Trajectoire des finances publiques
Question de :
M. David Guiraud
Nord (8e circonscription) - La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale
M. David Guiraud interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique au sujet de la trajectoire des finances publiques 2023-2027 suite aux annonces concernant un déficit pour l'année 2023 « significativement au-delà des 4,9 % » qui était la cible du Gouvernement dans le projet de loi de finances initiale, ainsi qu'au décret d'annulation de 10 milliards d'euros de crédits budgétaires en raison d'une révision des prévisions de croissance à la baisse pour l'année 2024. M. le député interroge à cet égard M. le ministre sur les raisons conduisant le Gouvernement à privilégier le recours par décret pour ces annulations alors qu'elles seraient, selon ses dires, « une première étape » et qu'un projet de loi de finances rectificative conduira très certainement à de nouvelles annulations dans le courant de l'année. Il l'interroge également sur les raisons d'une absence de réflexion sur d'éventuelles réductions de crédits du principal poste budgétaire de l'État, la mission « remboursements et dégrèvements » créditée en loi de finances initiale pour 2024 d'un montant prévisionnel de 140 milliards d'euros de crédits.
Réponse en séance, et publiée le 3 avril 2024
EXÉCUTION BUDGÉTAIRE DE 2024
M. le président . La parole est à M. David Guiraud, pour exposer sa question, no 708, relative à l'exécution budgétaire de 2024.
M. David Guiraud . J'ai écouté les récentes déclarations du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Un matin de mars, entre l'écriture de deux bouquins consacrés aux fondements de la personne humaine, Bruno Le Maire s'est réveillé pour sonner l'alerte générale : la France est plongée dans un déficit abyssal.
Le réveil est brutal pour un ministre qui, à l'instar de la cigale de la fable, nous chantait la douce musique d'un budget adossé à une croissance de 1,4 %, à rebours des prévisions des institutions les plus sérieuses. Voilà que le Gouvernement ajuste sa prévision de croissance à 1 %, alors même que les observateurs la projettent désormais à un niveau inférieur, en l'occurrence à 0,9 %. Cet écart de 0,1 point représente une différence de 2,5 milliards d'euros : curieuse manière, vous l'admettrez, de tenir son budget « à l'euro près », comme vous vous plaisez à le répéter ! On a vu des salariés se faire licencier pour des erreurs de caisse moins graves…
Évidemment, ce n'est pas votre faute, mais celle de « la croissance mondiale qui ralentit », ce qu'affirme avec un certain culot le ministre de l'économie et des finances, au moment où l'OCDE – Organisation de coopération et de développement économiques – et le FMI – Fonds monétaire international – révisent à la hausse leurs prévisions de croissance mondiale. Ainsi, lorsque ces institutions corrigent à la baisse leurs prévisions de croissance, vous dites que la croissance sera importante, et quand ces institutions annoncent une croissance plus forte que prévu, vous invoquez un ralentissement de la croissance. Même le lapin blanc d'Alice au pays des merveilles n'était pas autant en retard sur la réalité !
Le Gouvernement nous assure que le problème ne provient pas de la croissance, mais des recettes. Comment se fait-il que les recettes posent problème, alors que l'État n'a jamais collecté autant d'impôt ? Presque toutes les recettes fiscales atteignent leur plus haut niveau historique, la TVA procurant à elle seule plus de 200 milliards. Dans une telle situation, comment justifier un problème de recettes ? C'est bien que l'argent des Français disparaît quelque part !
À vous entendre, on aurait besoin de l'inspecteur Derrick pour retrouver ce pactole dispersé entre tous les ministères de l'État. En fouillant et en grattant, on trouverait ainsi des sources d'économie – à l'hôpital, à l'école… Partout ! Un enquêteur aguerri s'étonnerait toutefois que les fonds de la mission la plus importante de l'État, qui traite des niches fiscales, la mission Remboursements et dégrèvements – 140 milliards – dorment en toute tranquillité.
Non contents de ne pas annoncer un seul centime d'effort sur les niches fiscales, vous prévoyez d'abonder la mission de 12 milliards – tout en demandant aux Français 10 milliards d'économies et d'efforts. Entre 2012 et 2022, le montant de la mission Remboursements et dégrèvements a progressé de 55 %, passant de 90 à 140 milliards.
Ma question est donc simple : pourquoi ne touchez-vous pas aux niches fiscales, à l'heure où la France devrait, à vous croire, faire des économies ? Que pensez-vous de cette déclaration de Bruno Le Maire, qui annonce une TVA sociale de 5 points, c'est-à-dire le transfert à la sécurité sociale de 60 milliards ? Permettez-moi de vous rappeler que cette TVA sociale existe déjà : sur la collecte totale de cet impôt, 60 milliards sont affectés au budget de la sécurité sociale ! En doublant cette somme, ce qui porterait à 120 milliards la part de la collecte de TVA affectée au budget de la sécurité sociale, vous ne faites rien d'autre que de compenser les exonérations offertes aux grands groupes du pays !
M. le président . La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire . Il ne faut pas toujours se fier à ce qui est dit dans les journaux, en particulier sur la TVA. Le ministre de l'économie et des finances, Bruno Le Maire, a récemment annoncé une révision des prévisions de croissance : celle-ci passerait de 1,4 % à 1,1 %. Ce ralentissement devrait toucher la plupart des pays européens en 2024. Le gouvernement allemand a d'ailleurs abaissé sa prévision de croissance à 0,2 %, alors qu'il l'avait initialement établie à 1,3 % : vous pourriez lui en faire aussi grief.
Le ralentissement de la croissance en Europe est un fait. Pour lui faire face, nous avons pris les premières mesures nécessaires. L'État, lorsqu'il perçoit moins de recettes sous l'effet d'une croissance moins importante que prévu, doit dépenser moins pour parvenir à maîtriser son budget : le Gouvernement a donc tiré les conséquences et freiné les dépenses de l'État. Il l'a fait immédiatement et plus rapidement que s'il avait présenté un projet de loi de finances rectificative (PLFR). Par le décret du 21 février 2024, 10 milliards d'euros de dépenses ont été annulés, conformément à l'article 14 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), qui autorise le Gouvernement à annuler 1,5 % des crédits ouverts par les lois de finances afférentes à l'année en cours. L'évolution de la situation déterminera le besoin de présenter un PLFR, mais au vu du ralentissement de la croissance, il était urgent d'agir.
Enfin, la mission Remboursements et dégrèvements agrège des crédits évaluatifs, ceux consacrés notamment aux remboursements de crédits de TVA, aux régularisations de trop versés d'impôt, aux restitutions de crédits d'impôts ou aux décisions de justice. Pour l'essentiel, ces dépenses ne sont pas pilotables en cours de gestion et n'ont donc pas fait l'objet d'annulations dans le cadre du décret du 21 février 2024. Dans le contexte économique actuel, d'autres débats budgétaires sont toutefois à prévoir.
M. le président . La parole est à M. David Guiraud.
M. David Guiraud . Vous faites valoir qu'il n'est pas possible de toucher à la mission Remboursements et dégrèvements, car celle-ci est constituée de crédits évaluatifs. Dans ce cas, expliquez-moi pourquoi vous acceptez de modifier de plusieurs centaines de millions d'euros la mission relative à la gestion de la dette publique, qui est constituée de crédits de même nature. Vous justifiez deux décisions contradictoires par le même argument et je ne comprends pas cette incohérence !
Auteur : M. David Guiraud
Type de question : Question orale
Rubrique : Finances publiques
Ministère interrogé : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Ministère répondant : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 mars 2024