'objectif poursuivi est également celui de 500 M€ de préjudice financier détecté et évité pour les prestations de santé dès 2024. En outre, les mesures de soutien à l'innovation et à la croissance de nouvelles filières industrielles, qui font partie des grands objectifs du plan France 2030 doté de 54 Md€, les efforts de simplification de l'environnement des affaires, au travers notamment de la loi relative à la croissance et à la transformation des entreprises du 22 mai 2019, dite loi PACTE, ou encore la loi d'accélération et de simplification de l'action publique, dite ASAP, rehausseront durablement la productivité et la compétitivité de l'économie française. Enfin, le plan de soutien à l'industrie verte devrait permettre de soutenir la création d'une filière où la création de valeur est importante, l'industrie, et compatible avec les objectifs de transition écologique que le Gouvernement s'est fixés. Les propositions retenues dans le cadre du projet de loi visent notamment à accroître le vivier industriel de talents en renforçant les capacités des écoles d'ingénieurs et des formations scientifiques universitaires, mais aussi à rendre l'industrie plus attrayante en informant davantage les élèves sur les taux d'emploi et les salaires en sortie de formation sur toutes les plateformes d'orientation. -------------------- Quel impact de la hausse de l'alternance depuis sur la productivité moyenne du travail ? (travail-emploi.gouv.fr) Note de conjoncture de l'Insee, 15 décembre 2022 – “Les évolutions récentes de la productivité du travail dans les quatre principales économies de la zone euro : une décomposition par branche d'activité” Voir De Williencourt C., Faci A. et Ray S. (2018), « Quel effet macroéconomique du PACTE ? Premiers éléments de réponse », Direction générale du Trésor, Tréso-Eco n° 226. Certaines mesures sont susceptibles d'entraîner une hausse du PIB de près de 1 point à long terme, dont 0,3 point à l'horizon 2025, notamment grâce aux gains de productivité.

Données clés

Auteur : Mme Isabelle Valentin

Type de question : Question écrite

Rubrique : Politique économique

Ministère interrogé : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Ministère répondant : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Dates :
Question publiée le 4 avril 2023
Réponse publiée le 3 octobre 2023

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