Bonification trimestres retraites pour tous les pompiers volontaires
Question de :
M. Damien Maudet
Haute-Vienne (1re circonscription) - La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale
M. Damien Maudet alerte M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur la bonification trimestres retraites pour tous les pompiers volontaires. Il a y a quelques mois, les sénateurs ont voté la mise en place de la bonification de trois trimestres de retraite supplémentaires pour les sapeurs-pompiers ayant accompli dix années de volontariat. Une demande réitérée depuis des années par de nombreux parlementaires de tous bords, mais aussi par les syndicats et la Fédération nationale des sapeurs-pompiers. Tous demandent une valorisation d'années d'engagement pour l'ensemble des sapeurs-pompiers volontaires. Lors de la commission mixte paritaire, lorsque 7 députés et 7 sénateurs se sont réunis pour réaliser les derniers arbitrages sur le texte - avant l'utilisation de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution - la mention des « trois trimestres » a été remplacée par « des trimestres supplémentaires ». Une première trahison envers les pompiers. M. le ministre a longtemps reporté le décret d'application de cette mesure, à ce jour encore attendu. Une première version a toutefois été dévoilée, loin des attentes et du projet initial : cette bonification ne concernerait plus l'ensemble des pompiers, mais seulement ceux aux carrières dites « hachées ». Or le but de cette mesure n'était pas de corriger des interruptions de carrière, mais d'apporter une reconnaissance d'un engagement risqué. Pour que soit mieux reconnu l'engagement de ces hommes et de ces femmes au service de la sécurité des Français. Le 5 mars 2024, M. Frédéric Valletoux avait précisé devant la représentation nationale : « Les amendements adoptés au Sénat prévoyaient que, dans le cadre de ce dispositif, quatre trimestres par année au maximum pouvaient être validés, ce qui, de fait, limitait le champ d'application de la mesure aux carrières incomplètes (...) un coût de 30 millions d'euros pour la mesure, ce qui correspond au montant que représente la correction des interruptions de carrière engendrées par l'engagement en tant que sapeur-pompier volontaire ». Il lui demande s'il confirme que le décret pour la bonification ne concernera plus l'ensemble des pompiers, mais seulement ceux aux carrières hachées et si, à quelques jours du lancement du Beauvau de la sécurité civile, il est déjà en train de trahir l'une de leurs revendications majeures qu'ils pensaient pourtant avoir obtenue.
Réponse en séance, et publiée le 3 avril 2024
RETRAITE DES POMPIERS VOLONTAIRES
M. le président . La parole est à M. Damien Maudet, pour exposer sa question, no 710, relative à la retraite des pompiers volontaires.
M. Damien Maudet . « Toute ma vie, j'ai eu deux emplois : la journée, sur le chantier ; le soir, dans le camion pour secourir. Cette pénibilité, elle n'est jamais prise en compte. »
On peut les croiser dans les rayons d’un supermarché, dans une usine, au volant d’un camion benne de la commune, dans les espaces verts de Peyrat-le-Château, ou derrière un bureau. Mais quand le devoir les appelle, ils quittent le boulot. Parfois, lorsqu'ils sont en congés, ils renoncent à leur repos. Ils arrêtent tout, filent à la caserne, enfilent leur tenue et courent porter secours. Il s'agit des sapeurs-pompiers volontaires, qui représentent 80 % des pompiers du pays.
On fait appel à ces héros de tous les jours, qui, en plus de servir le pays en exerçant leur emploi, s’engagent comme pompiers volontaires. Sans eux, notre système de sécurité civile s’effondrerait. Que ce soit en cas d’inondation ou de malaise, ils répondent présents.
Ce week-end, à Bellac, à Magnac ou à Aixe-sur-Vienne, ils étaient présents pour faire face à d'immenses inondations. Ce week-end, en Haute-Vienne, on a dénombré 123 interventions de pompiers, 96 engins mobilisés par le service départemental d’incendie et de secours (Sdis), 43 personnes mises en sécurité, grâce à l'intervention de 253 sapeurs-pompiers, parmi lesquels plus de la moitié étaient des volontaires.
Humbles, ils ne demandent pas grand-chose. Ils sont engagés pour le bien commun. Mais s’ils viennent à manquer, c’est la sécurité des Français qui sera en danger. Certains chiffres doivent nous alerter : entre 2004 et 2020, le nombre d’interventions a augmenté de 20 %. Or le problème est que, pendant la même période, le nombre de pompiers a diminué de 2 % en raison, notamment, d'une baisse des effectifs des pompiers volontaires.
