16ème législature

Question N° 714
de Mme Isabelle Périgault (Les Républicains - Seine-et-Marne )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Éducation et jeunesse
Ministère attributaire > Éducation et jeunesse

Rubrique > enseignement

Titre > Situation de l'instruction en famille

Question publiée au JO le : 26/03/2024
Réponse publiée au JO le : 03/04/2024 page : 2564

Texte de la question

Mme Isabelle Périgault interroge Mme la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur la situation de l'instruction en famille. Et effet, depuis la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, le régime de l'instruction en famille est passé d'un régime déclaratif à un régime dérogatoire. En passant du régime déclaratif au régime d'autorisation préalable, l'accès à l'instruction en famille s'est durci. Cependant, la loi ne prévoit à aucun moment de durcir sa pratique. Plusieurs familles alertent sur la difficulté de leur situation : refus d'autorisation alors que le frère ou la sœur a toujours été scolarisé en famille, ou alors que le cursus de l'enfant se passait très bien. De plus, les familles constatent régulièrement que les inspecteurs remettent en cause les apprentissages des enfants en IEF. La loi spécifie bien que le contrôle académique doit permettre d'évaluer les moyens mis en œuvre pour la progression de l'enfant dans les apprentissages. Aussi elle lui demande ce que le Gouvernement compte mettre en œuvre pour améliorer ces contrôles qui font peser une menace constante sur les familles.

Texte de la réponse

INSTRUCTION EN FAMILLE


M. le président . La parole est à Mme Isabelle Périgault, pour exposer sa question, no 714, relative à l'instruction en famille.

Mme Isabelle Périgault . Depuis la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, l'instruction en famille (IEF), communément appelée école à la maison, relève d'un régime dérogatoire.

Pendant longtemps, un simple système déclaratif a permis aux familles qui le souhaitaient d'opter facilement pour cette forme d'apprentissage. Désormais, elles ne cessent de nous alerter sur les difficultés qu'elles rencontrent depuis la mise en place du nouveau régime d'autorisation. Elles sont nombreuses à se voir imposer contre leur volonté la scolarisation de leurs enfants, dès l'âge de 3 ans, alors qu'elles n'ont aucune velléité de séparatisme et se sont pliées à toutes les exigences de la nouvelle loi.

Les familles sont très inquiètes, et bien souvent en colère. Dans ma circonscription de Seine-et-Marne, j'ai été alertée par plusieurs associations et sollicitée par de nombreux parents, désemparés face au refus du rectorat. Certains, qui pratiquaient déjà l'IEF avec leur aîné, subissent un refus pour le cadet ou le benjamin.

Depuis le passage au système dérogatoire, la part des refus a atteint 70 %, parfois 100 % dans certaines académies. Ces chiffres ne sont pas inventés par les familles. De nombreux élus, interpellés sur le sujet, ont pris acte de cette situation et se sont tournés vers les rectorats, qui ont confirmé ces données.

L'un des motifs de la réforme était la lutte contre le séparatisme. Le régime dérogatoire n'a évidemment eu aucun impact sur ce phénomène, engendrant seulement des difficultés supplémentaires pour les familles et les services de l'éducation nationale, dont je salue le travail.

Face à ce constat, j'ai déposé en 2022 une proposition de loi visant à rétablir le régime de déclaration de l'instruction en famille. Elle reste, à ce jour, sans suite. J'ai également plaidé pour la création d'une mission flash sur l'impact de l'article 49 de la loi « séparatisme » et l'efficacité de ces dispositions. Ma demande, elle aussi, est restée vaine.

En outre, les familles constatent régulièrement que les inspecteurs remettent en cause les apprentissages des enfants en IEF – c'est le cas dans ma circonscription. Or la loi précise bien que le contrôle académique doit seulement permettre d'évaluer les moyens mis en œuvre pour la progression de l'enfant dans les apprentissages.

Que compte faire la ministre de l'éducation nationale pour remédier à ces difficultés ? Envisage-t-elle un retour au système déclaratif ?

M. le président . La parole est à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention . La ministre de l'éducation nationale m'a transmis des éléments qui devraient être de nature à vous rassurer. Le régime d'autorisation d'instruction dans la famille, introduit par la loi confortant le respect des principes de la République, vise à garantir une meilleure protection des enfants. Il s'agit de placer l'intérêt supérieur de l'enfant au cœur du dispositif.

Les demandes d'autorisation doivent ainsi être fondées sur l'un des quatre motifs prévus par la loi : l'état de santé de l'enfant ou son handicap ; la pratique d'activités sportives ou artistiques intensives ; l'itinérance de la famille en France ou l'éloignement géographique de tout établissement scolaire public ; enfin, l'existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif.

Il en résulte que la délivrance d'une autorisation d'instruction dans la famille pour un enfant membre d'une fratrie n'emporte pas de droit à la délivrance d'une telle autorisation pour ses frères et sœurs. En effet, cette dernière situation ne relève pas d'un des quatre motifs d'autorisation.

Pour autant, il ne s'agit pas d'interdire sans discernement tous les dispositifs d'instruction en famille et de porter atteinte aux pratiques positives mais, conformément aux termes des arrêts rendus par le Conseil d'État le 13 décembre 2022 de « rechercher, au vu de la situation de [1']enfant, quels sont les avantages et les inconvénients pour lui de son instruction, d'une part dans un établissement ou école d'enseignement, d'autre part, dans la famille selon les modalités exposées par la demande et, à l'issue de cet examen, […] retenir la forme d'instruction la plus conforme à son intérêt ».

Chaque enfant est donc considéré individuellement et indépendamment de la situation de ses frères et sœurs, même si l'existence d'une instruction dans la famille déjà accordée à ceux-ci peut constituer un élément d'appréciation dans l'étude de la situation, sans cependant emporter une autorisation automatique.

En outre, le passage d'un régime déclaratif à un régime d’autorisation n’a pas apporté de modifications aux modalités du contrôle pédagogique des enfants instruits dans la famille, diligenté par le directeur académique des services de l’éducation nationale du département de résidence de l’enfant.

Conformément à l’article L. 131-10 du code de l’éducation, l'autorité de l'État compétente en matière d'éducation doit, au moins une fois par an, à partir du troisième mois suivant la délivrance de l'autorisation d’IEF, faire vérifier, d'une part, que l'instruction dispensée au sein d'un domicile l'est pour les enfants d'une seule famille et, d'autre part, que l’enseignement assuré est conforme au droit de l’enfant à l’instruction.

Ainsi, les personnes chargées du contrôle doivent s’assurer de l’acquisition progressive par l’enfant de chacun des domaines du socle commun de connaissances, de compétences et de culture au regard des objectifs de connaissances et de compétences attendues à la fin de chaque cycle d’enseignement de la scolarité obligatoire.

L’entretien prévu lors de ce contrôle est un moment de dialogue privilégié entre les personnes responsables de l’enfant et la personne chargée du contrôle. Les conditions d’un échange constructif sur les apprentissages de l’enfant doivent être réunies.

Le Gouvernement entend satisfaire à cette obligation de contrôle afin de veiller à ce que le droit à l’instruction des enfants instruits dans la famille soit garanti.