Compensation
Question de :
Mme Agnès Firmin Le Bodo
Seine-Maritime (7e circonscription) - Horizons et apparentés
Mme Agnès Firmin Le Bodo attire l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur les défis rencontrés dans l'application du principe « éviter-réduire-compenser » et leur impact sur le développement du port du Havre. Il est indéniable que la compensation écologique est devenue un élément essentiel dans la réalisation de projets d'aménagement. Cependant, les exigences actuelles de compensation en proximité immédiate et l'interprétation restrictive de la notion d'« équivalence écologique » par les services de l'État entravent la mise en œuvre d'une approche globale de restauration des espaces naturels à l'échelle du territoire. Cette approche, pourtant bénéfique pour la biodiversité, est freinée au profit de compensations morcelées. Dans le cadre du projet d'arrêté pour HAROPA PORT au Havre, qui prévoit l'aménagement de 456 hectares d'ici 2030, il est crucial de prendre en compte ces défis. Les contraintes liées à la proximité immédiate de zones naturelles préservées rendent parfois difficile, voire impossible, la mise en œuvre de compensations écologiques adéquates. Pourtant, il est important de souligner que le développement économique du port du Havre n'est pas incompatible avec la décarbonation de l'industrie. Au contraire, une approche intégrée de la compensation écologique pourrait contribuer à renforcer la transition écologique en favorisant la préservation de la biodiversité tout en soutenant les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Dans cette perspective, Mme la députée souhaiterait connaître les mesures concrètes que le Gouvernement envisage de prendre pour faciliter le dialogue entre les territoires et les services de l'État. Comment le Gouvernement entend surmonter ces obstacles pour garantir à la fois le développement économique du port du Havre et la préservation de l'environnement ? Est-il envisagé la création d'une instance de dialogue dédiée à cette question, permettant d'adapter les conditions de compensation environnementale aux réalités et besoins locaux ? Elle souhaite obtenir des précisions sur ecs sujets.
Réponse en séance, et publiée le 3 avril 2024
PORT DU HAVRE
M. le président . La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo, pour exposer sa question, no 707, relative au port du Havre.
Mme Agnès Firmin Le Bodo . Il est indéniable que la compensation écologique est devenue un élément essentiel à prendre en considération lors de la réalisation des projets d'aménagement. Cependant, tant la compensation réalisée à proximité immédiate du site concerné que l'interprétation parfois restrictive de la notion d'équivalence écologique par les services de l'État, entravent l'adoption d'une approche globale de restauration des espaces naturels à l'échelle du territoire. Cette approche, pourtant bénéfique pour la biodiversité, est freinée au profit d’une compensation morcelée.
Dans le cadre du projet d'arrêté relatif à l’infrastructure Haropa port – Le Havre, Rouen, Paris –, qui prévoit l'aménagement de 456 hectares d'ici à 2030, il est crucial de relever ces défis. En raison des contraintes liées à la proximité immédiate de zones naturelles préservées, il est difficile – voire impossible – de prendre des mesures de compensation écologique adéquates. Il faut pourtant souligner que le développement économique du port du Havre n'est pas incompatible avec la décarbonation de l'industrie. Au contraire, une approche intégrée de la compensation écologique pourrait contribuer à renforcer la transition écologique, en favorisant la préservation de la biodiversité tout en cherchant à atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Réindustrialiser le pays est possible – Bruno Le Maire, vendredi dernier, lors de sa visite de l’usine Renault de Sandouville, l’a démontré. Cela se justifie pour des raisons de souveraineté. La réindustrialisation ne doit toutefois pas se faire au détriment des agriculteurs, qui sont les garants de notre souveraineté alimentaire.
Dans ce contexte, je souhaite connaître les mesures concrètes que vous envisagez de prendre pour faciliter le dialogue entre les territoires et les services de l'État. Comment comptez-vous surmonter ces obstacles, afin de garantir à la fois le développement économique du port du Havre et la préservation de l'environnement ? Envisagez-vous la création d'une instance de dialogue consacrée à cette question, en vue d'adapter les mesures de compensation environnementale aux réalités et aux besoins locaux ? Enfin, comment éviter que cette compensation ne pénalise les agriculteurs qui ne veulent pas payer le prix de la réindustrialisation ?
M. le président . La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la mer et de la biodiversité.
M. Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer et de la biodiversité . Je vous remercie de votre question très claire, qui permet de revenir sur la nécessité de réindustrialiser tout en protégeant la biodiversité et en favorisant le développement économique local et la décarbonation du secteur industriel. Tout se tient, il s’agit souvent d’une question de méthode : prendre en considération les réalités locales – notamment celles de la magnifique ville du Havre et de son port.
Plus précisément, la mise en œuvre de la séquence « éviter, réduire, compenser » – ERC – implique, dans un premier temps, d’éviter les atteintes à la biodiversité et aux services écosystémiques qu'elle rend. La protection de la biodiversité permettra également, à l'avenir, de créer des activités économiques et de lutter contre le changement climatique.
Protéger la biodiversité suppose de compenser les atteintes qui n'ont pu être évitées ni suffisamment réduites, en tenant compte des espèces, des habitats naturels et des fonctions écologiques affectées. Ces enjeux doivent être anticipés, tant en ce qui concerne la planification du territoire que les opérations d'aménagement, en implantant les projets dans des zones où ils auraient un moindre impact et en identifiant les territoires pouvant accueillir les mesures de restauration.
En ce qui concerne les activités de Haropa, les services de l'État et les acteurs de l'aménagement du territoire et du développement économique doivent s'attacher à trouver, dans le cadre d’un dialogue constructif, des solutions qui valorisent tous les territoires tant du point de vue socio-économique qu’environnemental, en prenant en considération les demandes des agriculteurs. Cette approche a été réaffirmée dans la loi du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte, qui notamment introduit le critère de proximité fonctionnelle entre le site endommagé et celui restauré au titre de la compensation.
Par ailleurs, les acteurs de l'aménagement du territoire se sont engagés à recourir à la procédure de compensation par anticipation grâce à la création de sites naturels de restauration et de renaturation. Ces nouvelles dispositions ne pourront être correctement appliquées que si elles résultent d’une démarche concertée avec les acteurs de l'aménagement du territoire.
Dans le cadre de Haropa, pour être à la hauteur de notre ambition de réindustrialisation, de décarbonation, de préservation de la biodiversité et des activités agricoles – essentielles pour assurer notre souveraineté alimentaire –, nous engagerons un cycle de concertation. Nous instaurerons une instance de dialogue local à laquelle, je le sais – et je vous en remercie –, vous participerez. Grâce à elle, nous mènerons toutes ces actions prioritaires en même temps, en prenant en considération les réalités du territoire.
M. le président . La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo.
Mme Agnès Firmin Le Bodo . Nous sommes tous d'accord pour appliquer la séquence ERC, à savoir éviter de détruire les espaces naturels, réduire la zone de destruction lorsque c'est possible, et compenser les destructions lorsque les deux premières règles n'ont pu être respectées. Néanmoins, nous ne pouvons apporter les mêmes réponses aux problèmes qui se posent pour le port de Dunkerque que pour celui du Havre ou encore pour celui de Marseille. Donc l'enjeu est bien celui de la territorialisation des solutions. En vue de réindustrialiser notre pays, il est nécessaire qu'avec les services de l'État nous apportions une solution au cas par cas, adaptée à chaque territoire.
Auteur : Mme Agnès Firmin Le Bodo
Type de question : Question orale
Rubrique : Environnement
Ministère interrogé : Transition écologique et cohésion des territoires
Ministère répondant : Transition écologique et cohésion des territoires
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 mars 2024