Le second problème est que 30 à 40 % des pompiers volontaires ne souhaitent pas renouveler leur engagement au bout de cinq ans ; on assiste à une crise. Or, entre l'asphyxie de l'hôpital public, les Jeux olympiques et le réchauffement climatique, les sollicitations des sapeurs-pompiers ne manqueront pas.
Selon la Fédération nationale des sapeurs-pompiers, 50 000 pompiers volontaires supplémentaires seraient nécessaires en 2027. À rebours des évolutions en cours, nous avons donc besoin de davantage de volontaires. Il n’y a pas de recette miracle. Pour conserver des volontaires ou en attirer, nous devons reconnaître la loyauté, le service, mais aussi la pénibilité de l’engagement ; la bravoure, l’engagement pour la société, mais aussi le dos usé et les articulations fragilisées. Nous devons leur assurer une retraite en bonne santé.
Pour cela, j’ai déposé une proposition de loi visant à octroyer aux pompiers volontaires qui justifient de dix années d’engagement une bonification de trois trimestres, pour partir plus tôt à la retraite. Je ne suis pas le premier : il y a un consensus sur le sujet, à gauche comme à droite, à tel point que dans la dernière réforme des retraites, les sénateurs ont adopté un amendement pour valoriser l'engagement et compenser la pénibilité.
Je crains que le Gouvernement n'enfume les pompiers : alors que les trois trimestres devaient concerner tous les pompiers volontaires pouvant se prévaloir de dix ans d’engagement, le Gouvernement s’apprête à ne les donner qu’aux pompiers qui ont eu des périodes de chômage – à un nombre très limité donc. Ce n’est pas du tout ce que les volontaires, les syndicats et les élus demandaient, ni la philosophie de la loi. Cette fausse bonne nouvelle déçoit gravement les pompiers. Monsieur le ministre, le Gouvernement doit revoir sa copie et accorder à tous les pompiers volontaires ayant dix ans d'engagement la possibilité de partir à la retraite plus tôt et en bonne santé.
M. le président . La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la mer et de la biodiversité.
M. Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer et de la biodiversité . Je m'efforcerai de vous répondre précisément. Je remercie les députés qui améliorent le quotidien des pompiers volontaires mais aussi leurs droits à retraite. Comme vous le savez, l'article 24 de la loi du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 a prévu un dispositif permettant aux sapeurs-pompiers volontaires justifiant d'une durée minimum d'engagement de valider des trimestres pour compléter, le cas échéant, leur carrière professionnelle, au titre de la reconnaissance de leur engagement au service de nos concitoyens.
La commission mixte paritaire n'a pas repris la rédaction de l'amendement gouvernemental qui prévoyait une bonification de la durée d'assurance de trois trimestres pour les sapeurs-pompiers volontaires ayant accompli dix années d'engagement en cette qualité. Le Gouvernement avait défendu cette rédaction et, j'y insiste, la commission mixte paritaire l'a modifiée – je suis soucieux des prérogatives du Parlement.
Les débats parlementaires ont ainsi fait évoluer le dispositif vers un droit à des trimestres de bonification. Le sénateur Martin précisait dans l'exposé sommaire de son amendement : « Ces trimestres ont vocation à compléter, le cas échéant, la carrière professionnelle des sapeurs-pompiers volontaires, afin de faciliter un départ à taux plein à la retraite. » Ces dispositions instaurent un mécanisme de solidarité inédit qui préserve le statut de volontaire : pour les sapeurs-pompiers volontaires ayant connu des périodes d'inactivité ou de chômage non indemnisé, les trimestres manquants seront compensés. Comme vous le savez, le travail interministériel se poursuit afin d'aboutir au meilleur texte possible, dans le respect de la loi votée par le Parlement, qui prévoit des trimestres de retraite supplémentaires.
M. le président . La parole est à M. Damien Maudet.
M. Damien Maudet . Je vous remercie pour votre réponse, même si elle n'est pas satisfaisante. La question est : comment reconnaître l'engagement des sapeurs-pompiers par une bonification ? Vous proposez de compléter les carrières, ce qui signifie que cela concerne les sapeurs-pompiers ayant connu des périodes de chômage, soit, je le répète, un petit nombre d'entre eux. J'invite le ministre de l'intérieur Gérald Darmanin à revoir sa copie et à instaurer une bonification de retraite après dix années d'engagement pour tous les sapeurs-pompiers volontaires, comme le demandent les fédérations, les élus et les sapeurs-pompiers volontaires eux-mêmes.
M. le président . La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hervé Berville, secrétaire d'État . Le travail parlementaire continue. Reste, je le redis, que cette rédaction est issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Auteur : M. Damien Maudet
Type de question : Question orale
Rubrique : Retraites : généralités
Ministère interrogé : Intérieur et outre-mer
Ministère répondant : Intérieur et outre-mer
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 mars 2024