Question orale n°705 : Situation d'Alstom

16ème Législature

Question de : M. Fabien Roussel (Hauts-de-France - Gauche démocrate et républicaine - NUPES)

M. Fabien Roussel attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur la situation du constructeur ferroviaire Alstom.

Réponse en séance, et publiée le 3 avril 2024

GROUPE ALSTOM
M. le président . La parole est à M. Fabien Roussel, pour exposer sa question, no 705, relative au groupe Alstom.

M. Fabien Roussel . Deuxième acteur mondial de l'industrie ferroviaire, le groupe Alstom est dans le rouge. Confrontée à un problème de trésorerie, sa direction se contente d'annoncer une cession d'actifs et la suppression de 1 500 emplois dans le monde, dont 298 en France. Une nouvelle fois, des salariés considérés comme des variables d'ajustement, paient les erreurs de leurs dirigeants. Des erreurs, ces derniers ne manquent pas d'en faire, raison pour laquelle j'alerte le Gouvernement : ce fleuron industriel, essentiel à la réussite de la transition énergétique en France, est à la dérive.

Des erreurs passées ont d'abord aggravé le déficit de trésorerie d'Alstom : en 2019, 1,3 milliard d'euros de dividendes ont été versés à ses actionnaires, alors que le groupe s'apprêtait à racheter Bombardier pour 5,5 milliards.

Mais c'est surtout la délocalisation de productions à l'étranger qui est en cause. L'hyperexternalisation de la production – au point qu'Alstom semble être devenu un simple assemblier – est à l'origine de retards d'approvisionnement et de multiples défauts de qualité, qui allongent considérablement les délais de livraison d'Alstom. La conception des trains est aujourd'hui réalisée en Inde : aberrante au plan écologique, l'externalisation à outrance s'avère désastreuse au plan industriel, tant les malfaçons et les problèmes d'ingénierie affectent la production. Les retards de paiement qu'elle provoque grèvent toujours plus la trésorerie de l'entreprise.

En tant qu'actionnaire, l'État doit agir et rectifier le tir. Ce n'est d'ailleurs pas d'une cure d'amaigrissement dont Alstom a besoin, mais bien plutôt d'une cure d'investissement. Par exemple, le groupe devrait réinvestir dans les cabines de peinture de ses sites plutôt que de sous-traiter ces opérations ; il devrait relocaliser sa production de câbles électriques plutôt que de les importer de ses usines du Maroc ou de Pologne et de devoir les retoucher dans les usines du Valenciennois. Quant aux essieux et aux roues, ils devraient être fournis à 100 % par l'entreprise MG Valdunes, qui vient de trouver un repreneur. Des propositions de ce type, nous en avons plein en magasin !

Ce que nous demandons à l'État, c'est d'agir pour que le groupe Alstom, au lieu de dégraisser, investisse pour produire en France, former des salariés, abaisser le coût carbone des trains et des wagons – nous voulons des rames bas carbone et made in France ! C'est le rôle de l'État que d'assigner de tels objectifs à un groupe industriel stratégique comme Alstom. Il peut lui donner les moyens de les atteindre, par exemple en lui accordant des prêts garantis, conditionnés à la mise en œuvre de cette stratégie.

M. le président . La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire . Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique suit avec attention la situation du groupe Alstom – qui, en tant que deuxième constructeur ferroviaire mondial, compte nécessairement des unités localisées à l'étranger. Le groupe fait face à des difficultés de trésorerie, en raison de contrats moins performants, de l'augmentation des stocks et du besoin en fonds de roulement qu'implique sa montée en cadence. Le Gouvernement, particulièrement attentif, veille à ce que cette situation n'ait pas d'impacts sur la sous-traitance ou les investissements du groupe. Je me dois d'ailleurs de préciser que la situation des sites français reste satisfaisante, contrairement à celle des sites étrangers.

Le plan de redressement annoncé par Alstom n'aura, a priori, pas de conséquences industrielles. Il s'appuie sur un changement de gouvernance et des cessions d'actifs qui devraient atteindre entre 500 millions et 1 milliard d'euros ; il s'accompagne de la suppression de 1 500 emplois au sein des fonctions administratives et commerciales. Il ne devrait affecter les sites français qu'à la marge ; le Gouvernement s'en assurera et suivra étroitement la situation des salariés qui ne seraient pas repris, afin qu'ils trouvent une solution.

En tout état de cause, le groupe dispose de perspectives de marché très favorables – c'est bien là l'essentiel. Les commandes qu'il reçoit sont nombreuses et sa situation industrielle est porteuse. Les principaux sites d'Alstom en France, ceux de Belfort, du Creusot, de La Rochelle, d'Ornans et de Crespin, répondent à des commandes en cours et honoreront en 2024 des contrats passés il y a peu. Les perspectives d'Alstom sont bonnes, mais sa restructuration est nécessaire. Celle-ci sera principalement réalisée en dehors de nos frontières, mais les salariés qu'elle affectera en France seront suivis. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et la direction du groupe y travaillent ensemble.

M. le président . La parole est à M. Fabien Roussel.

M. Fabien Roussel . Monsieur le ministre, même si vous n'êtes pas spécialiste de la situation, reconnaissez qu'il est étonnant que le groupe Alstom doive supprimer des emplois, alors que son carnet de commandes est valorisé à 45 milliards d'euros et que son activité est garantie pour les cinq années à venir, ce que vous venez de confirmer. On marche sur la tête ! Cette situation est incompréhensible !

Ce groupe est mal géré : comment est-il possible de devoir dégraisser, alors que les carnets de commandes, pleins, garantissent une activité pour cinq ans ? Je vous alerte sur l'externalisation excessive de la production d'Alstom : elle provoque des malfaçons et retarde la livraison de métros et de trains – notamment destinés au Grand Paris.

M. le président . La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre . Compte tenu du carnet de commandes d'Alstom, ses fonctions productives ne seront pas touchées par la restructuration, contrairement à ses fonctions administratives et commerciales. Les dirigeants du groupe ont la responsabilité de mener à bien cette restructuration, dont le périmètre est fort clair.

Données clés

Auteur : M. Fabien Roussel (Hauts-de-France - Gauche démocrate et républicaine - NUPES)

Type de question : Question orale

Rubrique : Industrie

Ministère interrogé : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Ministère répondant : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 mars 2024

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